Entretien avec Pierre Conesa

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Les copains à Couillard

Pierre Conesa est un ancien haut fonctionnaire au ministère de la Défense et l’auteur d’un rapport rendu à la mi-décembre sur la lutte contre la radicalisation intitulé « Quelle politique de contre-radicalisation en France ? »


Dans votre rapport, vous affirmez qu’il faut désigner une cible. Laquelle ?


Oui, je pense qu’il est stupide et très dangereux de faire des contorsions de langage : « terrorisme international » étant la phrase la plus stupide, la plus dangereuse étant celle de « terrorisme islamiste ».


La matrice idéologique de la violence est le salafisme, pratique la plus obtuse et la plus intolérante de l’islam.


La désigner est le bon moyen pour que les autres musulmans ne se sentent pas visés, parce que la totalité de la communauté musulmane n’est évidemment pas concernée par ces comportements.


Vous dites que les salafistes seraient des « enfants trahis par la République »… Pourtant, il en existe partout dans le monde qui ne sont pas passés par la France.


Pour comprendre pourquoi le salafisme a pu s’installer en France, oui, je crois qu’il faut revenir sur les ratés de la République : la Marche des beurs dans les années 80 revendiquait les principes républicains : Liberté, Égalité, Fraternité.


La classe politique a instrumentalisé le mouvement en le déviant (demande de carte de séjour de 10 ans alors que les marcheurs étaient français, par exemple), et surtout en créant SOS Racisme sans aucun des leaders de la Marche.


Les enfants des marcheurs ont considéré que ces faux-fuyants étaient la preuve de l’inutilité du débat républicain, et ils se sont réislamisés pour certains.

Aujourd’hui cela risque d’être pareil si la classe politique ne comprend pas.


Nos ministres affirment souvent ce qu’est ou n’est pas l’islam… Est-ce à eux de le faire ?


Nos ministres devraient d’abord examiner les ressorts de la radicalisation : sociaux, politiques et religieux, et surtout diplomatiques.


Des imams républicains souhaiteraient émettre un discours de la contre-radicalisation, mais ils ne veulent pas apparaître comme des auxiliaires du ministère de l’Intérieur, ministère de la police. Or, il faut compter sur ces élites musulmanes pour lutter contre la radicalisation.


Plus de police, plus de militaires, plus de surveillance, des bombardements ici et là dans le monde… Est-ce tout ce que nous devons faire ? 


Il fallait réagir à l’émoi. De plus, la gauche a toujours eu une réticence sur les questions sécuritaires. Valls est le plus cohérent sur ce sujet. 


Maintenant, il faut passer à l’étape suivante qui est plus politique que sectorielle : c’est-à-dire parler politiquement de la cible et de la diplomatie aberrante menée à l’encontre du monde arabe…


Le salafisme a été largement répandu par l’Arabie saoudite dans les années 80, royaume qui est aujourd’hui notre allié… Est-il temps de changer de politique extérieure ?


Plus que temps ! Aller combattre l’État islamique parce qu’il décapite, coupe les mains des voleurs, opprime les femmes et interdit les autres religions pour défendre ensuite l’Arabie saoudite qui a exactement les mêmes pratiques ? Ce n’est pas une politique c’est du mercenariat.


L’Arabie saoudite est le problème  principal !


Propos recueillis par Charlotte d’Ornellas



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