Former la relève syndicale de la diversité

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La gauche obsédée par la race : L'aut'journal veut des quotas ethniques dans la représentation syndicale

Dominique Daigneault me reçoit dans son bureau du Conseil central de Montréal (CSN) avec une diatribe contre le premier ministre Legault. « Il disait qu’il voulait de bons emplois à 25-30 $ de l’heure et, à peine au pouvoir, il s’en est pris aux travailleurs de l’aluminerie ABI à Bécancour. Aujourd’hui, il annonce que les surplus budgétaires n’appartiennent pas aux syndicats, mais aux Québécois, comme si les employés du secteur public et parapublic n’étaient pas des Québécoises et des Québécois. »


Je ne peux m’empêcher de penser à Michel Chartrand, dont je viens de voir la magnifique illustration le représentant à même les photos de centaines de travailleuses et travailleurs, suspendue sur le mur derrière la réception du Conseil central. Michel nous accueillait toujours avec ce genre de coup de gueule.


L’héritage de Chartrand, on le retrouve également dans la présence de représentants syndicaux du Mexique et des États-Unis au dernier congrès du Conseil central, au mois de juin dernier. Après tout, n’a-t-il pas été l’initiateur du Centre international de solidarité ouvrière (CISO), alors qu’il présidait le Conseil central dans les années 1970.


Dominique Daigneault confirme le maintien de la tradition. « Le Frente Autentico del Trabajo du Mexique et la United Electrical, Radio & Machine Workers of America (UE) sont deux organisations avec lesquelles nous entretenons des liens de solidarité depuis des décennies. Benedicto Martinez était porteur de bonnes nouvelles : le nouveau gouvernement de Andrés Manuel Lopez Obrador a entrepris une réforme du Code du travail qui représente un espoir. Quant à Peter Knowlton, il nous a parlé de la nécessaire mobilisation des organisations progressistes de la société civile contre les positions xénophobes et anti-immigration de l’administration Trump. » De tels propos tombaient pile avec le thème du congrès : « L’union dans l’action ».




Identifier les lieux de fracture


Il est beaucoup question dans les médias du renouvellement de la main-d’œuvre avec les départs massifs à la retraite des baby-boomers. Pour les organisations syndicales, cela implique la nécessité de former une relève syndicale.


Le Conseil central, qui représente quelque 100 000 travailleuses et travailleurs dans la grande région de Montréal et dont l’objectif principal est d’appuyer ses syndicats membres pour l’établissement d’un bon rapport de force, s’y est attelé, lors du congrès, en soumettant à la discussion en ateliers trois luttes emblématiques, tout en identifiant les « lieux de fracture » possibles dans la vie syndicale.


La première lutte analysée était celle victorieuse pour l’obtention d’une première convention collective pour les travailleurs de l’Accueil Bonneau – une institution de 140 ans – avec un salaire minimum de 15 $ et plus.


« Pour le Conseil central, la lutte contre la pauvreté est importante et elle passe, entre autres, par l’obtention d’un salaire minimum à 15 $. Dans le cas de l’Accueil Bonneau, nous pensons que leur convention collective peut servir de référence dans le milieu communautaire, particulièrement dans les cas où ce salaire minimum n’est pas atteint », nous explique la présidente du Conseil central.


La deuxième lutte soumise à l’analyse des congressistes était la lutte emblématique des services de garde de Montréal et Laval. Il a fallu 43 séances de négociation et onze jours de grèves pour forcer l’Association patronale nationale des CPE à appliquer l’entente nationale. « Une lutte menée avec la communauté », ne manque pas de souligner Dominique en saluant la grande combativité des femmes. 


La création et le développement des services de garde au Québec ont largement contribué à l’arrivée massive des femmes sur le marché du travail et à leur présence accrue dans les structures syndicales. Au Conseil central, en plus de la présidence, elles constituent une majorité des responsables des dix comités. Il n’est donc pas étonnant que le Congrès ait décidé de soutenir activement la Marche mondiale des femmes du 17 octobre 2020, qui doit se tenir dans Lanaudière.


La troisième lutte était le lock-out de 17 semaines en plein hiver à l’Hôtel Gouverneur Place Dupuis, qui s’est terminée par une victoire des 115 travailleuses et des travailleurs. « Tous les membres de nos comités et plusieurs syndicats locaux étaient sur les lignes de piquetage. Un formidable élan de solidarité pour ce groupe de travailleuses et travailleurs qui se caractérise par sa grande diversité culturelle », déclare avec enthousiasme et fierté la présidente du Conseil central.


Le renouvellement de la main-d’œuvre à Montréal va modifier profondément sa composition d’origine culturelle. Le défi au cours des prochaines années pour le Conseil central, comme pour tous les syndicats de la grande région métropolitaine, est de refléter cette nouvelle réalité dans ses structures. La première résolution adoptée au congrès invitait d’ailleurs les syndicats affiliés à viser « une juste représentation de cette diversité sur tous les plans de la vie syndicale et de la participation démocratique ».


Cela ne se fera pas sans heurts culturels, sans « risque de fracture », mais les avancées de la représentation des femmes dans des organisations comme le Conseil central de Montréal témoignent de son inévitabilité démocratique.