Double attentat suicide devant l’ambassade américaine à Tunis

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La Tunisie sous la pression djihadiste


Un policier a été tué et cinq autres blessés, ainsi qu’un civil, dans un double attentat-suicide qui a frappé vendredi des forces de l’ordre protégeant l’ambassade des États-Unis à Tunis, la première attaque dans la capitale depuis huit mois.


En juin 2019, un double attentat-suicide à Tunis revendiqué par l’organisation État islamique (EI) avait mis en évidence la résilience des groupes extrémistes dans le pays, bien que la situation sécuritaire se soit nettement améliorée.


En fin de matinée vendredi, une forte explosion a secoué le quartier des Berges du Lac, à une dizaine de kilomètres du centre-ville, où se trouve l’ambassade américaine, protégée en permanence par d’importants barrages de sécurité.


« Notre siège de travail est à 300 mètres de là mais l’explosion était tellement forte que les vitres de notre bâtiment ont tremblé », a expliqué à l’AFP Haykel Boukraa, 49 ans. « C’était la panique totale. Des collègues ont même eu une crise d’angoisse […]. On ne savait pas si on devait sortir ou rester au bureau », raconte-t-il, sous le coup de l’émotion.


La police scientifique a rapidement été dépêchée sur les lieux, survolés par un hélicoptère, alors que des policiers sous le choc ont bouclé le périmètre, ont constaté des journalistes de l’AFP. « C’est dur de devoir continuer à travailler alors que tu viens de voir tes collègues blessés », a réagi un policier sur place.


Engin artisanal


Les deux assaillants arrivés en deux-roues ont enclenché leur charge explosive à l’approche des policiers en faction devant l’ambassade, selon des policiers sur les lieux.


Une camionnette de police était très endommagée et les débris soufflés à 200 mètres à la ronde témoignaient de la violence de la déflagration.


Un lieutenant de 52 ans, père de trois enfants, est décédé de ses blessures. Cinq autres policiers ont été touchés ainsi qu’une femme, légèrement atteinte, a indiqué à la presse le ministre de l’Intérieur Hichem Mechichi. Les blessés sont dans un état stable, a-t-il précisé.


« Il s’agissait d’un engin explosif artisanal et nous sommes à la recherche de ceux qui ont participé à sa fabrication », a ajouté le ministre tunisien.


Plusieurs médias ont fait état de descentes de police dans deux quartiers populaires du nord de Tunis.


Le parquet antiterroriste a ouvert une enquête, a indiqué son porte-parole, Sofiene Selliti, tout en soulignant que les kamikazes n’avaient pas été officiellement identifiés, et qu’il n’y avait pas encore eu d’arrestation.


« Toutes les unités de sécurité ont été placées en état d’alerte élevée », a précisé le ministère de l’Intérieur.


Les cordons de sécurité ont notamment été renforcés devant le ministère, sur la principale avenue du centre de Tunis, où la circulation automobile a été interrompue.


Le porte-parole du ministère, Khaled Ayouni, a affirmé à l’AFP que « c’est la patrouille de police qui était visée plutôt que l’ambassade », relevant que l’attentat avait eu lieu à la veille du quatrième anniversaire de la dernière attaque djihadiste d’envergure en Tunisie.


Le 7 mars 2016, des djihadistes venus de Libye avaient tenté, sans succès, de s’emparer de postes des forces de sécurité de Ben Guerdane (sud), faisant 20 morts.


État d’urgence


Chaque attaque replonge le pays dans le souvenir de la série d’attentats-suicide dont il a été l’objet après sa révolution de 2011.


La Tunisie reste d’ailleurs sous état d’urgence depuis une attaque suicide revendiquée par le groupe EI en novembre 2015, dans laquelle 12 agents avaient été tués.


Après la chute de la dictature en 2011, la Tunisie a été confrontée à un essor de la mouvance djihadiste, responsable de la mort de dizaines de soldats et de policiers, mais aussi de nombreux civils et de 59 touristes étrangers.


En septembre 2012, l’ambassade américaine avait déjà été assaillie par des manifestants issus pour la plupart de la mouvance salafiste, qui entendaient protester contre un film islamophobe réalisé aux États-Unis. Quatre personnes avaient été tuées et des dizaines blessées lors de violents affrontements entre police et manifestants.


La situation sécuritaire s’est néanmoins nettement améliorée ces trois dernières années. Mais des attaques contre les forces de sécurité ont encore lieu, notamment dans les massifs montagneux frontaliers de l’Algérie, et ponctuellement à Tunis.


Fin juin 2019, le double attentat suicide revendiqué par le groupe EI avait visé des policiers dans le centre de Tunis et devant une caserne et coûté la vie à un policier.


En octobre 2018, une femme d’une trentaine d’années avait déclenché un engin explosif artisanal près d’une patrouille de police en pleine centre-ville, faisant 26 blessés.


Outre le groupe EI, al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) a perpétré plusieurs attaques meurtrières au cours de la décennie écoulée. Fin février, Aqmi a confirmé le décès d’un de ses chefs, Abou Iyadh, fondateur du principal groupe jihadiste tunisien proche d’al-Qaïda, Ansar al Charia, notamment accusé d’avoir orchestré les violences contre l’ambassade américaine en 2012.




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