Caméras tactiques à Paris : le plan secret de la préfecture de police pour le 5 décembre

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Une mobilisation monstre contre Macron se prépare pour demain

Le plan est prêt. Comme avant chaque manifestation parisienne, il tient sur une grande carte de Paris colorée, avec les zones interdites, les couloirs de manifestation et la position de départ de chaque unité policière. Le plan de la journée du jeudi 5 décembre est sobrement intitulé « manifestation sociale ». Ce mardi, il prévoit sur le pavé parisien le déploiement de « cinquante-cinq forces » (CRS et gendarmes mobiles). Autant que le nombre d’unités déployées le 8 décembre 2018… Record égalé. Parmi ces unités lourdes, quatre seront déployées dès minuit sur le secteur des Champs-Elysées et sept auront pour mission le « bouclage de l’Élysée ». A leurs cotés, 16 unités de BRAV (pour Brigades de répression de l'action violente), les équipes mobiles, sont mobilisées, ainsi que quarante-quatre équipes « d’agents verbalisateurs » qui auront pour but de remettre des amendes à ceux qui franchiront les zones interdites. Quatre camions de transport des personnes interpellés sont prévus, ainsi que huit monospaces, des unités en charge de signifier leurs droits dans un délai d’une heure aux manifestants arrêtés. « Dans les journées "Gilets jaunes" de 2018, nous avons dû relâcher de nombreuses personnes, faute de pouvoir leur notifier leurs droits dans ce délai d’une heure », se souvient une source policière. Ce jeudi 5 décembre, la préfecture de police va déployer ses deux canons lanceurs d’eau, plus les quatre canons supplémentaires des CRS. Trois drones survoleront le ciel parisien. Mais surtout, innovation récente, la police parisienne prévoit d’implanter à certains endroits stratégiques, des « caméras tactiques ».


Selon nos informations, le 16 novembre dernier, la salle de commandement de la Préfecture s’est retrouvée en grande partie « aveugle » place d’Italie, de nombreuses caméras de vidéosurveillance de la place ne répondant plus. Vérifications faites, une armoire électrique centralisant l’alimentation des caméras fixes, aux abords de la place, a été sabotée en cours de manifestation. Hasard des dégradations ou action ciblée ? La préfecture soupçonne « un commando », manifestement bien renseigné, d’avoir spécialement visé cette armoire électrique dans le but de neutraliser les caméras. Ce jeudi 5 décembre, les nouvelles « caméras tactiques », pré-implantées en toute discrétion, devraient permettre à la salle de commandement de toujours surveiller certains points stratégiques, y compris si les caméras fixes sont dégradées ou privées d’alimentation électrique.


C’est dire si la préfecture se prépare au pire… « D’autant, confie un spécialiste parisien du maintien de l’ordre, que les blacks blocs, de manifestations en manifestations, s’aguerrissent. On sait qu’ils pré-positionnent désormais du matériel, des vêtements de protection, des masques ou des projectiles, dans des caches sur les itinéraires, de façon à déjouer les fouilles en amont de l’accès aux cortèges. » Autre « nouveauté » du 16 novembre dernier : l’apparition de « films plastiques », tendus en travers de certaines rues, dans le but de faire chuter des motards de la police, surpris par ces fils transparents. « Le 16, nous avons aussi constaté des dispersions de cônes métalliques et des clous destinés à crever les pneus des motos de la police », glisse une autre source en préfecture.


Il y aura donc ce jeudi, une mobilisation policière massive dans les rues de Paris. « Et encore, en fin de semaine dernière, une première estimation des moyens a fait chiffrer par la préfecture les besoins à soixante-cinq unités ! » confie une source au ministère de l’Intérieur. Compte tenu des effectifs policiers en France, et des demandes d’autres villes, la Préfecture parisienne a donc dû revoir sa copie à la baisse pour « faire » finalement avec cinquante-cinq unités lourdes. La France comptant au total cent-soixante « forces » (donc, compte tenu des congés et des repos, cent-vingt à cent-trente opérationnelles à l’instant T), la capitale absorbera à elle toute seule la moitié des forces de l’ordre françaises.


Ce 5 décembre, la Préfecture parisienne compte déployer son dispositif sous trois sous-commandements : l’un sera en charge de la surveillance de la « zone interdite » et les deux autres au suivi des cortèges syndicaux. Colorée en jaune sur la carte préparatoire, la zone interdite de ce jeudi couvre plusieurs périmètres distincts. Le principal va de la porte Maillot à la place de la Concorde sur l’axe des Champs-Elysées, englobant l’Élysée et intégrant la zone Haussmann des grands magasins. Un autre entoure le Trocadéro, le pont d’Iéna, la Tour Eiffel et le Champ-de-Mars. Une troisième zone couvre l’esplanade des Invalides et s’étend à l’Assemblée nationale et à Matignon. Ces périmètres seront interdits à toute manifestation, sous peine d’amende. Pour couvrir ce vaste secteur, la préfecture prévoit l’immobilisation de vingt-neuf unités de CRS ou de gendarmes mobiles, épaulées par six unités de BRAV. Le reste des forces disponibles, soit vingt-six unités lourdes et dix BRAV sont positionnées autour des deux axes de manifestation prévus, rive droite, avec convergence place de la République, et dispersion place de la Nation. « Un trajet de manifestation classique, sur un terrain que l’on connaît bien et surtout qui ne passe pas place d’Italie, une des pires places parisiennes en matière de maintien de l’ordre, avec un centre commercial d’un coté, un commissariat et une mairie de l’autre », confie un spécialiste, dépité par la journée du 16 novembre dernier.


« Vous me les dispersez façon puzzle ! »



Autre inquiétude parmi les experts du maintien de l’ordre, l’apparition probable ce jeudi de black blocs dans des cortèges « lambda ». « Ces derniers mois, on s’est habitué aux manifs de gilets jaunes avec des black blocs agglomérés, des cortèges où il n’y a quasiment plus de badauds, confie un policer. La nouvelle doctrine du maintien de l’ordre prévoyant d’interpeller et de réagir vite dès que des black blocs apparaissent, il va falloir faire preuve de discernement au milieu de manifestants pacifiques traditionnels », prévient cette source policière, un tantinet « inquiète » d’éventuels « mouvements de foule ». « Pour des manifestants novices, se retrouver au milieu d’interpellations de black blocs par des Brav, cela peut faire assez peur. La salle de commandement va devoir redoubler de calme et de sang froid », prévient cette source.


Aux commandes, le préfet Didier Lallement en personne, qui occupe désormais dans la salle de commandement l’ancien fauteuil du chef d’état-major de la direction de l'ordre public et de la circulation (DOPC). Dans l’axe central des caméras, un casque vissé aux oreilles à l’écoute des fréquences radios, le préfet de police, entouré de tout l’état-major de la DOPC, pilote désormais en personne les opérations. « Il ne règne plus à la salle le calme d’antan, quand un Pierre Mure, légendaire patron de la DOPC, donnait ses ordres à voix basse dans un silence de cathédrale », constate un ancien de la Préfecture. « Vous me les dispersez façon puzzle ! » n’hésite pas à ordonner sur les ondes radios le préfet Lallement, répétant une célèbre réplique des Tontons Flingueurs. Un commandement énergique qui, selon nos sources, fait le bonheur des uns et provoque des sueurs froides chez d’autres. « Lallement fait le job », disent les premiers. « Le maintien de l’ordre, ce n’est pas la guerre », alertent les seconds.