La souveraineté monétaire

Entretien avec François Morin - professeur émérite d'économie à l'Université de Toulouse-1

L'alliance de la Gauche et de la Droite pour le XXIe siècle

F24b444584143cdb74867e9167a9ed87

Tribune libre

HQA: Vous faites dans "la grande saignée" un brillant plaidoyer pour la re-nationalisation de la monnaie. Qu'est-ce qui vous a amené à poser un tel diagnostic?

Bonne question. Je pense que la question monétaire est aujourd'hui une question centrale dans notre économie globalisée. Cette monnaie - s'il fallait résumer les choses - a été en quelque sorte privatisée depuis maintenant presque quatre décennies. Je pense que cette privatisation de la monnaie est à la source de l'instabilité des marchés monétaires et financiers et de la crise systémique qu'on a connue en 2007-2008. Pour moi, la question monétaire est une question tout à fait fondamentale pour essayer à la fois de poser un véritable diagnostic sur la situation actuelle et pour essayer de trouver des solutions.
Pourquoi la monnaie est-elle devenue un bien privé? Pourquoi faut-il s'intéresser à la monnaie? Ceci vient de plusieurs facteurs qui ont commencé dans les années 1970 avec une succession de libéralisations de la sphère financière: libéralisation des taux de change (c'est à dire, le marché des devises), libéralisation des taux d'intérêts ensuite sur les marchés obligataires, libéralisation enfin des marchés de capitaux. Ce qui fait que - avec en plus dans les années '80-'90, l'indépendance des Banques centrales par rapport aux États. Le résultat c'est une monnaie privée. Pourquoi? Parce que sa création est aux mains des Banques centrales indépendantes des États et des banques. La création monétaire est privée. Et d'autre part, la gestion de cette monnaie - à travers ses prix fondamentaux est une gestion privative puisque les taux de change sont formés maintenant sur les marchés et que les taux d'intérêt sont également des prix de marché. Si bien que non seulement la création monétaire est devenue privée, mais aussi la gestion des principaux prix de cette monnaie alors que ce n'était pas du tout le cas dans la période précédente puisque sous ce qu'on appelle les trente glorieuses, c'était les États qui fixaient à la fois les taux de change et les taux d'intérêt et qui - grâce à leur Banque centrale - créaient la monnaie.
Donc on est dans une situation où la question monétaire est devenue centrale à cause de cette privatisation. Et cette privatisation a entraîné ce qu'on peut appeler les crises systémiques qui se sont développées à partir du milieu des années '90. Pourquoi? Parce que parallèlement à cette libéralisation de la sphère financière, il y a eu en même temps création de produits financiers dérivés qui eux se sont avérés extrêmement dangereux et qui ont été très souvent à l'origine des crises qu'on a connues depuis maintenant vingt ans.
Il faut expliquer l'origine de ces produits financiers dérivés parce que finalement ce sont eux qui sont en cause. Quand vous avez des taux de change qui sont libéralisés, c'est-à-dire dont les prix sont formés par les marchés, et des taux d'intérêts qui sont également formés par le marché eh bien l'économie réelle ne s'y retrouve pas, les entreprises ne s'y retrouvent pas. Pourquoi? Parce que les entreprises sont incapables d'anticiper ces taux de change ou ces taux d'intérêts à moyen ou long terme. Avant, pendant les trente glorieuses, les taux d'intérêts comme les taux de change étaient relativement fixes. C'était encadré, soumis à la détermination des pouvoirs publics dans tous les grands pays. Eh bien là, non. Ces prix fluctuent à la milliseconde selon les "lois du marchés"; l'offre et la demande. Et donc, les entreprises sont dans une situation d'incertitude radicale concernant la formation de ces deux prix fondamentaux de la finance! Les produits financiers dérivés qui ont été créés par les plus grandes banques - pas par les compagnies d'assurances, mais par les plus grandes banques - sont des produits destinés à couvrir les risques liés à ces variations de taux de change et de taux d'intérêt.
Ces produits financiers sont apparus dans les années 1980. Avant, il y avait bien sûr de tels produits pour le secteur agricole ou pour certaines matières premières parce qu'il y avait de tout temps des marchés pour ces produits et l'agriculteur avait besoin de connaître à l'avance le prix de sa récolte. Donc pour couvrir les risques liés à des variations de prix possibles, il prenait ce qu'on appelle des contrats à terme - qui sont des produits financiers dérivés - pour être sûr que dans six mois il pourrait vendre à tel prix sa récolte. Mais avec la libéralisation de la sphère financière, il ne s'agit plus des prix des produits agricoles ou des prix des matières premières, il s'agit des taux de changes et des taux d'intérêts. Les principaux produits financiers dérivés dans le monde ont pour objet de couvrir les risques liés à ces variations de taux de change et de taux d'intérêt.
D'un seul coup, ce marché des produits dérivés s'est envolé de façon incroyable à la fin des années '80, durant les années '90 et jusqu'à nos jours. Pour vous donner un ordre de grandeur, au milieu des années '80, le marché des produits financiers dérivés avait un montant assuré de 500 milliards de dollars. En 2012, les montants couverts par les produits dérivés représentait 1620 fois 500 milliards! C'est-à-dire 710 000 milliards de dollars! On a changé complètement d'ordre de grandeur. 710 000 milliards de dollars, c'est dix fois le PIB mondial.
