La France, cet héritage à préserver

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Une inventivité inspirante

Par Camille Galic, journaliste et essayiste ♦ Le 19 janvier, Paris-Match citait avec révérence l’acteur et humoriste Ramzy Bedi — selon Wikipédia né en France, de nationalité française — qui déclarait : « J’élève mes enfants [NDLR. Quatre, tous conçus par des mères françaises] avec les valeurs que mes parents m’ont inculquées : la fierté d’être Algérien, le bonheur d’être musulman, l’altruisme, la gentillesse. » Avons-nous nous aussi le droit de proclamer, avec altruisme et gentillesse bien sûr, la fierté d’être français et le bonheur d’être chrétiens ? Évidemment non puisqu’une telle profession de foi relèverait du racisme. De nous sont exigées autoculpabilisation et repentances. Sous-titré « Ce que la France a apporté au monde », le livre d’André Larané intitulé La France en héritage*, apporte donc un souffle d’air frais et remonte le moral.


Les « carolines », une révolution… majuscule


Ingénieur centralien, l’auteur est tombé très jeune amoureux de Clio, ce qui l’avait incité à créer en 1998 le site Herodote.net où, selon son préfacier Jean Tulard, il « s’attache à mettre les événements historiques en rapport avec l’actualité pour éclairer le présent ». Mais c’est aujourd’hui le passé qu’il revisite pour prouver que nous n’avons nullement à en rougir, sur les plans religieux comme politique et culturel. Il rappelle ainsi que c’est à Alcuin, un Anglais protégé de Charlemagne qui le fit nommer évêque de Tours, que l’on doit dès la fin du VIIIe siècle la redécouverte des textes antiques qu’il fait recopier, immense révolution, en caractères minuscules (ou « carolines », en hommage à l’empereur) et en séparant les mots afin de faciliter la compréhension.


L’auteur s’attarde d’ailleurs sur la mission profondément civilisatrice des abbayes du haut Moyen-Âge, Saint-Martin de Tours puis surtout Cluny dont la lumière irradiera toute l’Europe. Et pas seulement sur le terrain de l’éducation. Alors que « les premiers chrétiens eux-mêmes considéraient le travail comme une malédiction impose par Dieu à Adam et à sa descendance en punition du péché originel », les bénédictins montrent par leur exemple que le travail bien fait, de la terre, manufacturier ou intellectuel, peut être aussi salvateur. Et comme ces moines, souvent d’extraction noble, jouissent d’un grand prestige, ils transmettent ce goût à « toutes les couches de la société médiévale, et donnent ainsi l’impulsion au développement économique de l’Occident et en premier lieu du Regnum Francorum ». Parallèlement, les « trêves de Dieu », impératives en période de fêtes religieuses, et qui peuvent s’étendre du mercredi au lundi (à faire rêver Martinez et Mélenchon !), s’imposent aux seigneurs, également sommés de ne s’attaquer « ni au paysan ni à la paysanne » et de ne pas saisir les deniers d’autrui ou d’incendier sa maison.


Libération de la femme


Autre révolution dès le VIe siècle entre Seine et Garonne où cohabitent Celtes, Gallo-Romains et Germains : le statut de la femme. Comme à Rome, le mariage chrétien proscrit la polygamie, mais aussi l’endogamie, les mariages arrangés et la répudiation, « y compris en cas d’adultère de la femme » : celle-ci « hérite en certains cas autant que l’homme » et il lui arrive aussi de « diriger des États et même des abbayes d’hommes (Fontevraud) ».


L’aristocratie guerrière ayant plus tard « contenu sa violence en cultivant l’amour courtois, ces bonnes manières se diffusent dans toute la société » : « les femmes ont pu de la sorte mener une vie sociale relativement libre de toute contrainte ». A preuve Hersende de Champagne (1060-1114), cofondatrice et première grande prieure de l’abbaye de Fontevraud justement, maison mère de l’ordre de Fontevraud, et sa fille putative Héloïse  (1092-1164), célèbre avant même sa rencontre avec Abélard, pour avoir été la première femme à suivre l’enseignement des arts libéraux, et pour son exégèse des œuvres antiques, en particulier celles d’Aristote, car cette latiniste émérite maîtrisait aussi le grec et même l’hébreu, avant de fonder l’ordre monastique du Paraclet.


Trois siècles plus tard, c’est une autre femme qui devait remplacer l’érudite mais sulfureuse Héloïse dans l’imaginaire collectif : l’illettrée Jeanne d’Arc, la bonne Lorraine chantée par Villon, qui fit « émerger un sentiment patriotique dans une France qui c’était encore qu’un assemblage de provinces féodales unies dans leur communauté à la monarchie » capétienne, qui inventa pour sa part « l’État-nation » à la suite de Philippe le Bel. Lequel, n’ayant « de cesse de s’émanciper de l’Église », aurait quant à lui « inventé » la laïcité avant qu’en 1905, la loi de Séparation des Églises et de l’État ne constitue (et à quel prix ! L’expulsion de milliers de religieux et l’« affaire des fiches » qui déboussola l’armée, pas encore remise en 1914). Cette loi fut « une première mondiale », estime André Larané… et surtout l’éclatante victoire maçonnique rêvée un siècle plus tôt par les philosophes des « Lumières ».


