Il était une fois dans l’Ouest

À la conquête de soi


À feu Camille Laurin


Ils s’appellent Archambault, Bouchard, Cormier

Ils habitent un bungalow ou une "monster house"

À Pointe-Claire, à Beaconsfield, à Baie-d’Urfé

Ils ont grandi ici ou y sont déménagés

S’y sont accotés, mariés, divorcés

Ils ont des enfants prénommés

Aaron, Bryan, Cindy

Qu’ils élèvent en anglais

Pour en faire des "true Canadians"

Pour en faire d’éphémères bilingues

Pour qu’ils réussissent

Parce qu’au Canada

On n'a pas le choix d’apprendre l’anglais

Si on veut réussir malgré le "bill 101"

Ils catalysent, canalisent et incarnent l’assimilation

Et dans deux générations

Soumis au "peer pressure"

Journellement gavés de la langue de l’empire

Ces enfants n’auront de français que le nom

Ce sera de l’histoire ancienne

Un mauvais souvenir

Le français, c’est tellement p’tit

Le français, c’est tellement "loser"
Ils travaillent chez Pfizer, Merck Frost

Au "Fairview Shopping Mall"

S’adressent en anglais à leurs collègues

Naviguent en anglais sur internet

Écrivent leurs mémos et leurs courriels en anglais

(Hey, what can I do?

We do business with Ontario and the States…

It’s easier for me and much more practical!)
Leurs voisins anglais

Admirent ces "true French Canadians"

Qu’ils peuvent "truster"

Qui font l’effort de parler anglais

Presque sans accent

Et les dimanches après-midis d’été

Lorsqu’ils tondent simultanément leur pelouse

Sous un "beautiful sunshine" de banlieue

Ils font une pause et bavardent chaleureusement

Par-dessus la clôture :

« You know James, although I’m not a big fan of Stephen Harper,
I sincerely believe we should support our Canadian troops in
Afghanistan.

- Me too Pierre. And to think that the damn Bloc Québécois
wants us out of there! These traitors who want to destroy
our great country are only in it to get a pension... And it’s you
and I, as honest tax payers, who get to pay for this shit. It
makes me sick!

- That’s right James. That’s right. I don’t feel too proud myself.

Oh, by the way James, please, just call me Peter. Peter Tremblay.»
Ils adulent Trudeau, Chrétien, Stéphane Dion

Les grands rois-nègres

Ils ont voté "No!" aux référendums

Vont toujours voter "No!, No!, No!" aux référendums

"Just watch them"

Ils sont membres du "Liberal Party of Canada"

Cette mafia institutionnalisée

Du "Liberal Party of Quebec"

Cette coterie de fossoyeurs rampants

Ils votent évidemment libéral aux élections

Ont toujours voté libéral

Vont toujours voter libéral

Pour l’éternité

Contre vents et marées

"Through thick and thin"

Et si un jour

Ces crosseurs présentaient une borne fontaine

Ou un cochon peint en rouge comme candidat

Ils voteraient encore libéral

Que voulez-vous

Il faut sauver le Canada

"Our home and native land"
Ils sont abonnés à The Gazette

Au National Post, au Globe and Mail

À Maclean’s, au Time Magazine (the Canadian edition!)

À The Economist, à Business Week, au Consumer Reports

Parfois même au journal Les Affaires (Le Journal des Décideurs!)

Et à La Presse de Power Corporation (que voulez-vous

c’est une entorse linguistique qu’ils se permettent

tant ils admirent André Pratte, Alain Dubuc et Lysiane Gagnon

ces courroies de transmission de l’idéologie libérale)

Ils dévorent The Suburban, The Chronicle

Jettent le Cités Nouvelles

Regardent CTV, GLOBAL, CBC

This hour has 22 minutes, Just For Laughs, Hockey Night in Canada

(Don Cherry sure knows what he’s talkin’ about!)

Écoutent CJAD, MIX 96, CHOM FM (The Spirit of Montreal!)

Ils commandent en anglais au restaurant

Payent en anglais à l’épicerie

Jurent en anglais au garage

Ils fourrent en anglais

Pissent en anglais

Chient en anglais

Rotent en anglais

Ils vont au cinéma en anglais

Au "Kirkland Coliseum" pour y voir des films américains

Ou les louent plus tard au "BlockBuster Video Store"
Ils détournent le regard quand ils aperçoivent un graffiti qui dit :

« Fuck Québec » sur les murs d’un "mini mall" de Dollard-des-Ormeaux

Ils n’ont jamais entendu parler d’André Mathieu

De Malajube ou de Pauline Julien

(sauf peut-être depuis qu’une salle de spectacles

porte son nom au Cégep Gérald-Godin de Sainte-Geneviève.

Mais ils se contrecrissent de qui elle fut)

Ils savent cependant qui est Pierre Falardeau

Cet extrémiste notoire…
Ils vont en vacances au Marineland de Toronto

Vont skier dans les "Majestic Rockies" de l’Alberta

Ou à "Prince Edward Island" se pâmer devant

Le "Confederation Bridge" ou les "potato fields"

Ils ignorent la Saint-Jean

Ce mauvais moment à passer

Cette épine au pied

Sont de tous les "Canada Day"

Agitant leur dérisoires unifoliés en plastique

La larme à l’œil pendant le "national anthem"

Ils ont une érection durant le ronron patriotique de Michaëlle Jean

La gorge nouée par l’émotion en écoutant Gregory Charles

Le cœur serré sous les feux d’artifices rouges et blancs

"Long live Canada!

Long live the Snowbirds and the RCMP!

One united nation under one flag forever and ever…!"
Et le lendemain

Doucement "hungover"

Ils passent un coup de fil à une sœur ou un frère

Qui habite dans la folklorique campagne

Du Bas-du-Fleuve ou du Comté de Bellechasse

« Salut Solange, c’est Peter...

- Salut Pierre! Comment ça va?

- Good. Pis toi, tu t’ennuies pas trop?

- Non, non. On a aidé Jacques pis sa blonde à déménager hier.

C’était fatigant mais on ben ri.

- (Heather! Trevor! Shut up! I’m on the phone with auntie Solange!)

S’cuse Solange, les flôs sont énarvés…

- C’est correct. Pis, la famille va ben?

- Ouin, toutte est ok…

- Y fait-tu beau dans l’Ouest?

- Mets-en…! L’eau est ben hot dans la piscine!

- Tant mieux. J’suis contente pour vous autres.

- …

- …

- Solange?

- Oui?

- Euh, ah laisse faire. Bon, faut que j’te laisse. Bye Solange…

- Ok, bye Pierre.
Il raccroche.

Un drôle de sentiment le traverse.

Un malaise.

Une étrange petite peine.

Ça passera.

Il se tourne vers ses enfants :

« Come on kids, let’s go to the beach at Cap Saint-Jacques!

- Yeah! Yeah!

- Cindy, go get your mom. Trevor, help me pack the mini-van.

- Yeah! Yeah! »
Et ils partent.

Peter allume la radio et syntonise OLDIES 990 AM

Qui joue: « I can see clearly now / The rain is gone… »

Il jette un œil à ses enfants qui se chamaillent sur la banquette
arrière.

Il sourit à sa femme.

Voilà.

L’étrange petite peine est passée.

The weird little sadness is gone.
TOUSSAINT RIEL


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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    6 février 2007

    ... le 1er juillet 2007 pour fêter le Canada.
    Bravo!