Et qui produit ces produits d'assurances? Qui fabrique ces couvertures de risque? Essentiellement, dans le monde: 14 banques. Essentiellement. Alors qu'il y a 40 000 banques, par ailleurs. Et donc ces banques sont devenues gigantesques, ont un pouvoir énorme soi-disant pour stabiliser le système monétaire et financier grâce à ces produits dérivés. Ils ont en quelque sorte remplacés les États! Les États faisaient ça avant! Et maintenant, ce sont ces banques systémiques qui essaient de stabiliser le système dans son ensemble grâce à ces produits financiers dérivés. Est-ce qu'elles y arrivent? Réponse: non, puisque ces produits financiers dérivés sont en même temps des produits spéculatifs. Non seulement servent-ils de couverture de risque - c'est la face noble de ces produits - mais il y a une face noire qui est que ces produits sont cotés en bourse, peuvent faire l'objet de spéculation et - en raison de cette spéculation - peuvent provoquer des crises. Ils ont provoqué très largement la crise des pays asiatiques en 1996-1997 avec, dans la foulée, la crise russe, la crise du Brésil, la Turquie et finalement l'Argentine. Ensuite, ils ont été à l'origine de la crise Internet, au début des années 2000. Et puis, en 2007-2008, à l'origine de la crise financière.
Donc on voit bien qu'il y a là toute une logique d'un système qui a fait que la monnaie est devenue un bien privé aux mains de ce que j'appelle un oligopole bancaire international, qui est - disons grosso modo - l'ensemble que forment ce qu'on appelle depuis 2012, les banques systémiques. Ce sont des mégabanques qui ont été pointées du doigt dans leur responsabilité par le G20 de Cannes en 2011. Le G20 de Cannes a dressé la liste des 29 banques systémiques, c'est-à-dire qui sont si grandes, si puissantes, que la chute de l'une seule d'entre elles peut entraîner un cataclysme mondial, comme ça a été le cas avec Lehman Brothers le 15 septembre 2008. Donc, vous en aviez 29 en 2012. Ensuite, 28 un an après puisqu'on a sorti de cette liste la franco-belge Dexia. Et puis aujourd'hui, nous en avons 30 car il a fallu rajouter les banques chinoises. Donc au total vous avez essentiellement des banques américaines, des banques européennes, trois japonaises et quatre chinoises. Voilà cet oligopole.
Alors, qu'est-ce que c'est un oligopole? Un oligopole, chez les économistes, c'est une structure de marché caractérisée par le fait qu'il y a un certain nombre de très grands acteurs à côté d'une multitude de petits acteurs et ces grands acteurs sont si puissants qu'ils sont en capacité de dominer le marché et participent à la formation des prix en s'observant mutuellement. Mais, plus grave, le risque c'est que ces grands acteurs s'entendent entre eux. Or, malheureusement, c'est ce qu'on a observé dans le secteur bancaire international à partir de 2005. On s'est aperçu que les plus grandes banques - qu'on a appelées systémiques - s'entendaient entre elles pour manipuler précisément les deux taux fondamentaux de la finance internationale: les taux de change et les taux d'intérêts.
Cet oligopole est né suite à la triple libéralisation de la sphère financière - taux de change, taux d'intérêts et mouvement des capitaux, à partir de 1995. D'un seul coup, l'espace mondial est devenu global pour les échanges concernant la monnaie et les produits financiers. Et les banques ont dû ajuster leur dimension à ce nouvel espace qui s'offrait à elles. Ce faisant, elles se sont restructurées, fusionnées et elles sont devenues des mégabanques à la fin des années '90 et au début des années 2000. On peut dire que l'oligopole bancaire mondial s'est formé de façon définitive à partir de 2005. Pourquoi 2005? Précisément parce qu'à partir de 2005, on s'est aperçu que les grandes banques se sont régulièrement entendues entre elles sur plusieurs grands marchés de la finance: marché des changes, le libor, le tibor.. enfin, les marchés monétaires, et certains marchés de produits dérivés. Finalement, on peut dire que c'est un oligopole de banques privées qui aujourd'hui est le souverain monétaire à l'échelle internationale car il est - avec d'autres banques - maître de la création monétaire et - surtout - il domine la formation des principaux prix de cette finance.
HQA: Vous dites que cette transmission de la souveraineté monétaire depuis les États jusqu'aux banques explique la situation inquiétante des dettes souveraines. De quelle manière? Est-ce simplement parce que le recours aux marchés financiers (l'endettement) est devenu le point de passage obligé pour la conduite des finances d'État?
Oui. Il y a deux facteurs.
Il y a le fait qu'on a rendu les Banques centrales indépendantes à partir des années '80 sous l'influence de la pensée néolibérale. Les États n'ont plus été en capacité de faire fonctionner leur planche à billets grâce à la Banque centrale qui pouvait dépendre d'eux. Ça, ça a été terminé du moment où on rend les Banques centrales indépendantes et donc on a vu tout doucement les dettes publiques augmenter. Pourquoi? Parce que les États sont obligés de se financer sur les marchés financiers pour financer leurs déficits budgétaires. Et la plupart des États font des déficits; ils le faisaient avant, ils l'ont fait après. Et donc, il y a eu un début d'endettement dans les années '80 à peu près partout dans le monde à cause des Banques centrales qu'on a rendues dans ces années là indépendantes des États.
Et puis - deuxième facteur - la crise de 2006-2007 qui crée une rupture dans les taux d'endettements des principaux pays. D'un seul coup, on s'aperçoit que le rapport dette publique sur PIB décroche complètement. Il y a une coupure, une fracture. Et pourquoi y a t'il eu cette fracture? Tout d'abord parce que les États ont dû recapitaliser massivement les banques - notamment systémiques - qui étaient en grande difficulté à cause de la crise. Il a fallu donc les aider, les recapitaliser, leur donner des garanties d'État; selon les pays, les nationaliser, les restructures. Et puis surtout, il a fallu que les États financent la relance de l'activité économique. Parce que la plupart des pays - même les plus développés - sont entrés en récession en 2008. Et donc il y a eu des injections massives de liquidité venant directement des finances publiques. Donc, d'un seul coup, les États se sont trouvés surendettés à cause de la crise financière provoquée par les plus grandes banques systémiques.
