Le gouvernement Couillard vient de mettre sous tutelle l’Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ), ébranlé depuis des mois par des conflits internes après les révélations de malversations dans l’industrie de la construction.
La ministre Stéphanie Vallée a annoncé mercredi la mise sous tutelle de l’Ordre pour une durée indéterminée, de façon à « mettre un terme à une succession de crises » au sein de l’organisme qui chapeaute la profession d’ingénieur.
Il s’agit du dernier d’une longue suite de déboires pour l’OIQ, chargé de veiller à la protection du public et de scruter le travail des 61 000 ingénieurs du Québec. La profession a été éclaboussée par des dizaines de scandales éthiques au cours des dernières années : usage de prête-noms pour le financement de partis politiques, corruption, collusion, fraude, et ainsi de suite, comme révélé par la commission Charbonneau.
Conflits internes
Des conflits internes ont aussi perturbé le travail de « chien de garde » de l’Ordre. L’ancien président, Jean-François Proulx, était à couteaux tirés avec la direction, qui l’a accusé de harcèlement psychologique. Un rapport d’expert avait sonné l’alarme au sujet du climat de travail malsain au sein de l’Ordre des ingénieurs.
« Depuis 2013-2014, l’Ordre est secoué par plusieurs crises internes. […] Malgré les efforts qui ont été mis de l’avant, il y a encore énormément de travail qui doit être fait pour assurer que l’Ordre des ingénieurs peut assurer sa mission première, qui est la protection du public », a dit la ministre Stéphanie Vallée en sortant d’une réunion du Conseil des ministres à Québec mercredi.
« L’objectif est de permettre à l’Ordre de reprendre le contrôle de sa gouvernance et de mettre un terme à cette succession de crises qui a secoué l’ordre professionnel », a-t-elle ajouté.
« Grand ménage »
La ministre Vallée a nommé trois administrateurs chevronnés pour superviser la gestion de l’Ordre. Ces administrateurs ont les pleins pouvoirs : ils doivent autoriser toutes les décisions de l’exécutif et du conseil d’administration de l’Ordre, ils peuvent formuler des recommandations et même forcer l’adoption de résolutions, a précisé Stéphan Boivin, responsable des communications à l’Office des professions du Québec.
Ces responsables de la tutelle — Me Johanne Brodeur, ex-bâtonnière du Québec, Michel Pigeon, ingénieur, ex-député et ex-recteur de l’Université Laval, et le comptable François Renauld — vont se familiariser avec leur mandat avant de faire des commentaires, a précisé l’Office des professions.
La nouvelle présidente de l’Ordre, Kathy Baig, a dit « respecter la décision » de mettre son organisation sous tutelle, même si « ce n’est pas une bonne nouvelle ». Elle entend collaborer pleinement au changement de cap prôné par le gouvernement Couillard. La ministre Stéphanie Vallée a déclaré que l’entrée en fonction de Mme Baig, le 22 juin, cadre avec la volonté gouvernementale de « donner un nouveau souffle à l’Ordre ».
« Ça fait quand même deux ans qu’on déploie beaucoup d’efforts pour recentrer la mission de l’Ordre. On a commencé le grand ménage dont vous parlez, mais il en reste encore beaucoup à faire », a dit Kathy Baig au Devoir en début de soirée mercredi.
La tutelle est d’une durée indéterminée. Le Conseil des ministres, qui a adopté la tutelle par décret, y mettra aussi fin par décret, indique-t-on à Québec.
La nouvelle n’a surpris personne dans le milieu des ingénieurs, qui vit des jours difficiles depuis les révélations de la commission Charbonneau — et même avant. « La tutelle paraissait inévitable. C’est un coup dur pour les ingénieurs, mais aussi une mesure susceptible d’arrêter l’hémorragie », a réagi Beaudoin Bergeron, administrateur à l’Association des firmes de génie-conseil, mise sur pied pour redorer le blason de la profession.
L’Ordre des ingénieurs sous tutelle
L’organisme est secoué par une série de crises depuis les révélations de la commission Charbonneau
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