Jusqu’en 1973, lorsque l’État avait besoin de trésorerie, il demandait à la Banque de France de le financer, de la même manière que procède toute entreprise ou ménage envers sa banque commerciale : en lui signant une « reconnaissance de dette ».
L’exception européenne C’est à Valéry Giscard d’Estaing, alors ministre des finances, que nous devons la loi du 3 janvier 1973 dont l’article 25 précisait "Le trésor public ne peut être présentateur de ses propres effets à l’escompte de la Banque de France", interdisant donc le financement direct de l’État par la Banque de France. Cette loi a été confirmée par l’article 104 du Traité de Maastricht - devenu 123 du Traité de Lisbonne. Cette interdiction, n’est, dans aucune autre zone monétaire, gravée ainsi dans le marbre d’un Traité !
En clair la France (de même que les pays de la zone euro) est obligée d’emprunter sur les marchés financiers, en payant des intérêts, les besoins monétaires qu’elle ne peut couvrir par des recettes budgétaires. Pourtant, des pays tels les USA, la Grande Bretagne ou le Japon, n’hésitent pas à se servir de la possibilité de monétisation directe par leur Banque Centrale lorsque les besoins de leur économie le nécessitent. Chez nous, les banques peuvent emprunter à 1% à la BCE et prêter aux États à 3, 5 ou 7% et parfois plus.
L’augmentation annuelle de cette dette publique de 1980 à fin 2009 correspond, bon an mal an, aux intérêts de la dette, dans un effet boule de neige. En euros constants la dette est passée de 239 milliards d’euros (21% du PIB) fin 1979 à 1489 milliards d’euros (78% du PIB) fin 2009, soit une augmentation de 1250 milliards d’euros. Sur la même période, nous avons payé environ 1340 milliards d’euros d’intérêts aux différents prêteurs privés (banques et établissements de crédits, fonds de pension, assurances-vie…).
Mais direz vous, nous sommes bien obligés de payer des intérêts à nos prêteurs ! Oui, et justement puisque nous devons, dans le système actuel, emprunter chaque année sensiblement l’équivalent de ces intérêts qu’il faut payer, non seulement nous ne pourrons jamais rembourser, mais en plus la dette continuera à croitre alors que nous avons une obligation d’honnêteté envers les épargnants qui ont fait confiance à la signature de la France.
Pourtant, nous pourrions imposer à la Banque de France de monétiser chaque année une somme raisonnable pour alléger le poids de cette dette dont le paiement des intérêts pèse aujourd’hui sur les services publics essentiels de notre nation (éducation nationale, sécurité sociale, sécurité…) .
Ah, je vous entends « mais c’est la planche à billet, c’est l’inflation assurée… » Tout d’abord, il faut noter qu’aujourd’hui, ce sont les banques privées qui ont la responsabilité de la création de la monnaie et qui ont provoqué une immense inflation du prix des actifs pendant les années 2000, qui a mené à la pire crise économique depuis 80 ans. En effet, la masse monétaire a progressé de près de 10% par an dans la zone euro jusqu’à la crise.
Aujourd’hui, la quantité de monnaie en circulation en France est d’environ 1900 milliards d’euros (agrégat M3). La BCE considère qu’une augmentation annuelle de plus ou moins 5% n’est pas inflationniste. C’est donc une centaine de milliards de monnaie nouvelle qui peuvent être émis chaque année sans effet inflationniste.
Comment pourrons-nous rembourser ces épargnants qui détiennent cette « dette de la France » sans les léser, qu’ils soient français ou étranger, qu’ils aient placés leur épargne au sein de fonds de pensions ou d’obligations détenues par des assurances vies ?
Bien que la vente par les administrations publiques des actifs monétaires qu’elles détiennent permettrait instantanément la réduction de plus de 700 milliards d’euros de la dette, restons dans l’hypothèse d’une nécessité de remboursement de la dette brute "au sens de Maastricht" estimée au début de cette année 2011 à 1600 milliards d’euros.
En fait la solution est simple et ne nécessite que la volonté politique Prenons les hypothèses d’un budget global dont le solde primaire est équilibré (recettes – dépenses hors charges d’intérêts) et d’un taux d’intérêt moyen sur les obligations d’État de 3%.
Si nous décidions de monétiser chaque année 100 milliards d’euros, la première année, 48 milliards d’euros serviront au paiement des intérêts et il resterait 52 milliards en remboursement du capital de la dette. Le solde résiduel deviendrait donc 1548 milliards d’euros. L’année suivante, c’est 46 milliards d’euros d’intérêts, 54 milliards de remboursement du capital et une dette ramenée à 1494 milliards d’euros. Et ainsi de suite.
En 22 ans la dette serait totalement remboursée aux actuels détenteurs, sans en léser aucun ni sur le capital investi, ni sur les intérêts attendus chaque année. La dette et les intérêts payés pendant cette période de remboursement seront simplement transférés sous forme de nouvelles obligations à l’actif du bilan de la Banque de France. Il est à noter qu’il faudrait 39 ans avec une monétisation annuelle de 70 milliards d’euros.
D’ailleurs, Maurice Allais, notre seul prix Nobel d’économie affirmait que : « La création monétaire doit relever de l’État et de l’État seul. Toute création monétaire autre que la monnaie de base par la Banque centrale doit être rendue impossible, de manière que disparaissent les « faux droits » résultant actuellement de la création de monnaie bancaire ». Cette création monétaire, bien public, actuellement confiée à des banques privées auxquelles il est pourtant difficile de faire confiance doit revenir dans le giron de la collectivité. C’est aussi ce qui permettra d’honorer la dette sans asphyxier notre économie.
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André-Jacques Holbecq
Economiste et auteur de :
Argent, dettes et banques, éditions Yves Michel, 2010
La dette publique, une affaire rentable, en collaboration avec Philippe Derudder (préface d’Étienne Chouard) - éditions Yves Michel 2008
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