Aujourd'hui, on se retrouve avec ce surendettement et les courbes se prononcent. C'est à dire, année après année - même en ce moment - le taux d'endettement des États s'aggrave. Le rapport dette publique sur PIB dans la plupart des pays - sauf en Allemagne où cela s'est légèrement stabilisé. Partout ailleurs, le rapport dette publique sur PIB augmente, ce qui fait dire à beaucoup d'économistes et de responsables politiques qu'on a affaire à une bulle des dettes publiques à l'échelle mondiale. On appelle ça la "bulle obligataire" parce que les dettes publiques sont essentiellement formées d'obligations financières. Ce sont des titres qui supportent la dette. Donc voilà. On est en phase d'une bulle obligataire qui gonfle, qui gonfle, qui gonfle et je pense que toutes les conditions sont réunies aujourd'hui pour que cette bulle éclate. Quand est-ce qu'elle éclatera, c'est difficile à dire. Mais les conditions en sont réunies. Est-ce que ça sera demain, dans six mois, dans un an? C'est impossible à dire, bien sûr. Mais on est dans une situation extrêmement dangereuse et la possibilité qu'on ait un nouveau cataclysme financier est aujourd'hui hautement probable.
HQA: À vous entendre parler, ce régime de privatisation de la monnaie a eu comme aboutissement inévitable les régimes d'austérité que l'on connaît. Cependant, peut-être la re-nationalisation de la monnaie suscite-t-elle des préoccupations auprès de la population générale parce qu'on a tendance à faire équivaloir l'impression monétaire - le financement monétaire des dettes souveraines - à l'inflation. Est-ce que ce sont là des préoccupations valides?
Effectivement. Je crois qu'un des arguments de ceux qui ont promu la lutte contre l'inflation - et en grande partie la pensée néolibérale - c'était de dire que l'inflation favorise ce qu'on peut appeler "l'économie d'endettement" par opposition à la situation que nous connaissons aujourd'hui qui est une économie de créanciers. D'autres diraient une "économie de rentiers".
L'économie d'endettement, c'est une économie qu'on a connu pendant les trente glorieuses où il y avait de l'inflation. Dans les années 1970, l'inflation a même été assez importante. Mais il faut bien comprendre qu'une telle économie favorise l'investissement, parce que pour investir, il faut s'endetter. Donc l'économie réelle s'y retrouve, quand il y a de l'inflation car les dettes sont rongées progressivement par cette inflation. Par contre, dans l'économie de créanciers dans laquelle nous sommes, ce sont ceux qui ont de l'argent qui sont protégés de l'inflation et qui peuvent donc faire des profits et de la rente. Ce n'est pas forcément des économies extraordinairement dynamiques puisque c'est plutôt l'épargne [note de HQA: et donc la spéculation] qui est favorisée que l'investissement. On peut opposer d'un point de vue schématique ces deux types d'économie. C'est vrai que pendant les trente glorieuses on a eu plutôt une économie d'endettement - qui favorise les entrepreneurs et les investissement - et aujourd'hui plutôt une économie de créanciers.
Donc, qu'est-ce qu'on peut souhaiter? Moi, je pense qu'il vaut mieux quand même souhaiter une économie où les gens peuvent entreprendre. Il faut évidemment limiter l'inflation parce qu'évidemment ceux qui détiennent un peu de liquidité voient leur épargne être rongée par l'inflation. Et puis les salaires sont toujours un peu en retard par rapport à une inflation qui - elle - galope, en quelque sorte. Donc, les salariés peuvent être aussi handicapés par une économie où l'inflation serait importante. Mais, au total, je crois qu'il faut préférer l'économie d'endettement à une économie de créanciers. Pourquoi? Parce que ça favorise l'investissement. Mais il faut éviter évidemment que l'inflation soit trop forte. C'est la limite qu'il me faudrait poser.
Évidemment, cette approche est combattue par ceux qui défendent le fonctionnement des marchés financiers parce que quand on a une inflation forte y'a plus de marchés financiers. Les marchés financiers n'existent plus. Pourquoi? Parce que vous avez - mettons - un taux d'inflation de 15% - ce qui est arrivé dans les années '70 - et des taux d'intérêts mettons à huit pourcent. Évidement, celui qui apporte son épargne sur les marchés financiers, il va toucher huit pourcent. Mais son capital va être rogné à hauteur de 15%. Ce qui fait que le taux d'intérêt réel est négatif. Il est de moins huit pourcent, si vous voulez. Donc il perd de l'argent. On voit bien que quand il y a beaucoup d'inflation, ceux qui en épargnent perdent de l'argent en raison des taux d'intérêt négatifs. C'est pour ça que toute la tradition néolibérale dit qu'il faut combattre l'inflation, qu'il faut des Banques centrales indépendantes des États parce que les États sont trop dispendieux, ils font pas attention, ils font fonctionner la planche à billets... Et donc, comme ca on aura des marchés financiers qui vont pouvoir "discipliner" les États puisqu'ils seront notés. Et la note c'est quoi? C'est le taux d'intérêt sur les dettes.
Plus un État prend des risques, moins il se comporte "bien", plus il fait du déficit, plus il sera amené à payer des taux d'intérêt élevés. Ça a été le cas par exemple pour la Grèce en 2012 où les taux d'intérêts sont montés à 36%. Par contre, si un État est vertueux, s'il ne fait pas trop de déficit public, ou s'il n'en fait pas du tout, les marchés financiers notent évidemment cet État de façon positive et - par exemple - l'Allemagne a des taux d'intérêts en ce moment qui sont entre zéro et un pourcent. C'est complètement différent de la Grèce.
