France 3 a-t-elle censuré un journaliste qui évoquait les violences sur les Champs-Elysées ?

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Une propagande footballistique délirante

Dans un communiqué, Force ouvrière déplore une pratique qui serait de plus en plus courante chez France Télévision : le 15 juillet, un journaliste a été interrompu en plein direct alors qu'il décrivait les violences sur les Champs-Elysées.


Peu après minuit, le 15 juillet, au cours de l'émission Soir 3 sur la chaîne de service public France 3, le reporter qui commentait en direct les débordements sur les Champs-Elysées à Paris après la victoire de l'équipe de France de football a été interrompu en plein exercice. Dans un communiqué, le syndicat Force ouvrière dénonce une «censure [...] absurde».


A l'image, alors qu'un bandeau commentait «Le Sacre, la liesse sur les Champs-Elysées», on pouvait voir et entendre le journaliste qui, depuis le toit de l'entreprise Publicis, décrivait pour sa part une situation plus perturbée en contrebas : «Depuis maintenant plus de deux heures, des petits groupes [...] ont agressé les forces de l'ordre avec des projectiles, des bouteilles de verre, des grenades fumigènes à tir tendu, ce qui peut être très dangereux et très rapidement, la situation a dégénéré et les forces de l'ordre ont riposté [...] et de la terrasse Publicis où nous nous trouvons, on peut voir...»


A cet instant, après 46 secondes intenses, l'animatrice en plateau intervient en lui coupant la parole à 4 minutes sur la vidéo : «On reviendra vers vous tout à l'heure, Clément.» Mais le journaliste ne reviendra pas à l'image. Un de ses collègues se fera brièvement l'écho des débordements en fin d'émission mais s'empressera de préciser : «On préférera retenir ces scènes de liesse à la fin du match, lorsque des centaines de milliers de spectateurs sont venus ici se masser sur les Champs-Elysées. Clairement durant ces quelques heures, on a retrouvé la ferveur de 1998.»


FO déplore une pratique de plus en plus courante



D'après le communiqué de FO : «L’explication n’a été donnée que le lendemain au journaliste : son direct a été interrompu parce qu’il a exagéré l’ampleur des violences et qu’il aurait dû évoquer "l’atmosphère de liesse…" qui n’existait plus depuis près de deux heures !»


Le communiqué syndical rappelle également : «Interrompre volontairement un direct est un acte grave réservé aux circonstances exceptionnelles ou aux cas de force majeure.» Et de commenter : «Cette censure est d’autant plus absurde qu’elle alimente le fantasme d’une télévision d’Etat qui voudrait "dissimuler des informations" au public.» FO dénonce «une certaine dérive dans les pratiques professionnelles en vigueur dans les rédactions de France Télévisions» et souligne : «De nombreux confrères déplorent de se voir de plus en plus en dicter leurs papiers par des chefs qui prétendent mieux appréhender un événement depuis les bureaux de la rédaction que les journalistes qui se trouvent sur le terrain.»


Pour mémoire, le 15 juillet au soir, alors que de nombreux Français célébraient la victoire des Bleus partout en France, plusieurs incidents ont éclaté, plus particulièrement sur les Champs-Elysées. Le ministère de l'Intérieur a annoncé que les débordements, au cours desquels 45 policiers et gendarmes ont été blessés, avaient donné lieu à 292 gardes à vue dans toute la France.


Par ailleurs, les salariés de l'audiovisuel public craignent pour leur avenir après la fuite du rapport CAP 22 le 17 juillet. Ce document commandé par Matignon fait état de pistes de réflexion pour l'exécutif, notamment dans le secteur des médias : les experts sollicités préconisent de ne conserver qu'une seule chaîne généraliste, France 2, et une seule chaîne régionale, France 3. La disparition de France 4, France Ô et FranceInfo permettrait ainsi de réaliser une économie de 400 millions d'euros. Françoise Nyssen avait déjà évoqué ce type de mesures drastiques au mois de juin, mais disait vouloir conserver toutes les chaînes sauf France 4.