Hydro-Québec annule l’édition papier du rapport annuel 2012

Décision unilatérale inacceptable !

Tribune libre

Pour un particulier, les coûts d’impression sont de l’ordre de 60$ l’unité à raison de 0,50$ la page couleur pour un document contenant 120 pages. L’impression couleur est incontournable pour pouvoir lire les graphiques présentés en nuances de couleurs, essentielles pour notre compréhension.
Pourquoi notre principale société d’État qu’est Hydro-Québec n’a pas prévu offrir la copie papier de son rapport annuel 2012 assorti d’un prix de vente ? L’annulation totale de la copie papier restreint sans en douter la diffusion de l’information et les répercutions de son analyse.
Il n’y a pas seulement le citoyen qui lit les rapports annuels qui est pénalisé par cette décision unilatérale. Il y a toute la dimension d’accès à l’information via les bibliothèques publiques et les centres de documentation universitaires qui ne pourront plus archiver un document papier important.
Récemment, j’ai effectué une recherche à la Grande bibliothèque à Montréal en consultant les rapports annuels d’Hydro-Québec depuis 1980. Cette recherche portait sur les impacts de l’électro-nucléaire dans les résultats annuels d’Hydro-Québec. Même si les rapports annuels présentent un portrait enjolivé de la réalité, pour ne pas dire recourant à des approches tordant la vérité, malgré ces mises en garde, c’est le seul document «fiable» accessible au grand public et présentant une vue d’ensemble sur une année d’activités.
Hydro-Québec est une société majeure et charnière qui touche à l’ensemble des activités du Québec. En plus d’avoir un impact de 4% sur le PIB du Québec ( 12G$ / 300G$ ), notre société d’État touche un ensemble qui est politico-socio-économique. Hydro-Québec est incontournable pour tous les Québécois.
Citons quelques exemples récents pour illustrer la place majeure qu’occupe Hydro-Québec .
Le déclassement de la centrale nucléaire Gentilly-2 (G-2) a été confirmé par le Gouvernement Marois après son élection du 4 septembre 2012. Cette décision a déclenché des passions dans les régions du Centre-du-Québec et en Mauricie. Selon les propos hystériques de la députée libérale Danielle Saint-Amand, la fermeture de cette centrale «déficitaire financièrement et écologiquement» créerait le chaos au Québec. Elle savait ce dont elle parlait parce qu’elle se voulait elle-même un vecteur de ce chaos.
Le même dossier de la fermeture de G-2 a permis à Jean Charest en campagne électorale à induire la population en erreur en répétant qu’il avait «un préjugé favorable» envers la réfection de G-2 avant le jour de l’élection. Ce semeur de confusion a réussi ainsi à protéger au moins deux comtés pour son parti, Trois-Rivières et Maskinongé.
Autre dossier: l’annulation récente de six projets de mini-centrales a mis en lumière le maintien du projet de mini-centrale sur le site historique de Val-Jalbert. Tout ce dossier des mini-centrales (moins de 50 MW), embelli par le gouvernement néo-libéral de Jean Charest depuis 2003, n’a fait qu’accentué des pertes de revenus encaissées par l’acheteur d’électricité Hydro-Québec, aux profits des promoteurs privés. Ce genre d’abus de privatisation des profits se fait sur le dos de la collectivité.
Un autre exemple: l’écharde au budget d’Hydro-Québec Distribution consistant en une perte de près de 200 M$ par année depuis 2008, provenant d’un contrat signé en 2003 et d’une durée de 20 ans, 2006 à 2026. Ce contrat porte sur l’achat de toute l’électricité de la centrale au gaz naturel de cogénération de Bécancour appartenant à la firme TransCanada Energy de Calgary. Selon une référence écrite dans le livre des 100 ans de SNC-LAVALIN, qui a construit cette centrale, ce contrat est le résultat de tractations (lobby) entre des membres du CA d’Hydro-Québec, le PDG d’alors d’Hydro-Québec (1996-2004), André Caillé, et SNC-LAVALIN. Avec cette centrale au gaz naturel, André Caillé, ex-PDG de Gaz-Métro, retente sa chance d’introduire chez Hydro-Québec la consommation de gaz naturel pour produire de l’électricité après avoir essuyé un échec avec la centrale au gaz du Suroît.
Cette centrale au gaz toute neuve n’a fonctionné que 16 mois entre septembre 2006 et décembre 2007. Depuis le 1er janvier 2008, cette centrale ne fonctionne pas parce qu’Hydro-Québec dispose de surplus d’énergie avec la crise économique mondiale qui a débuté en 2007. Cet arrêt de production oblige Hydro-Québec Distribution à payer une amende de près de 200 M$ par année. Après 5 ans d’arrêt, cela représente un pactole de près de un milliard $. À comparer aux coûts de construction de 500 M$, TransCanada Energy de Calgary est morte de rire, et le plaisir continue.
Prenons un autre dossier, celui de l’implantation des compteurs dits «intelligents»: des administrateurs d’Hydro-Québec placent la population devant un fait accompli avec peu de recours. L’arrivée de ces compteurs est très importante pour une meilleure harmonisation de l’offre et de la demande de la consommation d’électricité.