Donc le taux d'intérêt sur le marché secondaire de la dette souveraine est un indicateur des "risques pays" en quelque sorte. On dit très souvent que lorsque sur ce marché le taux d'intérêt dépasse sept pourcent, on entre pour un État dans des zones extrêmement dangereuses où il ne peut plus se financer sur les marchés financiers. C'est la raison pour laquelle des pays comme la Grèce, l'Irlande ou le Portugal ont à partir de 2011-2012 été jetés en dehors des marchés financiers en quelque sorte. Et donc le relais a été pris par le FMI et la Commission européenne pour financer les déficits. Ben oui! Il fallait bien que ces États là trouvent des ressources financières puisqu'ils connaissaient des déficits comme, du reste, la quasi totalité des pays européens à l'époque. Mais les taux d'intérêts auxquels ils pouvaient accéder sur les marchés financiers étaient prohibitifs. C'est une chose un peu compliquée à comprendre que plus un taux d'intérêt est élevé, plus ça représente un risque. Parce que si sur le marché secondaire les taux d'intérêts sont très élevés, ça veut dire qu'il y a une défiance par rapport à ce pays. Alors, on peut l'exprimer de différentes façons. Est-ce que vous voulez que je fasse un peu de technique?
HQA: Si on se lance dans la technique j'aimerais que vous preniez aussi cette considération-ci. Vous parliez tout à l'heure des outils hautement spéculatifs - des produits dérivés. Ces produits sont évidemment des assurances contre les variations de taux d'intérêt. Est-ce que l'émission de ces outils - considérant qu'il peuvent être acquis sans obligation de la part de l'acheteur de posséder le sous-jacent dont il est l'assurance - est-ce que ça, ça va porter une influence sur le taux d'intérêt que les marchés financiers vont demander aux États?
Absolument. Parce que souvent, on s'aperçoit que sur ces marchés de produits dérivés le volume des transactions est souvent considérable et même parfois plus important que les marchés de sous-jacent. Je vais prendre un exemple. Je vais prendre un produit dérivé très particulier: les CDS - les credit default swaps - qui sont des produits d'assurance très particuliers puisqu'ils vous permettent de vous assurer contre le risque d'une dette qui fasse défaut. Si un émetteur fait faillite - un État, une banque ou une entreprise - si cet État, cette banque ou cette entreprise a émis des obligations, eh bien vous qui avez acheté ces obligations vous avez peut-être envie de vous protéger contre la faillite de cet État, de cette banque ou de cette entreprise. Et pour vous assurer, pour être couvert du risque de faillite, vous allez acheter ces produits financiers particuliers qu'on appelle des CDS, des credit default swaps.
Or, ces produits financiers sont cotés en bourse. Il y a une demande, une offre et on s'aperçoit que ces assurances coûtent d'autant plus cher - c'est à dire que les primes qu'il faudra payer sont d'autant plus élevées - que le "risque pays", ou le risque de l'entreprise ou le risque de la banque apparaît important. C'est normal. Ça, c'est aisément compréhensible. Simplement, comme ce sont souvent des marchés extrêmement volumineux, comme vous l'avez dit on peut très bien acheter ces produits sans avoir de sous-jacent c'est à dire, en l'espèce, sans avoir de titre de dette correspondant. Ceux qui achètent ces titres font monter le risque (l'indicateur de risque). Et comme ce sont des marchés volumineux, et que si à un moment il y a une instabilité concernant le pays en question, eh bien la montée de la valeur de ces produits d'assurance va se répercuter sur le marché des taux d'intérêts du pays en question, sur la dette du pays en question. Parce qu'on va se dire "Tiens! Le CDS sur la dette grecque ou sur la dette italienne est en train de monter. Ça veut dire qu'il y a un risque qui s'accroît". Et donc du coup, il va y avoir une répercussion sur le marché du sous-jacent qui est le taux d'intérêt sur la dette grecque ou la dette italienne alors que ce marché des CDS, c'est un marché complètement libre.
Vous pouvez très bien avoir de la dette grecque ou de la dette italienne dans votre portefeuille et vous voulez vous prémunir contre le risque de défaut de la Grèce ou de lItalie. Mais aussi, vous pouvez très bien acheter ces CDS pour spéculer. Et à ce moment là, si vous pensez par exemple que l'Italie peut risquer de sortir de la zone euro avec un risque de défaut sur sa dette, un non-paiement des intérêts, à ce moment là vous allez acheter beaucoup de CDS sur la dette italienne, vous allez contribuer à faire monter la valeur du CDS sur la dette italienne et du coup les gens vont se dire "Ah! Y'a un risque!" Les marchés vont se rendre compte qu'il y a un risque potentiel et donc les taux d'intérêt sur le marché secondaire de la dette italienne - là où se forment vraiment les taux d'intérêts - eh bien là, il va y avoir une montée des taux d'intérêts. Et à ce moment là, ça peut en effet provoquer la crise.
HQA: C'est extrêmement intéressant ce que vous dites. Surtout dans le contexte où les CDS sont le fait d'une poignée de banques à l'échelle mondiale. C'est le fait et la prérogative de ce que vous identifiez comme l'oligopole bancaire: 14 banques. Alors finalement une poignée de banques systémiques sont en mesure de porter un certain poids - donner une certaine direction - aux conditions de refinancement des États, et donc à leur marge de manœuvre financière?
Absolument.
Et c'est même des menaces réelles.
