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La Chine recourt-elle à l’avortement et à la stérilisation forcés pour exterminer une minorité ethnique ?

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Le national-communisme chinois sait comment régler son problème musulman autochtone : par le contrôle des naissances

En tant que seul témoin occidental de la brutale politique de l’enfant unique du parti communiste chinois (PCC), j’applaudis lorsqu’elle prit fin en 2016.


Mais ce que fait le PCC maintenant pour réduire la natalité des minorités ouïghoure et kazakhe dans la partie occidentale de la Chine est sans doute pire. Bien que l’application de cette politique sociale soit identique à celle de 1979, dont les mesures comprenaient l’avortement et la stérilisation forcés, pratiques horrifiantes que je décrivis pour la première fois en 1980 (pratiques que le Tribunal de Nuremberg avait qualifiées de crimes contre l’humanité), il y a ici une différence saisissante : ces pratiques ne sont imposées qu’aux minorités ethniques, à savoir les Ouïghours turcophones de la province du Xinjiang.


Oui, vous avez bien lu. Ces dernières années, alors que les dirigeants chinois encouragent les femmes chinoises de l’ethnie majoritaire han à avoir plus d’enfants, ils ordonnent aux femmes ouïghoures d’en avoir moins. Des centaines de milliers de femmes ouïghoures ont été contraintes à avorter, à se faire stériliser, ou à porter un stérilet, afin de réduire la natalité ouïghoure. Celles qui résistent sont stérilisées de force et condamnées à des camps de concentration.


Cette nouvelle politique du parti communiste chinois est en fait un génocide, bien que d’une façon plus lente : la Chine n’extermine pas le peuple ouïghour du jour au lendemain, par exemple en l’enfermant dans des chambres à gaz. Mais, en empêchant la prochaine génération de naître, elle parviendra à la même fin : une réduction considérable de cette population ancienne, qui pourra être alors plus facilement dispersée et assimilée.


Jusqu’à récemment, nous n’avions que des comptes rendus anecdotiques de cette nouvelle campagne de régulation des naissances. Par exemple, une femme ouïghoure nommée Mihrigul Tursun témoigna en 2018 qu’elle et d’autres femmes dans un camp de concentration chinois furent chimiquement stérilisées. Une autre ancienne détenue, Rakhima Senbay, déclara s’être fait poser un stérilet contre sa volonté (Washington Post, 5 octobre 2019). Une troisième, Zumrat Dawut, dut payer une lourde amende et se faire stériliser après avoir eu un troisième enfant (Washington Post, 17 novembre 2019).


Jusqu’à présent, nous ne connaissions pas avec certitude l’étendue et l’ampleur de l’application de cette nouvelle politique menée par le gouvernement central — le chercheur Adrian Zenz vient de publier une enquête qui répond à ces questions.


Maintenant, nous savons maintenant que la campagne de régulation des naissances en cours dans le Xinjiang est encore plus coercitive que celle imposée depuis des décennies à la majorité de la population chinoise han. Les documents du gouvernement chinois obtenus par Dr Zenz indiquent que la sanction pour infraction au règlement sur la régulation des naissances est l’internement dans l’archipel des camps de concentration du Xinjiang. Aussi sévère que fût la campagne précédente, les contrevenants étaient soumis à de fortes amendes voire à la stérilisation, mais pas à de longues peines de prison. Les femmes ouïghoures le sont.


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Depuis le début de la mise en place de la politique de régulation des naissances en 1979, les objectifs et les quotas fixés par les hauts fonctionnaires ont été employés pour motiver les responsables locaux. Aujourd’hui, ils sont toujours utilisés avec beaucoup d’efficacité au Xinjiang. Le Dr Zenz rapporte que des documents de 2019 venant d’administrations cantonales révélèrent des plans visant à stériliser jusqu’à un tiers de toutes les femmes en âge de procréer, et ce en une seule année ― les femmes ouïghoures visées étant celles ayant déjà eu un enfant.


Selon le Dr Zenz, les femmes ouïghoures qui n’ont pas été stérilisées chirurgicalement, c’est-à-dire celles qui n’ont qu’un seul enfant, ont été contraintes de porter un stérilet. En 2018, quatre stérilets sur cinq implantés dans toute la Chine le furent sur des femmes ouïghoures et kazakhes, alors que ces deux minorités constituent moins de 1 % de la population chinoise.


Ces mesures sévères ont eu, pour le Parti communiste chinois, le résultat escompté. La croissance de la population du Xinjiang a chuté de façon spectaculaire pour atteindre une fraction de son niveau antérieur. Mais les autorités du PCC veulent le faire baisser davantage. Comme Dr Zenz l’écrit, « Pour 2020, un canton ouïghour a fixé un objectif sans précédent de croissance démographique proche de zéro […] objectif qui devrait être atteint en “travaillant à la régulation des naissances” ».


