La débâcle scolaire

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Il faut sortir du pédagogisme et revenir à la culture classique

L’Institut du Québec confirme ce que l’on sait depuis au moins dix ans. Au Québec, le taux de diplomation au secondaire public après 5 ans d’études est affreusement bas. En Ontario, il est de 84 %. Ici, il plonge à 64 %. Chez les garçons francophones dans le réseau scolaire public, c’est encore pire.


Au pouvoir depuis presque 15 ans, les libéraux minimisent le fiasco. Quand on y ajoute les déboires des « réformes » Barrette, les deux plus gros postes budgétaires de l’État et les deux domaines les plus vitaux pour une société – santé et éducation –, sont un échec.


Le ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx, s’entête à noyer le réel dans un flot de paroles confuses. Il refuse aussi toute comparaison avec l’Ontario. Pour les libéraux, comparer le Québec à l’Ontario pour gaver les médecins spécialistes, c’est normal. Mais le faire pour sortir l’école publique québécoise de son marasme, pas question. Une belle hypocrisie.


Le ministre Proulx a même eu le culot de pointer ce qu’il appelle le « décrochage parental » des francophones. Les anglos, dit-il, seraient bien meilleurs à « valoriser » l’éducation. Un peu plus et il traiterait les francophones de culs-terreux.


Idiotie


Et son ministère truffé de fonctionnaires ? Et son premier ministre ? Et lui-même ? Où se situe LEUR responsabilité dans cette faillite ? Mystère et boule de gomme. Blâmer les parents francophones ? Une idiotie sans nom.


Ma mère n’avait que sa 5e année. Dans les années 60 et 70, comme plein d’autres jeunes, la « valorisation » de mon éducation, je l’ai trouvée en plein quartier ouvrier, à l’école primaire et secondaire publique. C’est à l’État d’assurer l’existence d’un système public capable d’offrir une éducation de qualité à tous les enfants, quel que soit le degré de « motivation » des parents.


C’est ce qu’on appelle l’« égalité des chances ». Le problème est qu’après le bref âge d’or de la Révolution tranquille, nos gouvernements ont fini par oublier et trahir cet engagement collectif. Peu à peu, ils ont laissé tomber l’école publique. Et encore plus dans les milieux défavorisés.


Ils l’ont fait au profit d’écoles privées subventionnées jusqu’à 70 % par les fonds publics. Lesquelles recrutent au moins 20 % des élèves, « écrémés » par-dessus le marché. À l’opposé, l’Ontario investit dans l’école publique.


Ségrégation


Résultat : selon le Conseil supérieur de l’Éducation, l’école québécoise est devenue la plus « inégalitaire » et la plus « ségrégée » au Canada. On parle ici de ségrégation scolaire ! Il est là, l’éléphant dans la classe. Le sujet est pourtant tabou. Pourquoi ?


Parce que nos élites, incluant de nombreux élus, en profitent elles-mêmes. Ces gens envoient leurs enfants au privé, payé en majeure partie par le public. La plupart des ministres de l’Éducation le font aussi. Leur choix est un désaveu personnel et politique de l’école publique.


En 2008, face aux mêmes constats, l’ex-premier ministre Jacques Parizeau concluait à l’« effondrement » du système d’éducation québécois. Face à l’avenir de la seule société francophone d’Amérique, les artisans de ce drame national sont des Ponce Pilate de premier ordre. Ce sont eux, les vrais cancres.