Violence policière

Je vais témoigner

je trouve important de partager ce témoignage avec les lecteurs de vigile

Tribune libre

impossible de lire ceci sans avoir des larmes de rage qui montent aux yeux... «Un TÉMOIGNAGE : d'Amélie Trudel.
Mon post le plus long et le plus intense, sur un 25 avril à jeter par terre. Il fallait que je le partage.
Le gout de mes larmes mêlées au poivre de Cayenne dans la bouche, les yeux bouffis et la peau brulante, je vous écris ces lignes. J’écris ce soir pour mieux rendre les images que j’ai encore fraiches, imprimées sur la rétine. Des images chocs. On n’est pas sous la loi sur les mesures de guer...re. Pourtant, des gens se font violenter par le corps policier presque quotidiennement. Représentants de l’ordre ou du désordre? Protecteurs des citoyens ou soldats à la solde de l’état? Il y avait des enfants dans cette manifestation. J’ai vu une poussette! Je ne sais plus où je suis. Je ne reconnais pas le Québec dans lequel j’ai grandi, dans lequel la police arrête les méchants.
Soyez prêts, ce n'est pas le récit d’une manifestation festive. Des casseurs ont brisé des vitrines, lancé des pétards. Bien entendu, eux, ils n’ont violenté personne.
Après avoir été enfumée abondamment sur Ste-Catherine, nous nous sommes arrêtés plus haut, Olivier, Emmanuelle et moi… On prenait le temps de se rincer les yeux grâce aux bouteilles d’eau empruntées à deux bons samaritains.
La manifestation avait été déclarée illégale et on nous avait donc dispersés. Une foule de dix-mille personnes, ça ne se dissout pas en vingt secondes… Encore sous le choc d’avoir cru étouffer pendant 2-3 minutes, on arrivait pas à bouger de notre nouveau coin de rue : Peel et Maisonneuve. On parlait de ce qui venait de se passer, incapables de mettre des mots sur la peur de recevoir une bombe sonore dans l’œil. Je me souviens m’être retournée et avoir vu ce débris de caoutchouc, si près, et cette ligne de policier, si noire dans la fumée… Une image de guerre.
C’est alors que j’ai aperçu une entrée du métro Peel au coin Nord-Ouest, à l’opposée de nous. On a tout juste mis le pied dans la rue qu’une voiture de police brulait un feu rouge, obligeant une petite femme qui traversait vers nous à faire un bond en arrière pour éviter de se retrouver dans le pare-brise. Elle a repris sa route le poing en l’air, sourcils froncés à l’adresse de cette auto patrouille dont on aurait jamais le numéro de plaque.
Quelques pas plus tard, on s’est arrêtés en plein milieu de Maisonneuve, tels des chevreuils en panique. Devant nous, une troupe de policiers casqués s’engouffraient sur Maisonneuve depuis Peel pour pousser des dizaines de manifestants de force dans la bouche de métro. Ils se sont ensuite rués vers nous. Olivier nous disait de rester calme tandis qu'on faisait marche arrière. Puis on avançait à grand pas, le martèlement militaire grondant derrière nous. Ils on eu tôt fait de nous rattraper et de nous pousser dans le dos de leur matraque, me propulsant vers l'avant à plusieurs reprise. Olivier a fini par s'interposer. Pour moi, pour Manu. Il leur a dit de se calmer. Et ils se sont mis à le taper, et Olivier leur a demandé leur matricule, et ils ont tapé de plus belle. Alors j’ai à mon tour essayé de m'interposer pour que les coups cessent. Mais une matraque dans les côtes a eu vite fait de m’écarter. « OLIVIER! » A crié Manu. On nous avait déjà séparés. J'ai tout juste eu le temps d'apercevoir Olivier au sol, encerclé d'au moins cinq policiers, frappant des pieds comme de la matraque, qu’un agent me faisait passer le coin de la rue, me coupant définitivement de notre ami.
Face à face désemparé avec Manu. « Qu'est-ce qu'on fait? Je sais pas quoi faire! » Elle s’affole, mains sur la tête.
-Y'a rien à faire.
J'ai honte.

- J'aurais voulu y retourner. Me jeter sur Oli et prendre quelques coups pour lui, que je dis à ma sœur en pleurant au téléphone.
- Mais non, ça aurait servi à rien.
- Oli faisait juste leur demander leur matricule et ils le menaçaient de l'arrêter. Quand il a finalement tendu les mains, qu'on lui passe les menottes, ils ont répondus par d'autres coups.

