Cour suprême - Le bilinguisme des juges est essentiel, dit Claire L'Heureux-Dubé

Cour suprême: le bilinguisme des juges


Hélène Buzzetti - Ottawa — L'ancienne juge à la Cour suprême du Canada Claire L'Heureux-Dubé croit qu'il est grand temps que le bilinguisme devienne un critère de sélection pour accéder au banc du plus haut tribunal du pays. La magistrate à la retraite approuve donc tout à fait le projet de loi du NPD maintenant étudié au Sénat.
«Le bilinguisme des juges de la Cour suprême est essentiel à mon avis», explique au Devoir Mme L'Heureux-Dubé. Selon elle, «la législation sur le bilinguisme qui crée une exemption pour les juges de la Cour suprême est une anomalie en 2010 qui aurait dû être éliminée il y a un bon moment.»
Il n'existe aucune obligation pour que les neuf juges siégeant à la Cour suprême du Canada maîtrisent les deux langues officielles du pays. De facto, de nombreux juges unilingues anglophones y ont siégé. Le premier juge de ce tribunal nommé par le premier ministre Stephen Harper, Marshall Rothstein, est dans cette situation.
Le projet de loi C-232 du NPD vise à éliminer cette possibilité. S'il était adopté, les juges devraient être choisis parmi des candidats «qui comprennent le français et l'anglais sans l'aide d'un interprète». Ce critère est jugé trop restrictif par certains qui craignent que le Canada se coupe des meilleures candidatures disponibles. À la Chambre des communes, où le projet de loi a été adopté, tous les députés conservateurs ont voté contre. Le ministre Christian Paradis a déjà expliqué au Devoir qu'il s'opposait au C-232 au nom de la protection des unilingues francophones qui devraient eux aussi pouvoir aspirer à un poste à la Cour suprême.
Claire L'Heureux-Dubé écarte cet argument du revers de la main. «Je ne vois pas comment un juge francophone non bilingue pourrait accéder à la Cour suprême où 90 % du travail est en anglais. Et je n'ai aucun souvenir d'un juge unilingue francophone qui ait accédé à la Cour suprême. À l'inverse, nombre de juges unilingues anglophones ont accédé à la Cour suprême... Deux poids, deux mesures?» demande-t-elle.
Certes, des services d'interprétation sont offerts à la Cour suprême. Les avocats peuvent donc y présenter leurs arguments dans la langue de leur choix. Toutefois, lorsque les juges se retirent pour délibérer et déterminer les paramètres généraux de la décision à rendre, aucun interprète n'est présent. La présence d'un unilingue autour de la table oblige tous les autres magistrats à défendre leur point de vue dans cette langue, la plupart du temps, l'anglais.
Mme L'Heureux-Dubé va même plus loin. Elle soutient que la présence d'un unilingue anglophone sur le banc suprême «oblige les juges francophones à écrire en anglais à l'occasion par suite des délais de traduction qui retardent les jugements». Car les juges rédigent les jugements qu'ils font ensuite circuler entre eux pour commentaires.
En coulisse, certains francophones font valoir que la maîtrise des deux langues (et l'expérience culturelle qui l'accompagne souvent) procure une meilleure sensibilité socio-culturelle de l'autre réalité canadienne, très utile lorsque des causes délicates arrivent devant la Cour suprême.
L'ancien collègue de Mme L'Heureux-Dubé, John Major, s'est déjà prononcé contre le bilinguisme obligatoire. Il était lui-même unilingue anglophone. Certains commentateurs anglophones ont fait valoir que seulement 9 % des anglophones étaient bilingues contre 42 % des francophones.


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