Il faut bien comprendre que les États sont pris en otage par cet oligopole, si je puis me permettre cette expression. Et ils le sont surtout depuis la crise financière. Pourquoi? Parce que comme il y a eu la chute de Lehman Brothers le 15 septembre 2008, qui a provoqué un cataclysme mondial sur le plan économique, les grandes banques aujourd'hui sont en capacité de dire aux États "Est-ce que vous voulez avoir un nouveau Lehman Brothers? Si vous me régulez trop vous allez me serrer le kiki, je vais faire des pertes et à ce moment là, c'est la faillite". Donc, s'agissant des régulations qui peuvent être imaginées par les différents États, s'agissant des projets de loi qui pourraient limiter leur activité, qui pourraient casser ces banques en deux, par exemple avec des lois de séparation comme Glass-Steagall... toutes ces grandes banques ont des arguments pour dire "N'allez pas trop loin! Nous sommes intouchables!". C'est moi qui traduit leur comportement. "Nous sommes devenues intouchables donc laissez nous tranquilles". Et effectivement, elles sont devenues les maîtres de l'univers, d'une certaine façon, à cause de ce caractère à la fois de mégabanque susceptible de créer un cataclysme mondial dès lors qu'une seule fasse défaut. Chacune de ces 30 banques actuelles qui sont systémiques peut créer ce cataclysme.
Donc on voit bien que les États sont pris en otage. Et ils sont pris en otage de façon effroyable parce que non seulement ces banques sont très importantes, intouchables, mais elles ont créé la crise financière qui elle-même a créé le surendettement des États, surendettement qui provoque aujourd'hui les politiques budgétaires que nous connaissons. Puisque chez nos responsables politiques la seule façon qu'ils conçoivent de résoudre les déficits publics, c'est évidemment de diminuer les dépenses ou d'augmenter les impôts. Mais on préfère diminuer les dépenses dans l'esprit néolibéral. Ce qui fait que les marges de manoeuvre sont évidemment réduite à pratiquement rien.
Or concernant les dettes publiques et les déficits, il faut dire qu'il y a deux lectures complètement opposées qu'on peut avoir. Une première lecture, celle qu'on entend communément et qui est la suivante : "Ah ben oui; depuis trois ou quatre décennies, l'endettement public a continué de monter, les États sont non-vigilants, font n'importe quel type de dépenses et au bout du compte on se retrouve avec un endettement qui est insoutenable. Donc maintenant, serrons les boulons!: politiques de rigueur!". Ça c'est le discours commun qu'on entend. Et l'autre version, c'est de dire "Oui, mais enfin. Les États ont pris la responsabilité de se défaire de leurs Banques centrales. Donc elles n'ont plus la maîtrise de la création monétaire effectivement. Donc, y'a de la dette. Et ça, c'est la responsabilité politique des États".
Mais deuxièmement, quand on regarde l'évolution de l'endettement, on s'aperçoit que cet endettement a subi un choc en 2007-2008 et qu'à partir de 2008, le surendettement est né. Et donc si on veut combattre non pas la dette publique mais le surendettement, il faut combattre les causes de la crise financière. Les causes de la crise financière se retrouvent évidemment du côté des grandes banques systémiques dont il faudrait changer évidemment la gestion. Il faudrait d'abord casser cet oligopole et ensuite évidemment que les États retrouvent leur souveraineté monétaire. Voilà comment on peut interpréter le manque de marge de manœuvre financière des États aujourd'hui. Il ne faut pas se laisser enfumer par un discours qui consiste à mettre le dos sur la gabegie des finances publiques qui aurait eu lieu depuis trois ou quatre décennies. Non. On est dans une situation qui a été très largement provoquée par les plus grandes banques.
HQA: Vous amenez des solutions très simples, tout de même dans vos derniers livres, dont la re-nationalisation de la monnaie. Vous parlez aussi de contenir le risque de l'effondrement pour cause de spéculation des grandes banques systémiques en procédant à la séparation patrimoniale: les activités de prêt d'un côté et les activités non-assurées de marché - finalement les politiques de Roosevelt. Pourquoi est-ce que ça ne se fait pas?
Parce que les plus grandes banques ont ces deux types d'activités chez elles et le fait qu'elles soient à la fois - pour la plupart d'entre elles - banque de dépôt & crédit d'un côté tout en ayant des activités financières, qui se développent du reste de plus en plus, leur permet d'avoir une crédibilité supplémentaire grâce aux dépôts. C'est une question de crédibilité. Ces dépôts ne servent pas directement aux activités financières mais ils servent en quelque sorte comme garantie. Et ça leur permet d'avoir une crédibilité supplémentaire sur les marchés financiers. Les conditions plus favorables pour leur activité, je crois que c'est surtout cela qui est en jeu.
Si on séparait complètement les deux activités de façon patrimoniale, avec une scission, à partir de un, faire deux, comme Roosevelt l'avait fait, eh bien la partie activité financière serait fragilisée du fait qu'il n'y aurait pas en quelque sorte cette garantie des dépôts quelque part qui est implicite dans l'esprit des opérateurs sur les marchés financiers. Voilà. Donc c'est pour ça que les banques dites universelles, celles qui ont ces deux types d'activités, ne souhaitent absolument pas qu'on sépare leurs activités. Puis séparer leurs activités, ça s'est produit dans certaines législations, mais ça ne touche que d'une façon très très marginale une partie de leur activité financière. Ce qu'elles veulent conserver absolument et à tout prix, est ce qu'on appelle l'activité de tenue de marché. C'est à dire l'activité de trader sur les marchés financiers soit pour leur propre compte ou le compte de tiers qui leur permet à propos de n'importe quel titre financier (actions, obligations, produits dérivés) qui leur permet à la fois d'offrir des prix d'offre et des prix de demande et de jouer sur la différence entre les deux. Ce sont très précisément des activités de trading. Or, aujourd'hui, ces plus grandes banques systémiques font l'essentiel de leurs profits sur ce type d'activités, plus que sur les activités de crédit traditionnel aux ménages et aux entreprises.
