Financement des universités: la «règle de trois» qui tue...

Université - démocratisation, gouvernance et financement



On a beaucoup parlé récemment de la question du sous-financement des universités, l'accent étant surtout mis sur la part qui devrait revenir aux étudiants, les premiers bénéficiaires de leur formation. On a bien sûr fait état du manque à gagner global des universités, en le chiffrant en fonction de différentes comparaisons. Au-delà de ces deux façons de voir le financement (le montant global investi et la contribution individuelle), il y a une autre embûche, dont on ne parle jamais, et qui est aussi pernicieuse: la façon dont ce montant est réparti entre les différentes unités pour accomplir leur mission.
On pourrait croire que c'est un problème technique, qu'il faut laisser aux techniciens. C'est ce qu'on a fait depuis dix ans, avec des résultats désastreux. On en a peu parlé dans les discussions de l'automne dernier. On a seulement mentionné que les étudiants devraient contribuer plus aux «programmes qui coûtent plus cher», pensant qu'on avait réglé ainsi de façon simple une question complexe.
Si un programme coûte cher, est-ce qu'il donne automatiquement accès par la suite à un emploi particulièrement rémunérateur? Non! Il faut se méfier de ces simplifications. Au contraire, certaines des formations les plus rémunératrices se situent en administration, là où la formation est réputée la moins chère. De plus, une formation peut être plus coûteuse parce que peu d'étudiants la choisissent. Faut-il alors les pénaliser de ce choix, souvent névralgique pour la société?
Montant global
Comment le financement global est-il redistribué entre les universités, et comment est-il par la suite distribué entre les unités? Les recteurs ne sont intéressés que par le montant global. Même si la formule qui le leur attribue n'est basée sur aucune analyse sérieuse des besoins, ils s'en arrangent. C'est le déficit ou le surplus global qui les intéresse. Notons au passage qu'on n'a jamais parlé du financement des coûts directs de la recherche, simplement parce qu'elle n'est pas financée! En effet, on ne calcule que les coûts de la formation, espérant que la recherche y trouvera son compte au total. On annonce à grands coups de conférences de presse des subventions pour mener des projets de recherche, mais ces subventions ne couvrent jamais les coûts les plus importants de la recherche, soit le salaire des professeurs qui la font!
Mais les unités de l'institution, celles qui ultimement doivent faire le travail et remplir la mission, peuvent être très fragilisées par un mode de distribution déficient. Le système qu'a adopté le ministère de l'Éducation a maintenant 10 ans. Il a été concocté par le ministre de l'époque, François Legault, et on n'a fait que le modifier depuis ce temps. Il y a trois prémisses à ce système.
Premièrement, on ne doit pas tenir compte de la recherche, elle se financera à même les subventions pour l'enseignement. Deuxièmement, à partir du principe qu'il en coûte deux fois plus cher de former 100 000 étudiants que 50 000, on finance la formation de 15 étudiants deux fois moins que celle de 30, qui pourtant a exactement le même coût (à la limite, c'est seulement le premier étudiant du programme qui coûte quelque chose!). C'est la tyrannie de la «règle de trois», le summum de la capacité de modélisation mathématique des technocrates du ministère.
La troisième prémisse est que le financement d'une discipline donnée doit être basé sur la moyenne des dépenses effectuées dans le passé pour cette discipline. Ainsi, si le coût moyen pour former 100 chimistes à l'université A est de 20 000 $ et celui des 25 chimistes à l'université B est de 25 000 $, à cause, par exemple, des frais fixes inhérents à tout programme, lors de la prochaine révision des «clarders», comme on les appelle dans le jargon, on donnera à l'université A 100 000 $ de plus, qu'on prendra à l'université B, pour «équilibrer» les coûts, même si A n'en a pas besoin et que ce montant est vital pour B.
Bien sûr, le ministère surveille tout de même l'application de sa formule. Il s'est assuré de définancer l'informatique dans toutes les universités, entre autres en ne prenant pas en compte les coûts à Trois-Rivières, qui n'étaient pas dans la moyenne voulue, et en gelant ses calculs au moment où il y avait trois fois plus d'étudiants que maintenant dans cette discipline, amenant tous les départements d'informatique du Québec au bord de la faillite. C'est une volonté très claire dans les documents du ministère.
On se retrouve avec une anomalie: il en coûte deux fois plus cher pour former un ingénieur en informatique qu'un informaticien, alors que ces deux formations sont à peu près équivalentes. Par contre, pour les disciplines qui n'existent que dans une seule université, c'est le «bar ouvert», puisque toute hausse des coûts se reflète automatiquement dans le budget suivant, ce qui fait qu'une formation en foresterie est maintenant plus financée que celle en médecine!
Quand on se sera entendus sur le financement global qu'il est pertinent d'investir dans nos universités, et sur la part qu'il revient de faire payer par les étudiants, pourrons-nous essayer de redistribuer cet argent de manière plus intelligente?


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