Le Dr Zenz conclut que l’objectif global du régime de contrôle de la population, imposé par le parti communiste chinois au Xinjiang, est de réduire la population ouïghoure du Xinjiang par rapport à l’ethnie chinoise han, et de promouvoir ainsi une assimilation plus rapide des Ouïghours à la « race nationale chinoise » (中华民族, Zhonghua Minzu).


Je pense que l’objectif du secrétaire général du PCC, Xi Jinping, est peut-être encore plus ambitieux. La nature draconienne du programme de contrôle de la population qu’il a mis en place pour les femmes ouïghoures, ainsi que l’incarcération d’un à trois millions d’hommes ouïghours, me font penser qu’il ne cherche pas seulement à assurer une domination ethnoraciale des Hans. Il ne fait aucun doute que c’est déjà le cas, les Chinois hans représentant 94 % de la population chinoise. C’est donc que Xi a l’intention de commettre un génocide, c’est-à-dire d’éliminer les Ouïghours en tant que peuple distinct de la surface de la terre.


Il reste à voir si cela sera la conséquence à long terme de la campagne démographique brutale que le PCC a lancée. Mais on peut déjà conclure sans risque que ce qui se passe en Chine viole la « Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide » ([CPRCG] – ONU, 9 décembre 1948).


Le Dr Zenz souligne que ses conclusions « fournissent la preuve la plus solide à ce jour que la politique de Pékin au Xinjiang répond à l’un des critères du génocide, à savoir l’imposition de “mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe [ciblé]” ».


Ce nouveau rapport fait suite à la récente adoption d’une loi par le Congrès américain concernant le respect des droits de l’homme envers la nation ouïghoure, que le président américain Donald Trump promulgua le 17 juin 2020. Cette loi, adoptée sur une rare base bipartite, autorise des sanctions contre les fonctionnaires chinois qui participent à aux « violations des droits de l’homme et aux abus tels que le recours systématique aux camps d’endoctrinement, au travail forcé, et à la surveillance intrusive pour éradiquer l’identité ethnique et les croyances religieuses des Ouïghours et d’autres minorités ».


Le 9 juillet, le ministre des affaires étrangères américain, Mike Pompeo, continua en annonçant : « les États-Unis ne resteront pas inactifs pendant que le PCC commet des violations aux droits de l’homme à l’encontre des Ouïghours, des Kazakhs, et d’autres minorités ethniques du Xinjiang, notamment par le travail forcé, la détention arbitraire de masse, le contrôle forcé de la population, et les tentatives d’effacer leur culture et leur foi musulmane* ».


M. Pompeo non seulement condamna ce qu’il appelle l’« horrible pratique » du « contrôle forcé des naissances », mais en plus il sanctionna quatre individus chinois, dont Chen Quangguo, le secrétaire du parti du Xinjiang ; M. Chen, en tant que membre du Politburo, lequel est composé de vingt-cinq personnes, est l’un des principaux dirigeants du PCC.


Les dirigeants du PCC réagirent, comme on pouvait s’y attendre, avec fureur. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois qualifia d’abord les atrocités liées au contrôle de la population comme étant « fabriquées » de toutes pièces et de « fausses nouvelles » ; il affirma que le parti d’État PCC traite toutes les ethnies de la même manière et protège les droits des minorités. Peu de temps après, il annonça qu’il riposterait en sanctionnant à son tour quatre fonctionnaires américains.


Ceux qui reçurent ces « médailles d’honneur » de la part du PCC sont bien connus des milieux pro-vie. Il s’agit du député Christopher (républicain, New Jersey), du sénateur Ted Cruz (rép., Texas), du sénateur Marco Rubio (rép., Floride), et de l’ambassadeur extraordinaire des États-Unis pour la liberté religieuse Sam Brownback. Notons qu’aucun membre du parti démocrate ne fut sanctionné.


Cependant, en « sanctionnant » des responsables américains, les dirigeants du PCC admirent peut-être plus qu’ils n’en avaient l’intention. Peut-être ont-ils « admis » que ce sont eux, et non les responsables locaux du Xinjiang, qui sont derrière le génocide ouïghour. Je crois que la décision de commettre un génocide a été prise au sein même du Politburo, lequel est bien sûr dirigé par son secrétaire général, Xi Jinping.


Il est temps de passer de la sanction des fonctionnaires exécutants du Xinjiang à la sanction des responsables qui prennent les décisions : les dirigeants de l’entreprise criminelle qu’est le Parti communiste chinois.


Nos alliés devraient faire de même. Comme susmentionné, le génocide du peuple ouïghour par le parti communiste chinois est une violation de la « Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide » [CPRCG]. En vertu de cette convention, les États signataires ont le devoir « de prévenir et de punir » tout génocide.


L’administration Trump a réagi. D’autres nations doivent s’engager.




*Je précise bien sûr que je ne défends en rien l’islam, ni la foi musulmane des particuliers, mais les Ouïghours face au communisme. ― A. H.