Comment leur clouer le Québec ?

Au début, ce côté tabernacle râleur version José Bové prête à sourire.

Un ti-nigaud lettré - ce côté drôlement chiant!...

Par LAURENT SAGALOVITSCH - Le Canada est un pays étrange. Irréductiblement schizophrène. Atteint d’une crise de bilinguisme aiguë. Théâtre d’une guéguerre qui dure depuis l’enfantement entre les arrogants anglophones et les fieffés francophones. Le Québec pleurnichard contre le reste du monde. Le Québec, mal aimé du continent nord-américain. L’emmerdeur de tourner en rond. Le Québec pourtant : son accent chuintant, sa bonhomie chaleureuse, son hospitalité toute méditerranéenne. Mais aussi, mais surtout, son combat d’arrière-garde pour sauvegarder coûte que coûte un morceau de France en cette Amérique foncièrement angliciste. Sympathique a priori. Quand ils débarquent à Vancouver, les Québécois sont aussi retors que des inspecteurs du fisc, prêts à flinguer le premier officiel qui ne comprend goutte au français, à vilipender tel événement qui ne serait pas retransmis dans les deux langues maternelles du pays, à rebaptiser aussi sec les rues et avenues de la citadelle en péril : Granvile Island, l’île de Granville ; English Bay, la baie des Anglais ; Stanley Park, le parc Stanley.
Au début, ce côté tabernacle râleur version José Bové prête à sourire. Et puis la énième incartade finit par lasser. Parce que, tout simplement, le nombre de francophones en Colombie britannique plafonne à 60 000. Que la France, fille aînée de l’Eglise, se trouve à 8 000 bornes. Que si vous demandez dans la langue de Marc Levy votre chemin au piéton jamais pressé, il vous sourira gentiment et balbutiera du bout des dents un «sorry» contrit. Comme une maîtresse délaissée par son amant volage parti pour s’en aller batifoler avec la voisine d’à côté, Québec l’a mauvaise, que ce soit Vancouver, qui attire sur elle, pendant deux semaines, toutes les paillettes médiatiques du monde. Et le fait savoir. A l’image d’un sale moutard capricieux jamais content et bien décidé à pourrir le voyage de noces de ses parents recomposés, elle râle dans son coin, ne cesse de vitupérer le colon anglais et de se plaindre à tire-larigot. Trop chaud, pas assez de neige, frites pas cuites, bière pas mousseuse, rues trop propres, cygnes trop blancs, mouettes hargneuses, canards boiteux, pigeons méprisants, organisation déplorable, transports déficients, édifices repoussants. Pour l’expatrié qui a quitté en catimini la France pour ne plus avoir à subir la mauvaise humeur perpétuelle de ses adorables compatriotes, le coup est rude à encaisser. En contemplant le soleil se suicider sur les vagues dansantes de l’océan ensanglanté, on se surprend de nouveau à rêver à d’horizons encore plus lointains et à rimbaldiser. Vite, est-il d’autres vies ?
*Ecrivain français installé à Vancouver. A paraître : La Métaphysique du hors-jeu (Actes Sud, septembre 2010)


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