La « nation doit faire bloc », selon les mots du président de la République Emmanuel Macron et le retour à la vie normale, lui, va devoir attendre. Alors que le conseil scientifique sur le Covid-19 a estimé que le confinement, qui a été mis en place le 17 mars sur l’ensemble du territoire, pourrait durer « vraisemblablement au moins six semaines », le gouvernement n’a pas encore repris cette préconisation. Mais, la décision des autorités ne semble pourtant guère faire de doute : mercredi 25 mars, la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, a annoncé que le prolongement sera décidé « dans les prochains jours ».
Depuis Mulhouse, où il était venu témoigner son soutien aux personnels soignants et aux militaires mobilisés, Emmanuel Macron a lancé dans la soirée un appel à « l’union » pour mener « la guerre » contre l’épidémie, fustigeant « les facteurs de divisions ».
S’exprimant depuis l’une des régions les plus durement touchées par le Covid-19, le chef de l’Etat a promis la mise en place d’un « plan massif d’investissement et de revalorisation de l’ensemble des carrières » à l’hôpital. « Cette réponse sera profonde et dans la durée », a-t-il encore assuré.
Il a également fait part du lancement de l’opération militaire « Résilience », qui « sera entièrement consacrée à l’aide et au soutien aux populations, ainsi qu’à l’appui aux services publics pour faire face à l’épidémie, en métropole et en Outre-mer », en particulier dans les domaines sanitaires, logistiques et de protection.
« Je reviendrai dans quelques jours faire un point complet sur la situation, vous dire les décisions prises pour les semaines à venir et les décisions plus profondes pour le futur de la nation », s’est enfin engagé le président, qui s’exprimait pour la troisième fois depuis le début de la crise sanitaire.
L’épidémie a causé la mort de 1 331 personnes, dont 231 entre mardi et mercredi, ce qui représente un bilan multiplié par cinq en une semaine, a annoncé le directeur général de santé, Jérôme Salomon. Au moins 2 827 patients étaient en réanimation, dont 311 nouveaux patients dans un état grave en 24 heures. Au total, 11 539 malades sont hospitalisés, selon M. Salomon.
« La crise va être longue, les prochains jours vont être particulièrement difficiles », prévient le directeur général de la santé, rappelant que la France fait face à une « situation inédite et très critique. (…) Nous avons une épidémie d’extension nationale en aggravation rapide ». Il a souligné une « tension majeure » en Ile-de-France, devenue « la situation la plus critique ».
« Les soignants se battent sans répit, ils méritent toute notre admiration et nos hommages. Nous aurons des drames individuels, nous aurons des drames collectifs, des familles endeuillées en nombre. Nous devrons faire face en bloc à une situation inédite et très critique. »
« C’est un effort long auquel nous allons tous ensemble faire face », a assuré, mercredi 25 mars, le premier ministre, Edouard Philippe, à l’issue d’un conseil des ministres au cours duquel 25 ordonnances, un record sous la Ve République, ont été adoptées dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. « Nous ne sommes qu’au début de la crise » qui sera « de plus en plus un choc économique, un choc social », a-t-il prévenu avant de détailler le contenu des ordonnances, destinées à atténuer « les graves dommages économiques et sociaux que provoque inévitablement le confinement » débuté il y a huit jours. Le gouvernement a annoncé :
1. La création du fonds de solidarité doté d’un milliard d’euros, orienté vers les « très petites entreprises, microentreprises et indépendants », des aides pour le secteur du voyage ou encore une adaptation des règles des marchés publics et de déploiement des réseaux de communication électronique pour les renforcer plus rapidement.
2. La refonte complète du système d’indemnisation du chômage partiel, qui indemnise un salarié à hauteur de 70 % du salaire brut et 84 % du salaire net, avec une contribution de l’Etat à hauteur du smic. Trente-sept mille entreprises avaient déjà demandé à bénéficier de ce dispositif, dont la moitié ont moins de 10 salariés.
3. Des ordonnances vouées à « la protection des plus vulnérables ». Les droits sociaux (RSA, allocation adulte handicapé, droits des demandeurs d’emplois) seront « préservés et poursuivis pendant toute la période de confinement ».
4. L’aménagement temporaire du droit du travail « pour permettre l’organisation d’une véritable économie de guerre dans les secteurs vitaux et sous conditions ». Cela signifie que « les entreprises pourront déroger temporairement et avec des compensations ultérieures aux durées maximales du travail et aux règles de repos hebdomadaire et dominicale », selon M. Philippe.
5. Des mesures d’exception pour la justice, dont certaines devraient permettre de libérer entre 5 000 et 6 000 détenus des prisons françaises.
6. La priorité donnée aux soignants, « qu’il s’agisse des équipements de protection, des moyens de transport des malades, de l’hébergement temporaire ou des financements ». « C’est la priorité des priorités du gouvernement. »
Face à cette situation, « nous n’avons ni les lits, ni les locaux, ni les équipements, ni les personnes pour augmenter nos capacités dans des proportions extrêmement importantes », expliquait lundi la directrice générale du CHR de Metz. Le pic est attendu en milieu de semaine et devrait « durer quinze jours, trois semaines », selon le directeur général du CHRU de Nancy.
Avec désormais « près de 900 lits » de réanimation, l’ARS a doublé « les capacités d’accueil » dans la région où, avec 58 patients en réanimation, la Champagne-Ardennes (Aube, Haute-Marne, Marne et Ardennes) est pour l’heure moins touchée (258 en Alsace et 210 en Lorraine). Avant le recours au « TGV médicalisé », des évacuations aériennes, par des appareils civils ou militaires, de patients vers des hôpitaux français, mais aussi en Allemagne ou en Suisse, ont déjà eu lieu pour soulager plusieurs hôpitaux, notamment celui de Mulhouse.
Les soignants payent un lourd tribut au virus : aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS), 253 des 12 500 salariés l’ont contracté et ne peuvent plus venir travailler, a indiqué sur France Bleu Alsace Christophe Gautier, son directeur général. En Ile-de-France, le directeur général de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, Martin Hirsch, a lancé un appel à la réquisition de personnels soignants et à une « reconnaissance », peut-être sous forme de primes, pour l’effort « surhumain » des personnels face au coronavirus.
Cinq plaintes contre des membres du gouvernement visant leur gestion de l’épidémie ont été reçues par la Cour de justice de la République, selon des sources judiciaires. Ces plaintes, déposées soit par des particuliers non-malades, soit par des associations, visent le premier ministre Edouard Philippe, l’ex-ministre de la santé Agnès Buzyn ou encore son successeur actuellement en poste Olivier Véran.
Le Collectif Inter-Urgences a aussi fait part de son intention de déposer une plainte contre X au procureur de la République de Paris pour les faits d’« abstention volontaire de prendre les mesures visant à combattre un sinistre », d’« homicide involontaire », de « violences involontaires » et de « mise en danger délibérée de la vie d’autrui ». Deux syndicats de médecins et d’infirmiers ont par ailleurs saisi le Conseil d’Etat pour réclamer notamment des « moyens de dépistage massif » et la prescription de chloroquine « aux patients à risques », cette requête devant être examinée jeudi.