Grève étudiante

La légende de l’agneau aux boucles roussies

Tribune libre

La légende de l’agneau aux boucles roussies
Il était une fois des étudiants (pas une sous-race d’humains) qui voulaient discuter de la hausse annoncée depuis belle lurette (enfoncée jusqu’à la luette?) des frais de scolarité. Ils le demandèrent donc gentiment au bon gouvernement.

La réponse fut sans équivoque : Non!
Ils sortirent dehors en criant, peut-être ne s’étaient-ils pas exprimés assez fort?
La réponse fut non, encore.
Ils firent des parades colorées, festives et pacifiques. Peut-être n’étaient-ils pas assez visibles?
La réponse fut non, toujours.
Ils refirent des dizaines de ces parades colorées, festives et pacifiques.
Encore et toujours, non!
Les semaines passèrent et une première pierre fut lancée. Par un étudiant? Un sans-abri? Un agent provocateur?
Nul ne l’a jamais su puisqu’il n’y eu pas enquête. C’est toujours comme cela dans un état policier naissant ou une néo-dictature déguisée en démocratie; peu important. Les médias de masse, l’ignare populace et le bon gouvernement tranchèrent : C’est les p’tits criss d’enfants-rois d’étudiants!
Suite au lancé de cette première pierre (qui ne cassa qu’une vitrine, soit dit en passant) la pression s’extirpa de sa paresse et la répression pu s’empresser de presser sur le bouton rouge et carré: feu!
Subséquemment, une très, très, très évitable escalade fut au contraire encouragée :
L’anti-émeute (ou pro-émeute, selon l’angle) fut lâchée lousse et les p’tits criss d’enfants-rois d’étudiants eurent la frousse… et pour cause :
Gaz irritants, poivre de cayenne, bombes assourdissantes (parfois en pleine figure), grenades de gaz lacrymogène, coups de fouet (oui, oui, comme dans les flagellations imposées aux femmes des pays dinausoresques où l'on appliquait encore la charia!), balles de caoutchouc (mais surtout de plastique rigide, lancées avec des armes du nom cousin d’aryen : Arwen; ceux-là mêmes, dit-on, que tirait l’armée juive sur les habitants de la Palestine!) sans compter la parade terrifiante de la cavalerie du Bastion des Bastonneurs. Tel fut le coûteux prix à payer pour avoir osé implorer le bon gouvernement d’aborder (peut-être avait-il compris saborder?) une question sociale fort légitime :

«Puisque vous dépossédez comme si vous la possédiez la province entière, bon gouvernement, ne serait-ce pas un ti-peu beaucoup, 75% d’augmentation?»

Amères fruits de cet affront éhonté: blessures graves par centaines (perte de yeux, d'oreilles, mâchoires fracassées avec dentition détruite en bonus, fractures par dizaines, y compris plusieurs du crâne, etc.). Et toute cette décharge insensée ne fut que la réponse physique.
Vint ensuite la récrimination psychologique et enfin, une épique réplique; l’abracadabrante application de la justice, en contradiction totale avec le bon sens, mais néanmoins appliquée avec la finesse des néandertaliens d’antan, par d’inqualifiables juges en toges de tough!
La cascade qui s’ensuivie fut rageuse : arrestations arbitraires et préventive par milliers, pluie d’injonctions, embauche d’agences de sécurité pour forcer des professeurs à demeurer en classe contre leur volonté, etc. Cette cascade devint bientôt rivière, puis d’embâcles en débâcles et d’embarras en débarras, mouilla enfin le rivage d’un glauque guet-apens: le Congrès Libéral! C’est dans ce décor digne d’un pastiche de mauvais film de guerre que les séniles scénaristes du vieux parti campèrent la scène de La Victorieuse bataille du Victorin à Victoriaville… plus "victorieux" que ça, tu meurs! Littéralement.
Le reste de l’histoire est flou et on en parle maintenant comme d’une légende funeste.
À la suite de prestidigitations des boîtes de scrutin, le bon gouvernement fut réélu par une majorité écrasante. Les partis d’opposition tentèrent un renversement, mais ce fut un échec fracassant. Ils n’apprirent que bien trop tard, dans la sinistre Prison du Nord, qu’ils étaient jadis tous infiltrés par des traîtres en dormance dans leurs partis respectifs.
De là naquît la triste légende de l’agneau aux boucles roussies, qui une fois la transformation achevée, se révéla être nul autre que le démoniaque Bouc de Sherbrooke!
Note 1 : Depuis 2013 et ce en vertu des pouvoirs hérités du nouveau Code de Supplice (rédigé en commun avec les forces occultes du régime de Har-Peur) tout individu récalcitrant, qu’il soit étudiant ou non, sera désormais considéré comme faisant partie d’une sous-race d’humains et, conséquemment, sera condamné sans appel aux travaux forcés dans la nouvelle province de Minéral (anciennement Québec) baptisée ainsi en hommage au grand vainqueur libéral.
Note 2 : Enfin, tout comme le bon gouvernement l’ayant inspirée, cette fable ne contient aucune morale.
Note 3 : La fable ci-haute fut légèrement exagérée, mais seulement parce que pour bien saisir les contours de l’histoire, il faut parfois en noircir les traits.
Benoît Beaudry
Électron libre


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