Immigration et campagne électorale: gros malaise

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Pas un chroniqueur n'aborde les coûts de l'immigration massive

Les campagnes électorales et le sujet délicat de l’immigration font rarement bon ménage.


Il faut tout de même admettre que partout, en Occident, le sujet est chaud et âprement débattu sur la place publique.


Les migrations majeures de populations vers l'Europe y sont pour quelque chose.


Depuis l’attentat du 11 septembre 2001 à New York, les rapports tendus avec la tendance plus fondamentaliste de l’islam, y sont aussi pour quelque chose.


Bref, ce mélange de mouvements importants de populations et d’un certain retour du religieux dans l’espace public, soulèvent les passions. Certaines saines, d’autres définitivement pas.


Au Québec – une société qui demeure parmi les plus accueillantes -, nul besoin de revenir sur cette même confusion qui, depuis la «crise» des accommodements raisonnables en 2007-2008, amalgame faussement immigration et religions.


De la commission Bouchard-Taylor à la campagne électorale actuelle, la même confusion perdure.


La proposition de la CAQ pour un «test des valeurs» déterminant pour les nouveaux arrivants en est un exemple parmi d’autres.


Mais je dois vous avouer que mon plus grand malaise est face au discours ambiant qui, tout particulièrement chez Philippe Couillard, réduit les immigrants à leur simple «utilité» économique – soit de répondre à la fameuse pénurie de main-d’œuvre que ce gouvernement, on ne sait trop pourquoi, n’a jamais vu venir.


***


Dans les années 1960, j’ai grandi dans un quartier montréalais ouvrier où résidaient de nombreux immigrants de première et deuxième génération – italiens, surtout. Puis, quelques années plus tard, vinrent les Haïtiens.


Les tensions entre les francophones et les Québécois d’origine italienne étaient essentiellement de nature linguistique.


Bien avant la loi 101, les immigrants avaient le libre choix de la langue d’enseignement pour leurs enfants. Résultat : comme l’anglais était résolument la langue de la mobilité sociale, plus de 85% de ces enfants fréquentaient l’école anglaise. Et donc, s’anglicisaient, tout en apprenant le français, mais comme troisième langue seulement.


Or, malgré ces tensions inévitables à cause du contexte pré-loi 101, l’immigration, comme phénomène, était vue de manière nettement plus large que d’en faire simplement une main-d’œuvre nécessaire quand pénurie il y a.


D’où mon malaise en 2018 face au discours du premier ministre sur le sujet. Un malaise dont j'entends également beaucoup parler aurtour de moi.


De fait, on parle beaucoup d’immigration sur la scène politique, mais on en parle très peu avec les immigrants eux-mêmes.


Au Québec, comme ailleurs, l’immigration apporte avec elle nettement plus que des travailleurs et des travailleuses.


Les nouveaux arrivants enrichissement notre culture, nous rendent encore plus curieux sur plusieurs niveaux – musique, gastronomie, langues étrangères, amitiés, amours, etc.


Dans nos écoles, grâce à la loi 101, ces enfants venus d’ailleurs pour une meilleure vie apprennent à connaître le Québec à travers leurs nouveaux amis québécois, toutes origines confondues. Et vice-versa.


Ce Québec de toutes les couleurs, il vit dans nos écoles. On le voit aussi poindre à travers le métissage croissant de la société québécoise.


La grande difficulté restante étant la francisation et la reconnaissance des diplômes rendue quasi impossible par un corporatisme d’une force terriblement contre-productive.


Or, cette francisation, ce sont les gouvernements eux-mêmes qui, depuis plus de 20 ans, l’ont rendue de moins en moins efficace.


À coups de compressions budgétaires obsessives, la seule nation francophone d’Amérique est gouvernée par des élus qui ont refusé d’investir suffisamment dans sa propre pérennité. C’est à y perdre son latin.


Qui plus est, nous le savons tous, pour toutes sortes de raisons, près de 90% des immigrants s’installent à Montréal.


Parce que les mêmes gouvernements ont également refusé d’agir pour limiter la bilinguisation des milieux de travail – même pour des jobines au salaire minimum (!) -, ces mêmes immigrants, une fois confrontés au milieu du travail, découvrent rapidement qu’en plus du français, il leur faut aussi parler l’anglais. Sinon, pas de boulot. Cherchez l'erreur.


À la décharge du Parti québécois et de la CAQ, notons toutefois que ces deux partis proposent tout au moins – et enfin -, une série de mesures plus concrètes visant à  tenter de renverser la vapeur quant à la francisation et la reconnaissance des diplômes.


Le vrai problème est que ces derniers vingt ans d’inaction et de compressions ont fait prendre un recul considérable au Québec dans le processus pourtant essentiel de francisation et d’intégration de nos nouveaux concitoyens.


Pour commencer à réparer ces pots cassés, le prochain gouvernement devra donc agir vite et bien.


Car les nouveaux arrivants ne sont pas que de la «main-d’œuvre», loin s’en faut.


Ils sont aussi ceux et celles qui viennent enrichir la culture québécoise de nombreuses manières.