HQA: Leur rôle de financement de l'économie - qui est le rôle fondamental de l'industrie bancaire - n'est-il devenu qu'une fonction marginale?
Une fonction secondaire, disons. Peut-être pas marginale, mais c'est une sorte de boulet que traînent ces grandes banques dans leur esprit parce que évidemment quand vous pouvez faire des opérations à la milliseconde et gagner beaucoup d'argent en faisant ces paris sur les marchés financiers c'est apparemment plus facile que de faire des crédits aux ménages ou aux entreprises puisque quand il faut monter un dossier c'est généralement plusieurs semaines - voire plusieurs mois - et c'est là aussi prendre des risques, et c'est forcément des opérations plus lourdes et qui en plus s'inscrivent dans leur bilan. Tandis que les opérations financières sur les marchés - notamment de tenue de marché - se déroulent dans des conditions complètement différentes puisque là, comme vous savez, dans une milliseconde la banque peut faire une centaine d'opérations . Dans une milliseconde. On voit bien la différence qu'il y a entre l'opération de crédit et une opération sur les marchés financiers. Et donc, la tentation est évidemment très grande pour les banques de développer plutôt ce type d'activités que les autres.
HQA: Est-ce que vous croyez que l'euro représente une limite à la souveraineté des États d'Europe? Et, si oui, de quelle manière?
Oui. Je pense que l'euro est une monnaie unique qui permet de faire une politique monétaire à l'échelle européenne mais qui n'est pas du tout coordonnée avec les politiques budgétaires. Il n'y a pas d'harmonisation fiscale, pas d'harmonisation sociale, ce qui fait que chaque pays se trouve confronté à une monnaie dont ils subissent la valeur à laquelle ils ne peuvent absolument pas toucher. Et donc les politiques budgétaires se trouvent évidemment très corsetées, très contraintes dans ce cadre là parce que ces politiques sont sous l'œil des marchés qui évaluent en permanence la crédibilité des politiques budgétaires. Et comme les dettes publiques ne font qu'augmenter, on regarde si les États font suffisamment ce qu'on appelle des réformes structurelles, c'est à dire des réformes qui permettent de tendre vers un hypothétique équilibre des finances publiques en compressant essentiellement les coûts du travail. Pour l'essentiel, c'est cela. Évidemment, cela crée des situations de plus en plus difficiles dans le monde de l'entreprise quant à l'organisation du travail. Au marché du travail, toutes les formes de précarité que l'on rencontre se trouvent directement liées à se type de politiques budgétaires contraintes.
HQA: C'est essentiellement la mise en place dans le monde occidental des programmes d'ajustements structurels.
Oui. Ça revient à une forme équivalente. Simplement, cette fois-ci dans les pays les plus développés. Alors qu'autrefois, dans les années '80 - même un peu avant - le FMI pratiquait ce type de pratiques d'ajustement dès qu'un pays avait des problèmes de balance extérieure, on voit que maintenant nous sommes entrés dans une ère, en effet, où on dit "Il faut des réformes structurelles, des ajustements structurels". À chaque fois, il faut évidemment traduire cette notion par la baisse de ce qu'on appelle le coût du travail. Il y a beaucoup de discussions à avoir sur cette notion de coût du travail mais c'est bien de cela dont il est question. Évidemment, le résultat de tout ceci, c'est que ça maintient quand même très largement la rentabilité des fonds propres au profit de la valeur actionnariale. Tout ça, ça va dans le même sens.
On sait très bien que les économies occidentales et japonaise se sont financiarisées à la fin des années '80 et au début des années '90 à cause de changements structurels dans la fiscalité relative aux fonds de pensions. Pour les pays qui pratiquent fortement les retraites par capitalisation, il y a eu des changements de nature de ces régimes qui ont fait que les grands gestionnaires de ces fonds de pension ont été contraints de rechercher des rentabilités financière les plus élevées possibles sur les marchés et même à imposer des normes de rentabilité. Donc, on voit bien que là - à côté de l'oligopole bancaire et à côté de cette globalisation des marchés monétaires et financiers - il y a aussi cet aspect de la financiarisation lié aux grands investisseurs institutionnels qui a bouleversé le monde des entreprises. Ces deux mouvements se sont conjugués un peu décalés dans le temps. Il y a eu d'abord la financiarisation et ensuite la globalisation mais aujourd'hui ces deux mouvements se conjuguent en quelque sorte et tout ceci pèse évidemment lourdement sur le monde du travail au profit de la valeur actuariale.
HQA: Notre intérêt premier se tourne vers le Québec. Il apparaît que lorsque le Québec se séparera du Canada, il devra avoir une monnaie souveraine. Est-ce que c'est quelque chose que vous envisagez comme étant nécessaire?
Oui. Le problème se pose évidemment pour le Québec si un jour cette opportunité politique se présentait. Mais ça se pose aussi pour l'Europe si l'euro devait disparaître. Ça se pose dans beaucoup de pays. Il y a beaucoup de situations analogues sur le plan général.
Je crois que la clé de tout cela c'est d'imaginer une architecture du système monétaire à trois étages parce qu'on est dans un monde qui est globalisé. On le voit bien sur les problèmes environnementaux, déjà. Mais on le voit aussi sur le plan économique.
Donc, trois étages. Probablement une monnaie commune à l'échelle internationale mais qui ne soit pas unique; des monnaies nationales - les banques rentreraient dans le giron des États; et des monnaies locales qui - comme vous le savez sans doute - se développent énormément aujourd'hui un peu partout dans le monde.

