La question du voile islamique fracture la majorité présidentielle

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Le parti de Macron divisé sur l'islamisation de la société


Le port du voile en sortie scolaire, et plus largement dans l'espace public, divise la majorité. Entre autres exemples : Jean-Michel Blanquer estime qu’il n’est pas «souhaitable» dans la société, quand son collègue Cedric O n’y voit aucun «problème».


Déjà évoquée en mai dernier, lors de l’adoption éphémère par le Sénat d’un amendement interdisant les sorties scolaires pour les parents qui portent des signes religieux ostensibles, la question du port du voile islamique dans l’espace public a été relancée dans le débat politique. Le 11 octobre, le conseiller régional du Rassemblement national (RN) Julien Odoul avait demandé de faire sortir une accompagnatrice scolaire voilée lors d'une séance plénière du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, provoquant de nombreuses réactions tant au sein de l'assemblée que dans la société française.


Si la plupart des représentants politiques issus de la majorité présidentielle avaient condamné l’intervention du député RN, ils sont néanmoins apparus nettement plus divisés sur le sujet des mères voilées qui participent aux sorties scolaires et plus largement sur la question du port du voile dans l'espace public en France.


Blanquer, Darmanin et Le Maire jugent le port du voile dans l'espace public négatif


Amené en toute logique à s’exprimer sur l’incident, le ministre de l’Education Jean-Michel Blanquer a dénoncé une «situation absurde», jugeant que «le Rassemblement national [essayait] de jouer de manière extrême sur ce type de questions». Mais, en même temps, le membre du gouvernement a tenu à ajouter : «Le voile n’est pas souhaitable dans notre société. Ce n’est pas quelque chose à encourager. Ce que ça dit sur la condition féminine n’est pas conforme à nos valeurs», a-t-il déclaré, tout en rappelant que la loi n’interdisait pas aux femmes portant le voile «d'accompagner les enfants».  


L'ancien recteur de l'académie de Créteil, qui s'était prononcé en en décembre 2017 contre le port du voile par des accompagnatrices scolaires, a été rejoint le lendemain par ses collègues Gérald Darmanin et Bruno Le Maire. «Je préférerais que les femmes en République, en France, ne portent pas le foulard», a ainsi déclaré le ministre de l’Action et des Comptes publics, tout en estimant que «ce n'est pas ça le problème fondamental de la République». Quant au ministre de l’Economie, ex-Les Républicains comme Gérard Darmanin, il a plaidé pour la défense d’une culture «dans laquelle la religion reste dans la sphère intime, privée et n'a pas sa place sur l'espace public».


Sibeth N’diaye et Cédric O louent la diversité


Cette vision est loin d’être partagée par l’ensemble du camp présidentiel. Evoquant son expérience personnelle, le porte-parole du gouvernement Sibeth N’diaye a par exemple expliqué : «Les sorties scolaires auxquelles j’ai participé ont toujours été des moments positifs parce que vous faites se rencontrer des femmes comme moi et des femmes voilées, qui ne vivent pas dans des univers identiques. Vous pouvez avoir des échanges.»


 


De nombreuses fois, leurs mères nous accompagnaient lors des sorties scolaires. Voilées, parfois. Jamais, cela n’a posé problème



Cédric O, secrétaire d’Etat au Numérique, a également évoqué son vécu pour justifier un positionnement à rebours de celui exprimé par certains de ses collègues du gouvernement. Alors qu’il répondait sur Twitter à une publication de Julien Odoul, qui se demandait combien de parents «confieraient «leurs enfants à une accompagnatrice» scolaire portant le voile, Cédric O a déclaré : «Quand j’étais enfant, à Villeurbanne, nombre de mes camarades de classe venaient de familles musulmanes. De nombreuses fois, leurs mères nous accompagnaient lors des sorties scolaires. Voilées, parfois. Jamais, cela n’a posé problème. Jamais, je n’ai assisté à un quelconque prosélytisme. On vivait ensemble et chacun respectait l’autre. C’est cela la laïcité, en aucun cas le racisme aux petits pieds proposé par Julien Odoul.»


A ces positions, s’est ajoutée la charge du député LREM du Val-d’Oise, Aurélien Taché, contre les propos du ministre de l'Education. Le numéro deux du pôle «débat d’idées» au sein du parti présidentielle, n’y est en effet pas allé de main morte pour dénoncer la sortie de Jean-Michel Blanquer sur le voile, dans un entretien du Point : «Je regrette d'entendre Jean-Michel Blanquer dire que la loi protège le droit de ces accompagnatrices à participer aux sorties scolaires […] et, dans le même temps, dire qu'elles feraient mieux d'enlever le voile. Cela revient à dire que, finalement, il ne faudrait peut-être pas respecter la loi.» Et l'élu macroniste d'accuser le ministre, ni plus ni moins, de faire le jeu du RN : «C'est dans ce genre de situations confuses où des gens comme Julien Odoul récupèrent les mots de Jean-Michel Blanquer. On renforce ceux que l'on prétend combattre.»


Ces désaccords mettent à mal la cohérence d'une majorité présidentielle ayant déjà connu des dissensions, et, notamment, sur le sujet de l'immigration. Preuve que la fracture est béante, le ministre de l'Education a exigé, lors du bureau exécutif du mouvement le 14 octobre, la saisie de la commission des conflits de La République en marche. Il souhaite qu'une sanction soit prononcée à l'encontre du député macroniste du Val-d’Oise et numéro deux du pôle «débats d’idées» au sein du parti présidentiel.


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