Dissidence israélienne

Ces analystes remettent en cause les idées suivantes, qui font consensus en Israël

Gaza: l'horreur de l'agression israélienne

Chronique en forme de revue de presse... d'un type particulier. Dans l'espace ci-dessous, je reproduis amplement, avec de courts commentaires de mon cru, des extraits de voix israéliennes dissidentes... publiées ces jours-ci en Israël.
Ces voix ultraminoritaires esquissent un point de vue qui remet en cause le «consensus» nationaliste en vigueur. Consensus qui s'est considérablement durci au fil des ans, si l'on regarde l'évolution de personnages comme le président Shimon Peres, ancienne «colombe» devenue «faucon», ou de grands intellectuels comme les écrivains Amos Oz ou David Grossman, qui tous appuient l'actuelle offensive contre le Hamas.
Mais il reste encore, dans ce pays, des esprits capables de «décentrement» face à l'obsession contrite d'Israël envers lui-même, de compréhension des points de vue extérieurs... et de doutes moraux -- combien juifs! -- face à la ligne suivie par leur État.
Leurs noms? Tom Seguev, Uri Avnery, Zvi Barel, Gideon Levy... Pour les uns, ce sont des «traîtres à la patrie». Pour les autres, de courageuses voix dans le désert. Ces analystes remettent en cause les idées suivantes, qui font consensus en Israël:
- La violence du Hamas, son idéologie et l'agression que constituent les lancers de roquettes, justifient tout, y compris les destructions massives, les dommages collatéraux et un déséquilibre de 100 ou 200 à 1 dans le nombre respectif des victimes.
- Cette offensive montrera que l'armée d'Israël n'est pas un «tigre de papier», et effacera le traumatisme de l'été 2006 contre le Hezbollah libanais.
- Elle aura pour effet ultime de «monter» la population de Gaza contre les dirigeants du Hamas, en lui infligeant une défaite telle que la population civile s'en détournera.
Illusions, billevesées et aveuglement moral... clament nos quatre «moutons noirs»!
***
Tom Seguev, chroniqueur à Haaretz, historien et journaliste:
«Ainsi, Israël aurait décidé de frapper les Palestiniens dans le but de "leur donner une leçon". C'est là une considération qui accompagne l'oeuvre sioniste depuis sa genèse: nous sommes les représentants du Progrès et des Lumières, de la raison complexe et de la moralité, tandis que les Arabes sont une racaille primitive et violente, des gamins qui doivent être éduqués et remis dans le droit chemin en utilisant -- bien entendu -- la méthode de la carotte et du bâton, comme le fait le charretier avec son âne.»
(Seguev souligne que le complexe de supériorité morale des Israéliens dans leur guerre contre les Palestiniens est un élément capital de la politique actuelle de leur État.)
Zvi Barel, journaliste d'affaires stratégiques, spécialiste du Moyen-Orient, article publié hier dans Haaretz:
«Cette guerre va rendre plus évident encore le fait qu'il est impossible de négocier avec le président Mahmoud Abbas alors qu'on tue des centaines de Palestiniens à Gaza. [...]. Avec cette guerre, le Hamas veut mettre cette idée-là dans la tête des Israéliens. Le Hamas continuera, même après un cessez-le-feu et une éventuelle réouverture des points de passage. Les tunnels de contrebande seront reconstruits. [...] Le Hamas utilisera cette guerre pour se redonner une marge de manoeuvre. [...] Une seule roquette Qassam suffit à bouleverser l'état des choses.»
(Autrement dit: on rêve en couleurs lorsqu'on s'imagine qu'une victoire militaire «totale» est possible contre le Hamas, et qu'elle pourrait se traduire en victoire politique. La simple survie du Hamas sera pour lui une «victoire»... tandis que la logique israélienne, elle, appelle à une éradication totale de l'ennemi.)
Uri Avnery, chronique sur le site de Gush Shalom, le «Bloc de la Paix» israélien:
«Qu'essaient de dire les gouvernements d'Israël et des États-Unis aux Palestiniens [de Gaza]? Le message est clair: vous allez vraiment connaître ce qu'est la faim, et même plus, si vous ne cédez pas. Vous devez renverser le gouvernement Hamas et élire des candidats acceptés par Israël et les États-Unis. Et surtout, vous devez vous contenter d'un État palestinien composé de plusieurs enclaves, dont chacune sera totalement dépendante du bon vouloir d'Israël.»
(Question: mais l'appui inconditionnel de Washington va-t-il se poursuivre sous Barack Obama? La question angoisserait apparemment certains Israéliens...)
Et pour finir, Gideon Levy, hier dans sa chronique dominicale du Haaretz, chronique rituellement suivie de dizaines, voire de centaines de courriels d'insultes:
«Ils ont liquidé Nizar Ghayan? [leader du Hamas tué le 1er janvier] Personne ne mentionne les 20 femmes et enfants tués lors de la même attaque. On a massacré des douzaines de cadets du Hamas lors d'une cérémonie de graduation? Acceptable. Cinq petites soeurs? Alloué. Les Palestiniens meurent dans des hôpitaux privés d'équipement? Ce n'est rien. [...] La souffrance dans le Sud [le sud d'Israël, qui reçoit les roquettes du Hamas] a pour effet de rendre "kosher" toutes ces choses, de faire paraître, en comparaison, insignifiante voire illégitime l'horrible souffrance de Gaza.»


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->