Selon les estimations, il y aurait entre 3000 et 5000 monnaies locales, qui sont des facteurs de développement importants. On sait aussi que si ces monnaies sont crédibles, elles peuvent très bien cohabiter sur le même territoire. Mais la condition, c'est à dire qu'on puisse croire en elles, qu'on ait confiance en elles, suppose des pratiques démocratiques très élevées . Les monnaies locales, pour acquérir une crédibilité certaine ne peuvent être émises que par des associations ou des collectivités d'origine publique; des associations de citoyens suffisamment larges et dont la crédibilité est avérée. À ce moment là on peut créer des monnaies locales qui aient une assise avec des projets de développement sur tel ou tel segment de filière de production - voire des objets plus larges. Ça existe. Il y a des expériences. On les connaît. On peut les développer.
Donc, des monnaies locales qui peuvent cohabiter - puisqu'on les appelle souvent complémentaires - avec des monnaies nationales qui seraient donc, elles, gérées directement par les États avec des contrôles démocratiques. Nous pouvons en parler. C'est aussi tout un sujet. Mais évidemment, la crédibilité d'une monnaie, c'est important si on veut pas avoir trop d'inflation, c'est à dire si on ne veut pas qu'on ait de l'inflation à l'allemande pendant les années Weimar - les années '20 où pour acheter une baguette il fallait une brouette de billets tellement il y avait d'inflation. Donc il faut qu'il y ait un contrôle parlementaire sur la politique d'émission de la monnaie de la Banque centrale. Ça semble tout à fait clair. Donc là, on voit très bien le lien qui peut y avoir aussi entre création monétaire et démocratie.
Et puis, à l'échelle internationale, si on a une monnaie commune, si on veut vraiment stabiliser avec un institut d'émission tel que Keynes l'avait envisagé dès 1942, il faudrait qu'à ce niveau là - pas simplement pour des questions monétaires mais aussi pour des questions environnementales qui concernent notre planète - on ait des instances qui soient crédibles, dans lesquelles les citoyens peuvent avoir confiance. Et là vous voyez bien qu'on est dans une utopie extraordinaire, mais il faudrait aller vers cette utopie qu'on pourrait espérer un jour réaliste.
HQA: La proposition de Keynes était très intéressante dans sa mécanique parce que comme vous dites, c'était idéal. Mais c'est un idéal qui ne prenait peut-être pas en considération les volontés de puissance des acteurs étatiques. Croyez-vous que si on n'arrive pas à se rendre à cette échelle là d'une monnaie mondiale commune, ce soit tout de même possible d'avoir un système de taux de change fixe par voie de négociation diplomatique d'État à État?
Oui. À ce moment là, on retourne vraiment au système de Bretton Woods tel qu'il existait à partir de 1944. On était dans ce système là. Moi, il me semble qu'aujourd'hui il faut en plus une forme de coordination entre les États. Ou alors on accepte qu'il y ait une monnaie dominante, comme le dollar. Bon. C'est au choix. Le système de Bretton Woods a reposé sur le dollar et la puissance hégémonique américaine concernant non seulement le dollar mais aussi la puissance économique ou impérialiste que pouvait représenter ce pays pendant toutes ces années. Donc ou bien on a une puissance hégémonique qui permet la gestion de ce système de parité fixe ou bien il y a une forme de coordination plus large à l'échelle internationale qui permet cette gestion. Mais je ne vois pas très bien comment on peut éviter l'un ou l'autre.


