Brève réflexion sur les grands hommes

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Il n'en faut qu'un seul dans une conjoncture propice

Au fil de mes lectures, ce soir, je note cette perspicace observation de Baudelaire : «Les nations n’ont de grands hommes que malgré elles». Je la comprends ainsi : une société a tendance à se laisser aller dans les délices et misères de la vie quotidienne. En temps normal, c’est très bien. Mais même lorsqu’elle décline, elle préfère ne pas se le faire dire, même si elle peut ressentir en elle, profondément mais confusément, un profond désir de redressement. Elle n’embrassera pourtant pas ceux qui identifieront ses problèmes sans les farder. C’est à ce moment qu’une grande volonté doit surgir. Il faut une grande volonté pour soulever des questions qu’elle préférerait laisser dans les marges, et rares sont ceux qui ont cette capacité, et cette ambition. N’est-ce pas d’ailleurs une des tâches les plus exigeantes de la politique : sortir de la gestion ordinaire et faire surgir dans l’espace public une question nouvelle, négligée par le grand nombre?
Je reviens à l’essentiel: le grand homme doit consentir à ne pas se faire aimer, et pourtant s’entêter à porter l’idée qu’il se fait du bien commun, du salut de sa patrie. Cela suppose que ses idéaux soient profondément enracinés en lui. Il ne doit pas se laisser entrainer par l’humeur générale, mais chercher à convaincre ses contemporains de ce qui ne va pas de soi pour eux. Rien de pire qu’un politicien qui demande aux sondages quoi penser. Que fait-il alors dans la vie publique? Il faut donc, de temps en temps, aller contre le courant. Ce qui n’est pas simple, on en conviendra, et le résultat ne vient pas après quelques jours d’efforts seulement. De même, il faut des circonstances remarquables pour qu’une grande volonté se manifeste. Il faut une crise, en quelque sorte. C’est à travers elle qu’une société peut opérer des changements qu’elle reportait en temps normal. Encore cette volonté doit-elle se manifester lorsque les circonstances sont là, ou lorsqu’il faut donner un coup de main aux événements pour se transformer en possibilité historique. Sans quoi, ce sera une occasion gâchée.
On me répondra qu’il faut en finir avec la mystique de l’homme providentiel. Évidemment. La preuve du bon état d’une société, c’est qu’elle peut fonctionner avec une classe politique médiocre, et ne pas s’avachir. Les bonnes institutions se passent de génies politiques – elles peuvent même les combattre, comme si elles redoutaient les fauteurs de troubles. Mais je répondrai ici, qu’on le veuille ou non, que les changements majeurs, dans une société, sont souvent initiés, et même portés, par des minorités actives. On peut s’en désoler, mais cela ne changera rien à cette réalité. Je parle de minorités actives. Je pourrais aussi parler d’hommes d’exception qui en viennent à incarner une volonté collective. Je parle de ceux qui peuvent faire basculer les choses et qui peuvent renverser une situation qui semble désespérée. Ces quelques réflexions, je les mène en ayant bien évidemment à l’esprit l’état actuel du mouvement souverainiste.


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