Laïcité : le peuple a perdu la confiance d’une certaine élite intellectuelle

Laïcité — débat québécois

Laïcité : le peuple a perdu la confiance d’une certaine élite intellectuelle, par Jacques B. Gélinas, Sociologue
Dans son éditorial du 18 février dernier, Josée Boileau, commentant le débat en cours sur la laïcité, fait un inquiétant constat : il y a «rupture entre un certain milieu intellectuel et la population sur l’épineuse et pourtant essentielle question des accommodements». Après avoir rappelé l’importance d’un tel débat dans ce «grand repositionnement que nous sommes en train de vivre», l’éditorialiste du Devoir met le doigt sur ce qui constitue le point névralgique de cette rupture : alors que dans l’espace public les croyances se multiplient, comment concilier la liberté d’afficher ses croyances religieuses personnelles dans les lieux publics avec les valeurs fondatrices du Québec moderne que sont l’égalité des sexes et la neutralité de l’État?
Cette réflexion sur la rupture entre une certaine élite intellectuelle et la population m’a rappelé une observation décapante du grand dramaturge Bertolt Brecht sur l’élite politique de son pays, l’Allemagne de l’Est : «Le peuple a, par sa faute, perdu la confiance du gouvernement. Et ce n’est qu’en redoublant d’effort qu’il peut la regagner. Ne serait-il pas plus simple alors pour le gouvernement de dissoudre le peuple et d’en élire un autre?»
On l’aura perçu, le titre de la présente note se veut un pastiche de cette citation de l’artiste conscientiseur que fût Brecht. Dans le problème qui nous occupe, on pourrait accoler le parti au pouvoir à ce «groupe d’intellectuels» en rupture avec la population. L’un et l’autre soutiennent objectivement la même position dans le débat en cours. En déposant, en octobre 2009, le projet de loi 16 visant à «encadrer» les accommodements religieux dans la fonction publique, le gouvernement de Jean Charest voulait réaliser à peu près la même chose que ce proposent les intellectuels Pour un Québec pluraliste : une laïcité pragmatique, au cas par cas. Devant les protestations de la majorité des organismes féministes et d’une grande partie de la population, le pouvoir a dû rapidement battre en retraite et ravaler son projet.
Et si le peuple avait raison… N’est-ce pas ça, la démocratie?


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