«Islamophobie» : crise ouverte entre les insoumis et des militants des quartiers

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La gauche occidentale devra choisir entre le vote musulman et la défense de ses principes



Après la conférence animée par Henri Peña-Ruiz et la polémique sur l'usage du terme «islamophobie», plusieurs figures des quartiers annoncent leur prise de distance avec La France insoumise.


Une rentrée mouvementée. La tension monte entre les dirigeants de La France insoumise et les militants des banlieues. La cause ? Une polémique est née vendredi, lors de l’université d’été de La France insoumise à Toulouse, après une conférence animée par Henri Peña-Ruiz, «Les trois boussoles de la laïcité». Une phrase du philosophe a atterri sur les réseaux sociaux : «On a le droit d’être islamophobe.»Depuis, le mouvement tente de replacer la phrase dans le contexte. Henri Peña-Ruiz aussi. Les insoumis ont publié un long extrait pour mettre fin à la fronde.


Le souci : les doutes ne s’envolent pas. La définition du terme «islamophobe» clive – les insoumis n’ont jamais utilisé ce mot. De nombreuses figures du mouvement expliquent que, contrairement aux actes visant les musulmans, l’islamophobie n’est pas un délit. Sur les réseaux sociaux, Madjid Messaoudene, élu à Saint-Denis, répond : «C’est choquant car l’islamophobie, c’est l’hostilité aux musulmans et à l’islam.» Le débat sémantique n'est pas nouveau mais il n'avait jamais à ce point enflammé La France insoumise.


Baston


Samedi, le lendemain du débat, au centre des congrès à Toulouse, la tension s’est invitée sur un autre terrain. Benoît Schneckenburger, un dirigeant du mouvement, a interpellé bruyamment Taha Bouhafs, militant et journaliste proche des insoumis, pour lui reprocher un tweet – pas très sympathique – au sujet de Peña-Ruiz. La sécurité est intervenue. Taha Bouhafs a dénoncé une «agression physique». Le député de Seine-Saint-Denis Eric Coquerel est arrivé dans un second temps pour faire baisser la température. Pas simple.


L’altercation a animé toutes les discussions entre les dirigeants. Ils regrettent la «perte de contrôle» de Benoît Schneckenburger. Une «erreur», disent-ils. Par contre, ils ne retiennent pas leurs coups lorsqu’il s’agit d’évoquer Taha Bouhafs – alors que ce dernier a demandé «une explication et des excuses» de LFI. Il a notamment contacté le député européen, Manuel Bompard. Une tête pensante ne veut «plus de lui» dans la galaxie insoumise. En interne, Eric Coquerel, toujours lui, tente de mettre fin à la baston. Sauf que sur les réseaux sociaux, le débat est encore vif.


Liberté de parole


Youcef Brakni, par exemple, militant du collectif La vérité pour Adama et qui était présent à Toulouse, a publié mardi après-midi un long texte sur Facebook pour annoncer sa prise de distance avec La France insoumise. «Il reste de nombreux militants sincères à la FI, il faut continuer à les soutenir évidemment. Mais il est clair qu’il sera difficile à l’avenir de participer à des actions avec des cadres qui continuent à nier l’islamophobie et qui ne font aucune déclaration pour condamner l’agression subie par Taha Bouhafs», écrit-il. Une publication partagée par plusieurs militants de banlieue.


On oublierait presque qu’en novembre dernier, La France insoumise a organisé un événement en Seine-Saint-Denis, à Epinay plus précisément, pour se confronter à la parole des habitants. Le mouvement est persuadé que, lors de la dernière présidentielle, les 600 000 voix manquantes pour accéder au second tour se trouvent dans les parages. Jean-Luc Mélenchon était présent. La liberté de parole était assurée. Les différents militants ont souligné leurs points de divergences avec le mouvement. Et dénoncé «l’islamophobie», «le racisme d’Etat», «les violences policières». Des mots sans détour. «Ce genre d’événement doit également permettre aux dirigeants et militants du mouvement de prendre conscience de la vie des habitants et surtout leurs préoccupations», nous confiait Eric Coquerel. Aujourd’hui, le fil apparaît rompu.


Rachid Laïreche