Pour atteindre cet objectif incontournable, il faut compter sur des années, des décennies et mettre en place une éducation de la population. L’actuel programme de communication semble un échec total et les objections de la population ont été considérées par la dérision et l’écrasement par le fait accompli. Comme par hasard, la gestionnaire responsable de ce projet, Mme Isabelle Courville, présidente d’Hydro-Québec Distribution, a tiré sa révérence en janvier 2013 sans expliquer les raisons de son départ. Ironiquement, aucune mention de son passage chez Hydro-Québec n’est souligné dans le rapport annuel 2012.
D’autres dossiers juteux sont traités par Hydro-Québec comme le moteur-roue de l’ingénieur Pierre Couture, les droits de pétroles et gaz vendus en 2008, l’infiltration sournoise des principes du néo-libéralisme en appliquant le principe général contenu dans l’expression «le moins d’état possible» et la privé possède toutes les vertus (exit commission Charbonneau). Ajoutons les dossiers de l’énergie éolienne et le contesté harnachement de la rivière La Romaine sur la Basse Côte Nord.
Toute cette gestion opaque se traduit chez les employés par l’érosion du sentiment d’appartenance et par la perte de fierté de travailler pour une entreprise qui est en perte de vitesse et de réputation. Aussi, cela prend la forme d’une gestion du personnel appelée «trou de beigne» comme cela s’est pratiqué au Ministère des transport du Québec. On laisse partir les employés clés qui sont débauchés par les entreprises privées qui contractent avec Hydro-Québec. L’employé devient consultant et un concurrent direct avec ses anciens collègues de travail.
Même si les pressions néo-libérales poussent dans le sens de la privatisation d’Hydro-Québec, nous sommes de ceux qui défendons la place de notre société d’État comme emblème d’une réussite économique commune à tous les Québécois. Le rapport annuel d’une société de l’envergure d’Hydro-Québec n’est pas un banal document au passage obligé temporaire qui finit dans le bac à recycler.
Ce rapport est un condensé précieux d’une année et présente les résultats financiers, économiques, politiques et sociaux concrets qui jalonnent la vie d’une société entière.
Nous voyons se révéler en chiffres le résultat des efforts de plus de 20 000 employés et des décisions et orientations prises par la direction. Les Québécois, à titre d’actionnaires, ont le droit de prendre connaissance de cette synthèse afin d’en tirer un enseignement. Cela conduit à des appréciations qui peuvent prendre la forme de commentaires et de recommandations.
Un aspect important du rapport annuel est le rendu de comptes de la part de la haute direction d’Hydro-Québec, les fiduciaires de la première société d’État en importance pour les Québécois.
Sidbec n’est plus, la Société de l’amiante n’est plus, SOQUIP est endormie, Gaspésia est morte en couche, toutes ces sociétés s’alignent dans le cimetière de la honte des Québécois.
Mais Hydro-Québec, société d’État fondée en 1944, existe encore en 2013 et fêtera ses 70 bougies l’année prochaine. Je suis de ceux qui est très conscient que des écumeurs jouiraient tellement en privatisant complètement ce fleuron de l’économie nationale du Québec. Je m’y objecte.
Un diagnostique s’impose: la fierté et la conviction d’être un employé et un gestionnaire d’Hydro-Québec sont moribonds. On ne travaille plus à 90% de son talent et de son temps. Devant cette baisse de fierté et de l’énergie pour protéger la «culture de l’entreprise», que peut-il arriver ?
En plus des vautours à l’affût réclamant le démembrement d’Hydro-Québec, une vraie rumeur circule dans le public du désanchantement des employés. Il y a un surplus de main-d’oeuvre qui se tourne les pouces: alors, coupons. Personne se lève pour clamer sa fierté d’être hydro-québécois comme jadis.
Le pire cercle vicieux prend forme: les employés d’H.-Q. se murent dans leur confort de sécurité d’emploi, la haute direction est fermée comme un huître et refuse de débattre des principaux enjeux de l’heure.
Pendant ce temps, les adversaires externes à Hydro-Québec s’agitent. Affaiblissons Hydro-Québec, soumettons Hydro-Québec aux contraintes de la fédération canadienne par le projet d’achat par Hydro-Québec d’Énergie Nouveau-Brunswick (projet abandonné en mars 2010), au FERC (Federal Energy Regulatory Commission) pour les exportations d’électricité nord-américaines presqu’au coûtant. Et ça continue, plusieurs premiers ministres de Terre-Neuve ont cassé du sucre sur le dos des Québécois sans raison pour le contrat du 12 mai 1969, d’une durée de 65 ans, pour l’achat de l’électricité produite par la centrale Chruchill Falls. Monsieur Joseph Bourbeau, ancien PDG d’Hydro-Québec et témoin des événements disait en 1981, je cite: « Sans l’engagement d’Hydro-Québec, ce projet n’aurait jamais vu le jour.» (revue Forces, nos 57-58, page 15)
À partir de la chanson «Le tour de l’île» de Félix Leclerc, je substitue les mots Hydro-Québec aux mots «l’île d’Orléans», je cite: « Imaginons, Hydro-Québec, un dépotoir, un cimetière, parc à vidanges, boîte à déchets, US parking ...»
Qui rétablira la fierté chez Hydro-Québec, qui respectera les clients en oubliant sa position de monopole, qui garantira à tous les clients en demande d’un branchement, une action dans les 48 heures, qui travaillera à 90% de son énergie, qui remplira ses fonctions avec respect et honnêteté ? Un renouveau est exigé maintenant chez Hydro-Québec pour le bienfait des Québécois.


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