Farce européenne

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L'Europe à l'américaine ne fait plus recette

«Choc», «séisme», «tremblement de terre» : toute la presse-Système subventionnée y est allée de sa métaphore apocalyptique pour s’horrifier de la percée des extrêmes lors des élections européennes, et plus singulièrement de celle du FN en France. Trémolos dans la voix ou tics nerveux dans l’œil, tous les apparatchiks français ont alors juré comprendre l’«avertissement des électeurs»; juré qu’ils allaient ramener le so called «projet européen» sur les rails, sans que l’on sache trop lesquels d’ailleurs. Dans une allocution qui a confiné au burlesque à force de se vouloir volontariste, Flamby-la-Poire aura finalement synthétisé à merveille toute cette bouillie pour les chats en affirmant qu’il fallait «continuer, car au bout du chemin il y avait la réussite». Certes. Continuons donc.
Fin de la mystification
Disons-le tout net, nous n’allons évidemment pas pousser des cris d’orfraie parce que le FN triomphe en France sur les ruines malodorantes de l’UMP ou du PS.
Nous n’en avons, à vrai dire, rien à braire. Car comme on fait son lit on se couche, dit l’adage. Et si les extrêmes progressent dans l’Hexagone comme ailleurs en Europe, c’est surtout parce que la mystification qui consiste à singer l’alternance gauche-droite pour permettre à la même oligarchie de toujours garder les rênes du pouvoir a du plomb dans l’aile.
Et s’agissant de la fameuse «construction européenne», voilà 35 ans que cette oligarchie prend ouvertement les électeurs pour des abrutis en leur affirmant sans sourciller vouloir construire une «Europe sociale, forte, indépendante ou citoyenne» ; alors que c’est précisément l’inverse qui est édifié: à savoir une Europe des banquiers, des multinationales, une Europe faible et soumise aux intérêts US.
A cet égard, dans l’immense matraquage propagandiste qui a précédé ces élections, il y avait même quelque chose d’indécent à entendre Cohn-Bendit faire l’éloge des «Etats-Unis d’Europe» ; ou cet autre saltimbanque-Système dont nous avons oublié le nom affirmer dans un clip promotionnel que «l’Europe, c’est les Etats-Unis sans la langue».
Fameux modèle s’il en est.
Une abstention et un vote responsables
Aujourd’hui, le projet européen n’est pas seulement en panne comme le suggère ses indulgents idéologues.
Aujourd’hui, le projet européen est un ratage à peu près complet, et il n’est même pas possible de redresser la barre.
La comptabilité du Parlement européen est en effet limpide en la matière et le succès des partis eurosceptiques ne changera donc strictement rien à l’évolution ces choses, hors du champ de la pure communication bien sûr.
L’Europe des oligarques va donc pouvoir continuer; devenir en effet de plus en plus étasunienne; avec ses hordes toujours plus grandes de crève-la-faim pressurisés par une élite toujours plus restreinte, toujours plus affamée.
Dans quelque temps, la signature du Traité transatlantique, le fameux TAFTA, achèvera sans doute de mettre l’Europe aux fers étasuniens, soumettant ses 500 millions de conso-citoyens à la dictature du corporate power apatride, à celle des trafiquants de dividendes, d’OGM ou de bœuf aux hormones.
Enfin, sur le plan géopolitique, l’Europe sera définitivement confirmée dans son rôle de laquais au service des intérêts des Etats-Unis, et cela au moment même où Washington l’instrumentalise déjà jusqu’au ridicule dans sa «Guerre Froide 2.0» contre la Russie, et bientôt contre la Chine.
Dans ces conditions, s’abstenir ou donner sa voix aux partis eurosceptiques représentaient de fait les seules attitudes responsables possibles.
Une Europe à l’envers
L’Europe en effet va mal. Non pas qu’il s’agisse d’une mauvaise idée, loin s’en faut. Mais l’Europe que nos élites construisent aujourd’hui est une Europe à l’envers.
L’Europe se devait d’être solidaire, elle ne l’est pas.
L’Europe se devait d’être sociale, elle ne l’est pas.
L’Europe se devait d’être forte, elle ne l’est pas.
L’Europe se devait d’être indépendante, elle ne l’est pas.
En singeant le modèle étasunien, en se soumettant à la dictature-Système du néolibéralisme washingtonien, elle a trahi tous les espoirs, toutes les aspirations.
Aujourd’hui, la crise ukrainienne, alors que les putschistes intensifient le massacre de leur population à l’Est, nous fait prendre la mesure du piège que constitue la servitude de l’UE à l’égard des Etats-Unis.
Un piège terrible qui lui impose d’engager les hostilités avec la Russie alors que, a contrario, le salut de l’Europe réside précisément dans cette alliance naturelle qui la porte vers l’Eurasie, «de Brest [ou plutôt d’Algeciras] à Vladivostok», vers l’Euro-BRICs.
Seulement voilà, pour changer de cap, il faudrait à nos élites une vertu dont elles sont parfaitement dépourvues: le courage politique.
Dans quelques jours, les commémorations forcément humides, forcément sirupeuses, forcément hollywoodiennes du Jour-J vont être l’occasion pour la toute la machinerie des merdias-Système de nous revendre la narrative des Etats-Unis sauveurs du monde. Histoire d’enfoncer le clou, de justifier la faute.
Et qu’importe si le nazisme n’a pas été vaincu en Normandie en 1944, mais à El Alamein et, surtout, à Stalingrad et Koursk entre 1942 et1943.
Qu’importe si ces Russes aujourd’hui honnis ont sacrifié 27 millions des leurs pour sauver l’Europe d’elle-même.
La farce européenne doit continuer, toute honte bue.
Reste que l’abstention massive et le vote de rejet du 25 mai témoignent de manière éclatante que l’Europe d’en-bas est désormais prête à combattre cet engrenage, cette « Europe à l’envers », cette « Europe à l’américaine », cette « Europe-Système » que l’on tente de lui imposer.
C’est nouveau, c’est puissant et c’est une source d’espérance.
Source : [entrefilets.com->entrefilets.com]


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