Laissez un commentaire



3 commentaires

  • Jean Lespérance Répondre

    23 novembre 2016

    La critique est facile mais l'art est difficile, alors allons-y pour l'art. Les solutions que je propose sont les suivantes. Un: étant impossible de payer ces dettes même dans 100 ans, il faut les éliminer en les créditant et en repartant sur de nouvelles bases. Créditer: effacer en permettant de recommencer avec un avantage à celui qui a prêté. Je lui dois 100 millions, il met 100 millions sur le marché et la dette est effacée. Et tout le monde fait pareil. Deux: une monnaie nationale et une monnaie internationale dont la valeur doit être fixe. La valeur de la monnaie internationale peut ou doit être le yuan associé à un composé de 3 monnaies les plus fortes pour faciliter l'échange des transactions. Il ne doit y avoir qu'une seule banque par pays, la banque de l'État. Une seule qui prête et qui crée de l'argent. On ne prête pas sans fonds. Surveiller les fonds en obligeant les pays à rendre des comptes régulièrement. Comment déterminer la valeur de la monnaie interne? Selon la population, plus la population est nombreuse, plus la monnaie interne doit être basse pour permettre d'en donner à tous et à chacun. Pas trop basse non plus, pour que les dirigeants empochent tout et ne répartissent que des miettes comme à Haiti et à Madagascar. La valeur de la monnaie doit être déterminée en fonction du seuil de la pauvreté des pays normaux et du PIB des pays défavorisés. Personne ne peut gagner plus que le chef du pays. Plus le salaire (revenu) du chef sera bas, plus il sera facile de redistribuer.
    Je pourrais rajouter une foule d'autres détails mais si je commence , on va me poser 1000 et une questions pièges auxquelles je ne pourrai pas répondre, parce que lorsqu'on brasse la cage, ça ne fait pas l'affaire de tout le monde et alors on va se venger avec l'aide des médias. Il faut fonctionner selon des principes et ne pas en dévier. Les modalités ne peuvent pas être les mêmes partout parce que les besoins ne sont pas les mêmes.
    Je vous conseille de prendre une journée de réflexion pour voir où je veux en arriver. Je vous fais remarquer que je suis la seule personne qui propose un nouveau système monétaire et bancaire et qui est capable de le décrire dans ses grandes lignes. Aucun professeur d'économie renommé n'oserait m'appuyer sans mettre sa vie en danger.
    Le professeur François Morin mérite son titre de Professeur Émérite. Il a fait preuve de la plus grande franchise possible dans l'explication de l'économie présente et du système bancaire actuel. Il a utilisé un langage simple et je me dis que les élèves qui l'ont eu ou l'ont encore comme professeur sont des chanceux, des privilégiés.

  • Jean Lespérance Répondre

    22 novembre 2016

    J'en ai perdu plus d'un en tentant d'expliquer le dixième de ce qui est écrit. Bravo pour les détails et la manière d'expliquer les CDS, credit default swaps. Le professeur explique très bien mais il ne voit pas la fourberie au moment où elle est créée. Il n'est pas bête, il constate bien les effets mais on dirait qu'il n'en décèle pas la source au départ. Exemple: dès la signature des Accords de Bâle en 78 on perdait le contrôle sur tout, non en 95 comme il pense. ce n'est pas parce qu'on en constate les effets en 95, que ça n'a pas commencé avant.
    À quoi sert la mondialisation bancaire ou la création de la Banque Centrale Européenne? À rejeter la responsabilité sur le dos de la population du monde entier, l'incapacité des grandes banques à assumer les dettes qu'elles ont elles-mêmes créées. En somme, on mondialise les dettes.
    C'est l'application du principe de la socialisation des pertes et de la privatisation des gains mais à l'échelle mondiale.
    Il faut en revenir aux principes de Keynes tout en trouvant une méthode de "juguler" l'inflation qui est en soi un gain. Juguler est un mot mensonger et hypocrite. Limiter pour les besoins essentiels est un mot plus juste et redistribuer pour les besoins secondaires.
    L'inflation personnelle qui est la richesse doit être limitée avec une loi du revenu maximum sans pour autant empêcher l'individu de dépasser le revenu maximum. On le laisse s'enrichir pour lui donner le privilège, l'obligation de redistribuer à qui il juge bon. Plus le revenu maximum sera bas, plus il y aura de redistribution.
    Ce professeur explique dans un langage édulcoré ce qui s'appelle de la fraude, du vol. Moi, je dénonce. La fraude étant d'établir des principes dans l'énoncé principal et de permettre des activités allant à l'encontre des principes énoncés. Deux: il y a aussi de la fraude dans la manière de comptabiliser. En faisant passer pour des fonds propres, des fonds qui ne le sont pas. Une hypothèque n'est pas un fonds propre, seuls les intérêts sur les hypothèques le sont. Les banques comptabilisent l'entièreté d'une hypothèque comme un fonds propre pour se justifier de prêter encore plus. Les prêts aux compagnies n'étant pas des fonds propres, on laisse ça aux dragons et au gouvernement.
    Évidemment, je partage ses inquiétudes justifiées. Le système est voué à sa perte.

  • Gaston Carmichael Répondre

    22 novembre 2016

    Ouf! C'est du stock ça.
    Si je comprend bien, c'est que les oligopoles bancaires sont maintenant tellement puissants, que le système est totalement irréformable.
    Il faudra donc attendre qu'il s'effondre, ce qui apparemment serait inévitable, pour qu'on puisse repenser un nouveau système, et repartir sur une nouvelle base.
    Là, est sans doute la dernière chance de faire du Québec un pays indépendant. Il faut donc se préparer, et se positionner, pour être en mesure de capitaliser lorsque lorsque le grand crash se produira.
    Cela veut dire que ce n'est peut-être pas une bonne idée de faire la promotion de la mondialisation.