Faut-il instaurer une dictature environnementale?

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Le totalitarisme éco-socialiste : nouvelle utopie de la gauche en manque de repères


Les quotidiens Le Devoir et Le Monde organisent une deuxième série de débats publics à Montréal. Pour l’occasion, des personnalités québécoises et françaises sont réunies afin de discuter d’enjeux sociaux, philosophiques, scientifiques, artistiques et environnementaux. Après un lancement des activités vendredi, les discussions se sont poursuivies samedi. Retour sur l'un des sujets traîtés les plus brûlants de cette édition: l'écologie.


« Serait-il possible, en toute honnêteté et au meilleur de vos connaissances, de répondre à la question ? » Après plus d’une heure de débat, le micro circule dans l’auditorium bondé du Musée des beaux-arts de Montréal. Le public, venu en masse, veut une réponse claire au titre provocateur du débat : « Urgence climatique : faut-il instaurer une dictature environnementale ? »


« La menace climatique est aussi grande que celle du fascisme hitlérien pendant la Deuxième Guerre mondiale », disait un peu plus tôt Dominic Champagne, l’instigateur du Pacte pour la transition, en invoquant les constats scientifiques les plus à jour sur les bouleversements climatiques. « Et pourtant, les démocraties n’arrivent pas à y répondre. »


Pour les quatre invités réunis dans le cadre de la deuxième édition montréalaise du Monde Festival organisé avec Le Devoir, l’urgence climatique ne fait pas de doute. Toutefois, malgré la difficulté actuelle des États à répondre adéquatement à la crise, l’idée d’une dictature verte ne mérite pas sérieusement d’être considérée. Si bien que, malgré l’intitulé du débat, l’instauration d’un régime autoritaire écologiste n’a pas été abordée avant ce rappel à l’ordre du public. Auquel Patrick Bonin, de Greenpeace Canada, répond :


« Notre système démocratique est probablement le “moins pire” des systèmes, et il faut encore l’améliorer énormément. Mais clairement, une dictature environnementale n’est pas la solution. Oui, il faut agir rapidement, mais mettre le pouvoir dans les mains d’une petite poignée de gens qui prendraient les décisions tout seuls et qui les imposeraient — prenez l’exemple de la Russie, ou celui de la Chine —, ce n’est pas ce dont on a besoin. »


« Il faut impliquer les gens, il faut ouvrir le système démocratique, il faut que tout le monde mette l’épaule à la roue », ajoute-t-il.


De l’avis des panélistes, des corrections au système démocratique peuvent lubrifier l’action étatique contre les changements climatiques : davantage d’éducation auprès de la population et des décideurs, un passage vers un mode de scrutin proportionnel, une interruption des subventions aux industries du secteur des énergies fossiles, l’établissement d’un rempart contre le lobbying que ces industries mettent en place, l’adoption d’une loi-cadre climatique par laquelle devraient passer toutes les politiques publiques, etc.


« L’ampleur des changements qui nous attendent, ce n’est pas de devoir gérer quelques mouches ou des vers dans un bac de compostage : c’est beaucoup plus que ça, dit Catherine Gauthier, directrice générale d’Environnement jeunesse. Il s’agit de changer la manière dont on travaille, la manière même dont on perçoit l’idée du travail. » Il faut un projet de société qui vise à maximiser le bien-être des gens, et pas le PIB, défend-elle.


Orchestrer un tel virage nécessite de s’interroger sur la notion de croissance économique qui constitue le cadre dans lequel évoluent actuellement les sociétés démocratiques, souligne le philosophe et penseur écologiste français Dominique Bourg.


Pour atteindre les cibles de l’Accord de Paris fixées pour 2030, explique M. Bourg, il est futile de tenter de complètement changer les techniques de production d’énergie. Chaque personne doit plutôt décarboner son mode de vie le plus possible. « Imaginez qu’on le fasse tous en Occident. Qu’est-ce qui se passe ? demande M. Bourg. Nos économies s’effondrent. Il faut bien qu’on soit conscients de cette contradiction. »


Violence


Lors de cette discussion tenant plus d’une conversation consensuelle que d’un débat, les spectateurs applaudissent les panélistes après des interventions particulièrement vindicatives. Souvent, Dominic Champagne fait réagir le public.


« Il y a un grand acte de désobéissance aux lois de la nature qui est perpétré présentement par ceux à qui profite le crime, lance M. Champagne. L’industrie du pétrole, du gaz, et ceux qui la financent […] sont les premiers à désobéir aux lois de la nature. C’est normal qu’à cette violence qu’on fait à la nature, il y ait une réponse de la nature. »


« Le grand malheur, poursuit-il, c’est que ceux qui auront encore des réserves importantes en énergie, en armes, en mobilité, risquent encore de s’en tirer mieux, et il n’est pas certain que l’humanité en sorte gagnante. La dictature verte, si elle devait survenir, sera imposée par la nature, malheureusement. »




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