Intervention de Dominique Delawarde à la conférence Schiller

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Le basculement du monde

Texte de ma déclaration préliminaire à la conférence de l’Institut Schiller du 10 janvier sur le niveau de Confiance dans les relations internationales et d’éventuelles négociations entre l’OTAN et la Russie.


Vaste sujet … et à chacun de se forger son opinion, bien sûr.


PS: Dernière nouvelle intéressante, la Banque Nationale Suisse vient d’annoncer des pertes colossales de 143 milliards de dollars en 2022. Ce sont les pires enregistrées par cette banque en 116 ans d’histoire. Ce record est 5 fois plus important que le dernier qui datait de 2015 et représente 18% du PIB Suisse prévu pour 2022.


La Suisse a-t-elle fait une bonne affaire en abandonnant, si peu que ce soit, sa neutralité qui faisait sa fortune, pour s’aligner sur le camp occidental ? À chacun de répondre à cette intéressante question. Pour ceux qui ont un VPN : https://www.rt.com/swiss-central-bank-posts-record-loss


Évidemment, nos médias n’évoquent pas le sujet. On ne doit pas parler des choses qui fâchent, lorsqu’on est en mode propagande. Le monde de la haute finance internationale qui a provoqué et finance la guerre en Ukraine aurait-il des difficultés ?


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Thème : La confiance dans les relations internationales entre l’Est et l’Ouest

Question 1 : Quel sens pourrait avoir un quelconque accord avec des représentants de l’Occident si l’on doit partir du principe qu’ils ne font ce qu’ils disent que pour imposer leur feuille de route ?


DD : Un quelconque accord avec des représentants de l’occident n’aurait, pour les Russes, aucun sens dans les conditions actuelles. Pourquoi ? Parce que la parole des occidentaux ne vaut plus rien depuis la chute de l’Union soviétique, parce que les occidentaux n’ont jamais tenu parole depuis 1990 et parce que cette fâcheuse tendance à la duplicité et au mensonge s’est accrue au fil du temps.


Rappelons nous cet aveu terrible de Mike Pompeo, secrétaire d’État US à l’époque, lors d’une conférence dans une université du Texas (A&M University) le 15 Avril  2019 : « Nous avons menti, nous avons triché, nous avons volé, comme si nous avions reçu des cours de formation pour apprendre à le faire.  Cela vous rappelle la gloire de l’expérience américaine », sous les applaudissements nourris d’un auditoire de jeunes étudiants états-uniens hilares1.


Avec des interlocuteurs du même acabit que Pompeo, Blinken ou Victoria Nuland dans la diplomatie US et plus largement dans les administrations états-uniennes et de l’UE, il est désormais impossible pour les russes de négocier en confiance.


Il n’est pas inutile de rappeler quelques événements historiques que Poutine, Medvedev, Lavrov, Choigu et bien d’autres responsables russes ont vécu aux premières loges, avant et depuis leur accession au pouvoir :


Les faux témoignages des couveuses du Koweït d’Octobre 1990, faux prétexte pour déclencher la première guerre d’Irak ;


Le faux massacre de Racak de janvier 1999, faux prétexte pour déclencher la phase finale du démembrement de l’ex Yougoslavie et le bombardement de Belgrade ;


Le faux témoignage à la tribune des Nations unies le 5 février 2003 de Colin Powell, sur les prétendues armes de destruction massive de Saddam Hussein, prétexte mensonger pour déclencher la seconde guerre du Golfe ;


Les multiples attaques au gaz sous faux drapeau en Syrie entre Septembre 2013 et 2018 visant à justifier  les frappes conjointes du gang des 3 (USA, Royaume Uni et France) sur la Syrie.


Les extensions de l’OTAN à l’Est de 1999 à nos jours en contradiction totale avec les promesses faites à Gorbatchev en 1990.


On pourrait y rajouter les montages des affaires Skripal par le Royaume Uni et de l’affaire Navalny par l’Union européenne, dans le but constant de salir la Russie et plus particulièrement Poutine.


Cette duplicité, principalement d’origine anglo-saxonne, a été observée et vécue par la planète entière, a provoqué  une véritable prise de conscience dans de nombreux pays. Elle a suscité beaucoup de réprobation, de rejet, voire d’exaspération.


Depuis son arrivée au pouvoir, Poutine a vécu 22 années de duplicité et de mensonges occidentaux. Aujourd’hui la coupe est pleine, et la confiance a été totalement détruite pas les aveux d’Angela Merkel et de François Hollande déclarant, à la face du monde, que les accords de Minsk n’étaient pas faits pour être respectés mais pour gagner du temps afin de préparer l’Ukraine à la guerre contre la Russie.


Question 2 : Au point où nous en sommes de mensonges et de trahisons, la confiance peut-elle être restaurée  entre la Russie et l’Occident ?


DD : Ma réponse est non. Pourquoi ? Parce que ce rétablissement de la confiance ne peut passer aujourd’hui que par la disparition pure et simple du paysage politique mondial de l’establishment néoconservateur et mondialiste US et européen. Tant que cette disparition ne sera pas réalisée et actée, la restauration de la confiance restera impossible car le projet pour un nouveau siècle d’hégémonie américaine, à réaliser par tous les moyens, restera la règle pour les administrations US et UE.


Cette éviction des néoconservateurs mondialistes, liés aux puissances d’argent qui font la pluie et le beau temps dans les élections états-uniennes et européennes, présidentielles ou législatives, grâce aux médias qu’elles contrôlent, n’est pas envisageable à court ou moyen termes, tant les moyens financiers consacrés à la conquête et à « l’exploitation » du pouvoir à leur profit, sont immenses.


La Russie de Poutine s’efforce donc aujourd’hui de faire tout ce qui est possible pour briser ce rêve des milliardaires néocons occidentaux, d’un monde sous hégémonie US-UE-OTAN-G7, en affaiblissant l’aigle occidental et en lui coupant les ailes.


En 1990, la Russie a perdu la guerre froide par un effondrement économique et social. En 2022-2023 … elle cherchera à obtenir un effondrement économique et social de l’occident global, en agissant, avec ses nombreux et puissants alliés et partenaires, en jouant sur l’arme énergétique, et en cassant le monopole du dollar et l’extraterritorialité du droit américain qui lui est liée.


Sur le théâtre ukrainien, qui ne représente qu’une toute partie du bras de fer mondial entre les néocons occidentaux et la Russie, celle ci ne négociera, le moment venu, qu’en position de force, et à ses propres conditions. Mais il lui faut aujourd’hui laisser du temps au temps car le temps joue, pour l’instant, en sa faveur, en plongeant peu à peu l’occident dans les difficultés économiques et sociales qui n’iront pas en s’améliorant.


Il n’y a donc probablement rien à attendre à court terme. Rien à attendre avant, au mieux, l’été 2023 mais plus probablement 2024. Pour la Russie, un hiver supplémentaire, et peut être davantage, sera sans doute nécessaire pour achever l’affaiblissement des économies occidentales et atteindre ses objectifs militaires en Ukraine et géopolitiques au niveau planétaire, avec un minimum de dommages humains et économiques pour elle et un maximum pour ses adversaires.