L’Ukraine est-elle le signe précurseur de l’agonie de l’Europe ?

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Le choc des cultures aux valeurs antagonistes

Avec les résultats attendus des consultations populaires de Donetsk et Lougansk, c’est l’avenir de l’Ukraine tout entier qui est désormais en jeu. Une question se pose alors immédiatement : dans les conditions actuelles, avec la proclamation des deux républiques populaires autonomes, le référendum général du 25 mai est-il encore opportun, voire possible ? Certes, la sécession du Donbass n’a pas été, pour l’heure, assortie d’une demande de rattachement à la Fédération de Russie. Si cela devait advenir, sans doute faudrait-il attendre l’automne et de prochaines échéances électorales locales. Mais d’ici là, beaucoup d’eau aura passé sous les ponts.
En effet, tous les accidents de parcours sont à partir de maintenant envisageables. Ce pourquoi peut-être, à l’Ouest, de nombreuses voix — Schrőder, Védrine, Attali — commencent à s’élever contre ce qui semble devoir être une irrépressible montée des extrêmes. Ceci parce que l’irréversible a peut-être été commis vendredi 2 mai à Odessa avec la mort aussi horrible que suspecte de dizaines de militants désarmés. Des milices sont à l’œuvre dans les région dissidentes et s’efforcent de briser par la violence le mouvement séparatiste que l’inconséquence du gouvernement de Kiev a fait prospérer à l’est du pays, notamment par son absurde décision d’interdire l’usage officiel de la langue russe.
Qui sont ces miliciens volontiers assassins ? Aux côtés des bandéristes extrémistes de Pravy Sektor, l’on sait à présent que se trouvent des hommes des grandes sociétés de mercenariat américaines, telle “Academi”, fille puînée de Blackwater, de sinistre mémoire… ainsi que des djihadistes montés du front syrien avec le soutien de la famille royale saoudienne, humiliée par le refus du Kremlin d’abonner son allié Bachar el-Assad. L’affaire ukrainienne s’internationalise donc à l’instar de ce qui se passa voici trois ans en Syrie.
En conséquence de quoi, dans l’est et le sud de l’Ukraine, les armes parlent de plus en plus souvent et de plus en plus en violemment. La semaine qui vient de précéder le référendum a connu deux bains de sang particulièrement odieux, drames qui donnent le ton et la mesure des événements en cours. Le premier fut l’incendie, le 2 mai, de la Maison des syndicats à Odessa, dans lequel une quarantaine de personnes trouvèrent la mort dans des circonstances non élucidées. L’autre, le 9 mai à Marioupol, port de la mer d’Azov, avec une vingtaine de morts après que des paramilitaires eurent ouvert le feu sur la foule.
Désormais, une question se pose avec acuité : l’Ukraine entre-t-elle en agonie et, avec elle, l’Europe ? Certes, l’Europe réelle survivra à la crise de l’euro et à celle de l’Ukraine, deux crises parmi les plus graves que nous ayons connues depuis les années 1930. Mais une chose est presque certaine : l’Union européenne telle que nous la connaissons, celle des sorciers libertariens, est entrée en agonie. Beaucoup, d’ailleurs, voient dans la victoire au concours de l’Eurovision, à Copenhague, du travesti à barbe Conchita Wurst, ce très symbolique dimanche 11 mai, la marque d’une fracture essentielle civilisationnelle entre l’Ouest et l’Est. Le choc des cultures entre un monde né d’un catholicisme émancipé avec le concile Vatican II, associé à des Églises luthériennes et anglicanes résolument modernistes, et un monde orthodoxe traditionaliste rené de ses cendres après la longue nuit du totalitarisme collectiviste. Ce choc, de tout évidence, ne paraît pas devoir être à l’avantage final d’une Europe crépusculaire atteinte d’une démence sénile qui lui fait aujourd’hui oublier d’où elle vient et où elle risque d’aller.


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