Jacques Duchesneau: «L'argent sale permet de faire des élections»

Commission Charbonneau et financement illégal des partis politiques



Pierre-André Normandin La Presse - Après avoir enfilé depuis une semaine les révélations-chocs sur l'industrie de la construction l'ex-directeur de l'Unité anticollusion (UAC), Jacques Duchesneau, avait gardé sa déclaration la plus percutante pour la fin de son témoignage: les partis politiques se cacheraient derrière l'empire clandestin de la collusion. «L'argent sale permet de faire des élections.»

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Jacques Duchesneau dit avoir continué «bénévolement» à enquêter sur «l'empire clandestin» se cachant derrière la collusion après avoir remis son rapport en septembre 2011. Il a remis hier un document d'une cinquantaine de pages intitulées «rapport sur le financement illégal des partis politiques, un système hypocrite où l'influence est à louer et les décisions à vendre».
«Dans notre premier rapport, on a parlé d'un empire insoupçonné. Mais en fait, l'ampleur insoupçonnée, c'est le financement illégal des partis politiques», a laissé tombé l'ancien policer. Pour arriver à cette conclusion, il affirme avoir rencontré 13 nouveaux témoins «déterminants» au cours des 8 derniers mois.
De leurs témoignages, il retient qu'«on serait devant une culture éhontée et généralisée de pots-de-vin et de corruption». Pour eux, le «financement populaire des partis politiques n'existerait pas», les partis misant plutôt sur les «combines» pour se financer.
Rappelons qu'au Québec, la loi prévoit que les partis doivent financer par les dons des particuliers et non d'entreprises. Une limite de 1000$ est imposée aux partis municipaux et de 3000$ au provincial.
Il n'en serait rien, selon Jacques Duchesneau. «Tout l'argent amassé proviendrait de manigances, de stratégies de complaisance et d'arrangements», a-t-il dit. «Des organisateurs de partis politiques passeraient des commandes aux firmes de génie pour obtenir de l'argent.»
Jacques Duchesneau a expliqué qu'il croyait au départ de son «enquête bénévole» que c'était les firmes de génie qui envoyait l'argent vers les partis, ce qu'il a qualifié de «push». Mais ce serait plutôt l'inverse, les gens en autorité qui demandent de l'argent aux firmes de génie et entrepreneur, ce qu'il a qualifié de «pull».
«70% de l'argent consacré aux partis provinciaux ne serait pas issu de dons officiels enregistrés. Il y a de l'argent sale qui permet de faire des élections. 65% des pots-de-vin sont aussi là pour engraisser, non pas les partis politiques, mais les gens qui font de la politique, notamment par les cocktails de financement», a avancé Duchesneau. L'ancien policier dit en avoir parlé avec le Directeur général des élections.
Les partis miseraient sur le phénomène de la fausse facturation pour camoufler leurs activités illégales. Une cinquantaine de firmes se spécialiserait dans les fausses factures dans la seule région de Montréal, a indiqué M. Duchesneau.
Le problème serait particulièrement «très grave» au municipal où l'argent comptant circulerait abondamment. «Pour obtenir des contrats, on doit donner à des partis municipaux. Les élections clé en main, ce n'est pas une lubie. Il y a des firmes de génie, de comptables et d'avocats qui aident des gens à être élus.»
Pour «maquiller» le stratagème, les partis tiendraient deux comptabilités : une officielle pour le DGE et l'autre, secrète.
À Rio, Charest réagit
Le premier ministre Jean Charest assure qu'il apportera «avec beaucoup de détermination» les correctifs nécessaires à la lumière des révélations de la Commission Charbonneau.
Actuellement à Rio de Janeiro, au Brésil, en vue de la Conférence des Nations unies sur le développement durable, M. Charest a précisé qu'il n'avait pas pris connaissance des derniers témoignages. Il a toutefois insisté sur le fait que son gouvernement allait agir «sans hésitation».
Il a dit qu'il allait poser tous les gestes nécessaires pour s'assurer que les fonds publics soient bien investis.
M. Charest a indiqué que s'il y a des correctifs à apporter, son gouvernement le fera avec beaucoup de détermination.
Il a rappelé que la commission Charbonneau avait le mandat pour aller au fond des choses et que son gouvernement allait continuer à être extrêmement vigilant.
- Avec La Presse Canadienne


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