Contenus haineux: Facebook va simplifier sa collaboration avec la justice française

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Critiquer l'immigration massive sera-t-il désormais considéré comme un « propos haineux » ?

Le réseau social s’est engagé à traiter plus vite les demandes de renseignements sur des internautes faisant l’objet d’une enquête dans le cadre d’une publication de contenus haineux en ligne.



Facebook met de l’eau dans son vin. Mardi soir, le secrétaire d’État français au numérique, Cédric O, a annoncé que le réseau social s’était engagé à communiquer à la justice française les adresses IP [un numéro d’identification qui permet d’identifier une machine, NDLR] des internautes faisant l’objet d’une procédure en justice pour avoir diffusé «un certain nombre de contenus haineux» comme «l’homophobie, le racisme et l’antisémitisme».


Cette annonce a surpris plusieurs experts du sujet. En effet, Facebook a déjà été amené, par le passé, à transmettre des informations - y compris des adresses IP - sur des internautes dans le cadre de contenus haineux faisant l’objet d’une procédure judiciaire. Il est en effet illégal en France de «provoquer à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée», y compris sur Internet.


Il est en fait fréquent que Facebook, et d’autres plateformes, fassent l’objet d’une demande de renseignements par les autorités, dans des cas de tous types: pédopornographie, terrorisme, mais aussi appels à la violence ou autres affaires criminelles. Entre juillet et décembre 2018, Facebook a reçu 5711 réclamations de ce type, d’après son rapport de transparence qu’il met régulièrement à jour. Dans 66% des cas, le réseau social a accepté de transmettre ces informations.


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Une transmission qui ne sera pas automatique


Contacté par le Figaro, Facebook a précisé les détails de son engagement. Suite à une rencontre entre Nick Clegg, directeur de la communication du réseau social, et Cédric O, l’entreprise américaine a effectivement promis qu’elle allait faciliter ses relations avec la justice française. Jusqu’ici, dans la majorité des cas, elle renvoyait les juges au Mutual Legal Assistant Treaty, un accord qui régit les échanges de renseignements et de données personnelles lors d’enquêtes, entre l’Europe et les États-Unis. Cependant, ce processus est long et fastidieux. «Nous ne renverrons plus les autorités françaises au Mutual Legal Assistance Treaty lorsqu’elles nous demandent des informations basiques [qui comprennent le nom, le prénom, et d’autres données du profil, NDLR] dans des cas criminels impliquant des contenus de haine», précise un porte-parole du réseau social. Cela ne signifie pas pour autant que Facebook s’engage à transmettre automatiquement les données des internautes faisant l’objet d’une enquête. «Comme pour toute demande de justice, y compris aux États-Unis, nous surveillerons toutes les demandes et nous réservons le droit de refuser si nous estimons qu’elles sont trop larges, contraires aux droits de l’homme ou sans fondement légal», insiste le réseau social.


Cédric O n’a pas choisi le timing de son annonce par hasard. La semaine prochaine, l’Assemblée nationale va examiner une proposition de loi contre la haine en ligne. Cette dernière prévoit notamment de forcer les grandes plateformes à retirer sous 24 heures les contenus de haine «manifestement illicites». Le champ des contenus concernés est très large: provocation à la discrimination, apologie des crimes de guerre, harcèlement sexuel, traite des êtres humains, proxénétisme, apologie au terrorisme, atteinte à la dignité de la personne...


En coulisses, le texte préoccupe beaucoup les géants américains du Web, qui affirment qu’une telle mesure est irréalisable, vu le délai très court et la définition très large des «contenus de haine», et les poussera à la surcensure. «Il y aura des erreurs», prévenait récemment le responsable des affaires publiques de Facebook France dans les colonnes du site spécialisé NextInpact, parce qu’«il nous reviendra de prendre une décision en 24 heures sur des cas qui prennent parfois des semaines à être jugés dans les tribunaux.» D’autres organismes (le Conseil d’État, le Conseil national du numérique, le Conseil national des barreaux) ont exprimé des réserves similaires.


Malgré les critiques, le dossier est pris très à cœur au gouvernement qui essaye de montrer que la France peut faire plier les géants américains du Web. Ainsi, le président Emmanuel Macron a reçu au mois de mai Mark Zuckerberg, après avoir envoyé une mission d’observation des efforts de modération directement dans les bureaux du réseau social.