Bellemare vs. Bastarache

Commission Bastarache


Une évidence: la commission Bastarache semble être destinée à voguer sur des eaux politiques particulièrement houleuses de sa conception à la livraison éventuelle de son rapport final...
Rappelons que cette commission Bastarache porte sur les allégations de l'ancien ministre libéral de la Justice, Me Marc Bellemare, quant à la possibilité que le processus de nomination des juges au Québec soit sous «influence», entre autres, de baîlleurs de fonds du PLQ. http://www.cyberpresse.ca/actualites/quebec-canada/politique-quebecoise/201006/14/01-4289813-la-commission-bastarache-entame-ses-travaux.php
Mais ses débuts officiels ce matin à Québec furent rapidement suivis du enième coup de théâtre dans toute cette histoire: Me Bellemare refuse de témoigner devant la commission, mais dit qu'il accepterait de le faire soit devant une commission parlementaire où il aurait l'immunité, soit une commission d'enquête avec un «commissaire indépendant».
Et ce n'est pas tout. Me Bellemare qualifie la commission Bastarache de «piège à con» en entrevue à TVA. http://fr.canoe.ca/infos/quebeccanada/archives/2010/06/20100614-165820.html
Il la qualifie aussi en ces mots: «C'est un cul-de-sac qui ne vise qu'à valoriser et bonifier l'image du premier ministre dans cette tourmente».
Notant à nouveau que Me Bastarache travaille chez Heenan Blaikie, une firme d'avocats ayant plusieurs contrats gouvernementaux, Me Bellemare dit ne pas lui faire confiance: «Je n'ai pas confiance que M. Bastarache ait l'impartialité ou la liberté intellectuelle ou morale de dire que M. Charest a menti».
Comme quoi, Me Bellemare semble encore et toujours déterminé à ne pas laisser cette commission mener ses travaux comme si la tempête politique dont elle est née ne serait qu'un élément parmi d'autres à examiner.
Et, de toute manière, quoiqu'il en sorte ou non, il reste que la vraie commission que la société civile, les partis d'opposition et de nombreuses organisations demandent depuis plus d'un an, est une commission publique, indépendante et élargie sur l'industrie de la construction et le financement des partis politiques...
Voir aussi: http://fr.canoe.ca/infos/quebeccanada/archives/2010/06/20100614-181056.html
Mais en attendant, sur le sujet des allégations de Me Bellemare, il reste aussi à voir combien de temps ce dernier tiendra à s'adresser aux Québécois par médias interposés.
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Un pouvoir accru pour les tribunaux administratifs & leurs juges:
Maintenant, si on fait abstraction pour une minute du contexte extrêmement politique et limité au Québec ayant mené à la création de la commission Bastarache, voici un élément fort important qui concerne les tribunaux administratifs - Me Bastarache se penchant également sur son processus de nomination des juges.
Un élément qui fait prendre conscience du pouvoir accru que pourraient exercer les tribunaux administratifs dans les prochaines années, alors qu'ils en exercent déjà de fort étendus. D'où l'importance tout autant accrue du mode de nomination de leurs juges et de s'assurer que ce mode soit dépolitisé. Pour vrai... Le problème étant de savoir si tel sera vraiment la résultante finale de la commission Bastarache. Ce dont il est permis, jusqu'à preuve du contraire, de douter.
Cet élément crucial est le jugement marquant rendu vendredi dernier par la Cour suprême, lequel élargit considérablement la portée de la Charte canadienne des droits et libertés quant aux tribunaux administratifs en affirmant clairement leur droit de «juger» de «violations» de la Charte et d'ordonner des «réparations» de nature légale et/ou financière:

«A landmark Supreme Court of Canada ruling has significantly widened the reach of the Charter of Rights and Freedoms, handing a broad range of administrative tribunals the right to find Charter violations and create legal remedies.
In a 9-0 ruling on Friday, the court said that administrative tribunals - quasi-judicial bodies that hear cases involving everything from labour relations and school boards to human rights - are perfectly capable of applying the Charter in their fields of expertise.
"We do not have one Charter for the courts and another for administrative tribunals," said Madam Justice Rosalie Abella, the architect of the transformation. (...)
"All of these developments serve to cement the direct relationship between the Charter, its remedial provisions and administrative tribunals," she said. (...) Specifically, tribunals and boards will be able to apply S. 24 of the Charter - a pivotal provision within the Charter that empowers judges and adjudicators to issue a wide spectrum of orders or damage awards.»

Pour ceux que ce jugement intéresse, la lecture de l'article complet est un «must»: http://www.theglobeandmail.com/news/national/tribunals-can-apply-charter-rights-supreme-court-rules/article1601806/
Le jugement: http://csc.lexum.umontreal.ca/fr/2010/2010csc22/2010csc22.html
Voir aussi: http://www.ledevoir.com/politique/quebec/287808/des-tribunaux-administratifs-sous-influence
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@ Photo: Jacques Boissinot, La Presse Canadienne


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