Ils n’avaient aucune raison de l'arrêter, juste une, très obscure, de le battre à 7-8 contre un...
Quand Oli nous est revenu, je n’en croyais pas mes yeux. J’étais certaine qu’il avait été arrêté. Mais il était là, debout et il continuait à leur demander leur matricule, plus fâché qu’endolori, encore sur l’adrénaline. Il brandissait son téléphone, prêt à prendre des notes. J’ai essayé de le tirer vers Ste-Catherine, mais il n’en démordait pas. Il suivait les policiers qui se déplaçaient vers l’ouest sur Maisonneuve. Oli demandait aux passants s’ils avaient été témoins, si l’un d’eux avait vu un matricule. Mes yeux vides lorgnaient du côté de l’entrée de métro, maintenant bloquée par une nouvelle troupe de policiers plus nombreuse. Je ne pensais à rien, qu’à partir, rester avec les deux seules personnes que je connaissais dans ce chaos. Notre groupe de policiers pro-émeute s’était immobilisé tranquillement, bien alignés au coin de la rue transversale suivante : Stanley.
Olivier était maintenant au téléphone. Avec la police. « Ça s’est passé devant la bijouterie Pandora. » Nous a dit Manu. Quelques jeunes hommes qui passaient par là sont venu nous offrir de témoigner. On a échangé des coordonnées. Mais personne n’avait vu de matricule. Puis petite Manu (peut-être 5 pieds, même pas 100 livres) est allée vers les policiers en question, sous mon regard ébahi. L’un des policiers a chargé vers elle. Et elle est partie en le remerciant. Elle avait réussi à voir son précieux matricule.
La semaine dernière Emmanuelle a été frappée puis arrêter, et ce soir, elle est retournée vers eux, courageuse comme je ne le suis pas.
Maintenant que j’ai Olivier au téléphone, il me demande si je vais bien! Moi? Oui je pleure, oui je suis sous le choc, mais lui! Ça s’est produit il y a moins d’une demi-heure. Et il prend une bière avec Manu. Elle me dit qu’il a vomi. Le stress ou les coups au ventre? Encore heureuse qu’Oli l’ourson soit un peu « paddé » à ce niveau là.
Je ne sais plus quoi vous dire…
Je vais témoigner.
Ça fait plus d’une heure que j’écris et j’ai encore les larmes aux yeux et la folie d’êtres humains en uniforme qui me pend au dessus de la tête comme une épée de Damoclès… Jean Barbe me surprenait quand il disait que ce conflit ferait un mort. Il n'est pas si loin de la réalité.
Bonne nuit
j'en aurais tellement d'autres à vous partager...


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3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    27 avril 2012

    Gilberte,je tenais juste à vous dire que je suis orrifiée, révoltée... je ne trouve pas de mots pour exprimer la colère que je ressent à la lecture de votre témoignage.
    Je souhaite que ceux qui ont donné l'ordre de procéder à ces violences sur nos enfants soient jugés et, je dirais même, expulsé de notre pays pour toujours.
    Vous êtes des héros et ce sera grâce à vous que nous finirons par vivre dans un pays à la hauteur de nos aspirations voir, véritablement démocratique.

  • Stéphane Sauvé Répondre

    26 avril 2012

    ...merci pour ce courage de marcher avec les étudiants
    merci pour cette dignité devant les policiers
    merci de témoigner au juge ce que vous avez vécu...
    merci de partager cette peine et la ventiler ici sur Vigile pour que le peuple sache ce qui se passe vraiment...
    mais surtout,
    merci de croire et affirmer toujours et plus que jamais que notre démocratie et ce qui en reste, se doit d'être défendue dans la rue par le peuple. Il en en vas de notre survie.

  • Serge Jean Répondre

    26 avril 2012

    J'ai lu. À la lumière de ce que vous avez écrit,
    manifestement il y a des gens réellement mauvais et dangereux qui profitent de la situation.
    Voilà,le véritable fiel par procuration de ce parti politique de bandits qui tient le rôle de gouvernement du Québec. Ils devront tous rendre des comptes au peuple ces criminels. Désormais ils sont démasqués .
    Jean Choret tu déshonores tes ancêtres, tu es la honte de la nation qui te méprisera et t'écrasera.
    Jean