L'opposition russe de nouveau dans la rue : au moins 600 arrestations

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Depuis le retour de Poutine à la présidence, une vague d'arrestation jamais vue


Plus de 600 personnes ont été interpellées samedi à Moscou lors d'une manifestation non autorisée de l'opposition, qui réclame depuis plusieurs semaines des élections locales libres en septembre et qui fait l'objet de multiples pressions et menaces des autorités.




Plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées à différents endroits du centre de Moscou sous une pluie fine, sous la surveillance d'un important dispositif de policiers et de soldats de la garde nationale, qui sont intervenus rapidement.


Selon l'ONG OVD-Info, spécialisée dans le suivi des arrestations, au moins 600 personnes ont été interpellées pendant la manifestation, qui n'a pas été autorisée par les autorités.


En début d'après-midi, la police moscovite estimait le nombre de manifestants à 350 et faisait pour sa part état de 30 interpellations.



La manifestation se déroule sans leader puisque les condamnations se sont multipliées depuis l'action de protestation le week-end dernier dans la capitale russe, qui s'est soldée par près de 1400 interpellations, du jamais vu depuis le retour du président Vladimir Poutine au Kremlin en 2012.


Des barrières ont été installées sur les principaux boulevards du centre de la ville et d'importants effectifs de policiers de même que des soldats de la Garde nationale ont été déployés par les autorités. Plusieurs zones de la ville ne sont pas desservies par le réseau Internet mobile.


Dernière opposante d'envergure encore en liberté, Lioubov Sobol, une avocate de 31 ans, a été interpellée quelques minutes avant le début de la manifestation. En grève de la faim depuis trois semaines, elle a jusqu'ici échappé à la prison du fait qu'elle a un enfant en bas âge.


Des policiers arrêtent l’opposante Lioubov Sobol avant le rassemblement à Moscou.

« Les autorités font tout ce qu'elles peuvent pour essayer d'intimider l'opposition, pour s'assurer que les gens ne sortent pas dans la rue pour protester pacifiquement », a déclaré Lioubov Sobol avant son arrestation.


Photo : Reuters / Tatyana Makeyeva




« La Commission électorale ne fait pas son travail, les tribunaux ne font pas leur travail. La seule chose qui fonctionne, c'est la rue », avait déclaré sur Twitter Mme Sobol à la veille de son arrestation.


Plusieurs contestataires emprisonnés


Le principal opposant au Kremlin, le blogueur anticorruption Alexeï Navalny, purge depuis le 24 juillet une peine de 30 jours de prison. Hospitalisé le week-end dernier pour une « grave réaction allergique » avant d'être renvoyé en cellule, il s'est adressé à la justice pour un possible « empoisonnement ».


La plupart de ses alliés et des autres meneurs de la contestation ont eux aussi écopé de courtes peines de détention, à commencer par plusieurs candidats de l'opposition refoulés des élections locales de septembre tels qu'Ilia Iachine, Ivan Jdanov et Dmitri Goudkov.


Accentuant encore la pression d'un cran avant la manifestation de samedi, plusieurs personnes ont été inculpées dans le cadre d'une enquête pour « troubles massifs », une accusation lourde qui peut entraîner des peines allant jusqu'à 15 ans de prison.


Cinq des inculpés – parmi lesquels on compte des avocats travaillant pour des ONG de défense des droits civiques – ont été placés en détention provisoire vendredi dans l'attente de leur procès.


La police a pour sa part appelé à renoncer à la manifestation, promettant de « réagir immédiatement ». Le maire de Moscou, loyal au Kremlin, Sergueï Sobianine a mis en garde l'opposition contre toute « nouvelle provocation ».


La gestion de la Ville de Moscou au cœur des préoccupations


La contestation a démarré après le rejet des candidatures indépendantes aux élections locales du 8 septembre, qui s'annoncent difficiles pour les candidats soutenant le pouvoir dans un contexte de grogne sociale.


Il s'agit de l'un des mouvements de protestation les plus importants depuis les manifestations contre le retour au Kremlin de Vladimir Poutine, sévèrement réprimées en 2012. Les autorités semblent cette fois déterminées à tuer dans l'œuf toute contestation.


Jeudi, le Fonds de lutte contre la corruption d'Alexeï Navalny a répliqué en accusant dans une enquête l'adjointe du maire de Moscou, Natalia Sergounina, d'avoir détourné des milliards de roubles d'argent public dans la gestion du parc immobilier de la mairie.


Selon l'opposition, la détermination des autorités à barrer l'entrée de ses candidats au Parlement de Moscou lors du scrutin du 8 septembre s'explique par le fait qu'ils pourraient découvrir et dénoncer en cas de victoire les nombreux circuits de corruption et de détournement dans la gestion d'une ville au budget annuel faramineux de 38 milliards d'euros.


Après une première manifestation durement réprimée le week-end dernier, les tribunaux russes ont placé 88 personnes en détention provisoire et condamné 332 autres à des amendes. Trois enquêtes pour « violences » à l'encontre de la police ont été lancées, un délit passible de cinq ans de prison.


Des agents des forces de l'ordre arrêtent des manifestants à Moscou.

Les autorités ont multiplié les menaces et les pressions cette semaine en emprisonnant notamment tous les meneurs de la contestation.


Photo : Reuters / Tatyana Makeyeva




Enquête pour « blanchiment » contre l'organisation de Navalny


Par ailleurs, la justice russe a annoncé l'ouverture d'une enquête pour « blanchiment » d’argent contre l'organisation du principal opposant au Kremlin, Alexeï Navalny.


Des personnes liées au Fonds de lutte contre la corruption de M. Navalny auraient reçu de manière illégale plus de 20 millions de dollars (près d'un milliard de roubles), selon les enquêteurs. Ces fonds auraient été « blanchis » au moyen de plusieurs comptes bancaires avant qu’ils n’aboutissent dans les comptes de l'organisation.


Les enquêteurs détermineront les sources de ces fonds criminels, leur montant, ainsi que tout le groupe de personnes impliquées dans ce mécanisme de financement illégal, a affirmé le Comité d'enquête dans un communiqué.




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