La stratégie de Trump, «un choc pour les dirigeants des pays alliés»

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Tout le monde découvre tout à coup que les États-Unis ont des intérêts qui ne sont pas les leurs

Trump met à mal la domination de la mondialisation néolibérale, malgré l'opposition féroce de l’élite occidentale. Une nouvelle série d’intrigues pourrait avoir des conséquences imprévisibles, estime l'écrivain Diana Johnstone.
RT France : L’élection de Donald Trump a suscité beaucoup de protestations au sein de la société américaine et surtout au sein de son establishment. Plusieurs voix s’élèvent pour dire qu’avec une telle opposition il ne pourra pas accomplir son mandat et risque soit une destitution soit un assassinat. Pensez-vous que ce soit un scénario probable ?
Diana Johnstone (D. J.) : L’assassinat serait difficile, car il se protège bien, avec ses propres gardes de corps. Mais, pour le reste, on peut s’attendre à une opposition féroce de la part de l’élite non seulement étatsunienne, mais aussi occidentale qui se consacre depuis une génération à la domination d’une mondialisation néolibérale basée soi-disant sur «nos valeurs». Trump se met à casser tout cela. Il a peu d’alliés dans les élites. Les Etats-Unis étant un pays d’avocats, on trouvera toute sortes de prétextes, fondés ou non, pour le destituer par les moyens légaux.
RT France : Dans le dossier sur les liens supposés de Donald Trump avec la Russie on a vu qu’il devait aussi faire face à une opposition des services américains. A quel point est-ce grave pour sa présidence ?
D. J. : Difficile à dire, car on est là face à des instances totalement opaques. Trump essayera évidemment de prendre le contrôle de cette constellation, mais en a-t-il les moyens ? La lutte intérieure des services risque d’alimenter une nouvelle série d’intrigues sauvages aux conséquences imprévisibles.
RT France : Pensez-vous que les attaques contre Donald Trump vont diminuer après son investiture ?
D. J. : Je souligne le fait que l’opposition à Trump existe à deux niveaux totalement différents : l’opposition d’en bas et l’opposition d’en haut. L’opposition d’en haut vient de tout l’establishment dont l’idéologie et les aspirations géopolitiques étaient parfaitement représentées par la candidate perdante : avant tout la perpétuation de l’hégémonie mondiale des Etats-Unis par tous les moyens, en particulier en écrasant la prétention de la Russie de remplacer cette hégémonie par un monde multipolaire.
En bas et dans la rue, il y a des gens sans pouvoir qui avaient intériorisé la diabolisation de Donald Trump promue par la campagne Clinton, dépeignant Trump en dangereux raciste qui menace les libertés des citoyens et surtout des minorités et des femmes. C’est l’opposition naïve dont l’émotion sert plus ou moins inconsciemment l’opposition calculée d’en haut.
Le Parti démocrate est responsable de sa propre débâcle. Mais en s'autodétruisant, il a aussi divisé la base populaire qui devrait constituer une opposition de gauche. En pariant sur le soutien des femmes et des minorités pour être élue, Hillary Clinton et sa machine politique ont largement laissé la classe ouvrière blanche à l’abandon, et c’est celle-ci qui s’est tournée vers Trump faute de mieux, grâce à ses promesses de créer des emplois solides. La ligne de Bernie Sanders essayait de réunir ses composantes de gauche, mais surmonter la division entre social et sociétal sera difficile tant que les dirigeants actuels du Parti démocrate prétendent représenter «la résistance».
RT France : Donald Trump a fait beaucoup de déclarations concernant sa politique extérieure. Pensez-vous que ses paroles vont être suivies d’actes ?
D. J. : On a beaucoup suggéré qu’au moment de prendre le pouvoir, Trump mettrait beaucoup d’eau dans son vin en modifiant les propos de campagne. On a vu le contraire. Trump va même plus loin en préconisant un changement de système mondial radical. Au lieu de l’ordre mondial fondé sur «les valeurs» essentiellement américaines, il prône le nationalisme, non seulement pour les Etats-Unis mais pour tout le monde – un concept qui s’approche de la «multipolarité» de Poutine. C’est un choc pour les dirigeants des pays alliés. Jusqu’à présent, ce concept s’applique surtout à la sphère économique, par exemple avec le refus du traité trans-Pacifique. Quant à la sphère militaire, on ne sait pas comment cela pourrait se traduire.
Une énorme inconnue reste : le prix à payer : Trump parle de baisser des impôts, de créer un vaste programme d’infrastructures, même d’augmenter les dépenses militaires. Couper les dépenses sociales ne peut pas compenser cette extravagance – et les Etats-Unis restent toujours endettés au niveau de millions de milliards. Que deviendra le dollar ?
Beaucoup de questions, peu de réponses.


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