Les Lumières, du meilleur et surtout du pire


Au contraire de notre ami Michel Geoffroy qui, dans son livre Le Crépuscule des Lumières voit dans lesdites l’origine de la plupart des maux dont le monde est accablé, en commençant par l’infantilisation des Occidentaux et le chaos migratoire**, André Larané se félicite que la France, « le pays des Lumières » aient justement mis « en lumière la diversité des cultures », et participé au premier chef au « triomphe de la raison », cela grâce à la supériorité et à la richesse de sa langue, devenue au XVIIe siècle la « langue universelle », avec ce résultat que « la Révolution éblouit le monde »… Mais souvent  l’horrifia aussi, comme on se permettra de le rappeler en ce 230ème anniversaire de la décapitation de Louis XVI puis, le 16 octobre 1793, de la reine Marie-Antoinette, préfigurant le massacre de la famille impériale russe par les Bolcheviks de Lénine en juillet 1918 à Iékaterinbourg.



De même, au début du XXe siècle, Paris serait devenue la « capitale mondiale des arts » en accueillant Picasso, Chagall, Modigliani ou Diego Rivera, et la « capitale de l’univers » en « ouvrant les bras aux Anglo-Saxons et aux Afro-Américains ». De Léonard de Vinci accueilli au Clos-Lucé par François 1er à Josephine Baker inhumée au Panthéon sur l’injonction d’Emmanuel Macron, sic transit gloria Franciae


M. Larané a raison d’évoquer l’héritage si riche et si divers de notre pays et le profit qu’ont pu tirer les autres nations de notre génie et de nos découvertes scientifiques. Mais peut-on mettre presque sur le même plan l’ordonnance royale de Villers-Cotterêts et la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen, droits d’ailleurs si vite bafoués ? L’apport décisif à l’égyptologie et la découverte des arts premiers ? L’architecture — dite a posteriori et faussement — « gothique » et le Planning familial, en oubliant d’ailleurs cette invention purement française que fut la polyphonie, l’un des plus grands bouleversements de l’histoire de la musique, retentissant sous les voutes de Notre-Dame de Paris tout récemment édifiée à l’émerveillement de l’Europe qui qualifia du coup l’antique Lutèce de « Nouvelle Athènes » ?


De même peut-on regretter que l’accent soit mis sur « l’odieuse colonisation » (relire à ce sujet les ouvrages de Bernard Lugan) et « l’odieux esclavage », sans que soit cité le très humaniste Code noir rédigé sur l’ordre de Colbert et qui améliorait considérablement la situation des esclaves auxquels les propriétaires de plantation devaient, sous peine de poursuites, assurer toit, habillement, nourriture abondante, et repos chaque dimanche, interdiction formelle leur étant faite en outre de maltraiter cette main-d’œuvre servile et de dissocier les familles.


En revanche on sera tout à fait d’accord avec l’auteur sur le miracle que fut la « civilisation issue de la chrétienté médiévale, née entre les Pyrénées et le Rhin » et sur la cause la plus vraisemblable de ce miracle : à savoir, et il y insiste par deux fois, qu’au contraire de la Chine par exemple, la France « fut pendant mille ans épargnée par les invasions et les vagues migratoires ». Venues non plus d’Europe comme aux temps des Goths et des Vikings mais des populeuses Afrique et Asie, celles-ci déferlent désormais, menaçant notre extraordinaire héritage culturel, scientifique et même génétique. Saurons-nous le préserver ? Ce sera l’enjeu du premier siècle du troisième millénaire. Tant mieux si le livre de M. Larané aide nos compatriotes à prendre conscience tout à la fois du péril et de l’urgence à préserver le trésor national.


Camille Galic

25/01/2023


* André Larané, La France en héritage, éd. de L’Artilleur 2022, 415 pages avec index et préface de Jean Tulard, 22 €.


** https://www.polemia.com/michel-geoffroy-les-lumieres-sont-a-lorigine-du-chaos-migratoire/


*** Dans République Française – Règne du Fric tout récemment paru (Editions de Chiré, 256 pages, 24 €), Bernard Gantois dont nous avions chroniqué ici Le Mirage des valeurs de la République (https://www.polemia.com/mirage-valeurs-republique-bernard-gantois/), affirme que c’est à la Révolution française née des Lumières que l’on doit le règne de l’argent mais aussi le concept de mondialisme et de gouvernement unique de la planète, annonçant ainsi le Groupe de Bilderberg, la Trilatérale et le Forum de Davos.