Au G20, la zone euro laissée seule à ses tourments

G 20 à Cannes - novembre 2011



Cannes Envoyé spécial - Une humiliation et une grande solitude : voici ce que la zone euro et Nicolas Sarkozy, qui présidait le G20 pour la dernière fois, ont vécu durant le sommet conclu à Cannes vendredi 4 novembre. En remettant en cause, par son projet de référendum, l'accord de Bruxelles du 27 octobre destiné à sauver son pays, le premier ministre grec a démoli la belle ordonnance du G20. Et la crédibilité retrouvée de la zone euro y a fait long feu.
Que l'Europe se débrouille d'abord seule! Telle était en filigrane la ligne des prises de position des grands de ce monde. Avec condescendance, Barack Obama a estimé que la zone euro était "en mesure d'être à la hauteur" de ses difficultés financières. Le président mexicain, Felipe Calderon, a conseillé de prendre exemple sur son pays, qui avait bénéficié de prêts préventifs du Fonds monétaire international (FMI) de 72 milliards de dollars pour faire reculer la spéculation durant la crise de 2008.
Dilma Rousseff, la présidente brésilienne, a résumé le sentiment de ses collègues émergents des "BRICS" (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) en déclarant qu'elle n'avait "pas la moindre intention" de financer le Fonds européen de stabilité financière (FESF). "Pourquoi devrions-nous le faire, si les Européens le font?", a-t-elle demandé malicieusement.
Elle entend n'utiliser qu'avec précaution les réserves de son pays amassées "à la sueur du peuple brésilien". Comme le président chinois Hu Jintao ou le président russe Dmitri Medvedev qui ne comprennent goutte aux subtilités du FESF, elle veut jouer la sécurité et ne passer que par le FMI pour aider éventuellement les Européens.
Après tout, ceux-ci faisaient naguère la leçon aux pays du Sud malades de leurs dettes. Il n'est que justice qu'ils pointent au guichet du Fond et en subissent les rudes conditions. A preuve, la mise sous surveillance d'une Italie qui n'arrive pas à convaincre que ses économies et ses réformes ne sont pas des trompe-l'œil.
Le coup de pied de l'âne est venu d'un Européen, le premier ministre britannique David Cameron. Il s'est félicité des progrès de la zone euro dans la résolution de sa crise, tout en reconnaissant que le Royaume-Uni "préparait des plans" pour faire face à une possible disparition de l'euro.
Au cours de sa conférence de presse finale, Nicolas Sarkozy s'est échiné à convaincre que le bilan de Cannes était supérieur aux attentes. Et ce même si, le 24 janvier dans son discours d'inauguration de la présidence française du G20, il promettait "d'ouvrir les chantiers de fond qui ne peuvent plus attendre, de façon à être en mesure de présenter des résultats concrets à une opinion publique de plus en plus impatiente".
Vendredi, M.Sarkozy s'est félicité de la mise à l'index de onze pays qualifiés de "paradis fiscaux", dont la Suisse et le Lichtenstein, alors que le président français avait dû menacer de quitter le sommet de Londres pour que l'on mentionne pudiquement dans le communiqué ce que l'on appelait alors des "juridictions non-coopératives".
Le communiqué de Cannes ne parle-t-il pas pour la première fois de la possibilité de taxer, dans quelques pays et "dès 2012", les transactions des "acteurs financiers qui ont conduit le monde dans les travers que nous connaissons"? L'agriculture – "dont on ne parlait jamais au G20" – ne se voit-elle pas promue au rang de priorité? Le président s'est aussi félicité que, pour la première fois, patronats et syndicats aient formulé des propositions communes pour que l'emploi ne soit plus exclu du G20. "La croissance n'est pas incompatible avec la protection sociale", a-t-il souligné, puisque les vingt pays les plus développés de la planète s'invitent mutuellement à instituer un socle de sécurité sociale adapté à leur stade de développement et à ratifier les huit conventions fondamentales de l'Organisation internationale du travail (OIT).
Les rares applaudissements sont venus de la sphère associative pour sa défense de financements innovants en faveur du développement, mais surtout du monde du travail pour cette considération toute neuve pour le social. Mais la société civile espère que le Mexique, qui assure pour un an la présidence du G20, poussera vigoureusement cette institution sans secrétariat permanent vers une plus grande solidarité économique, environnementale et sociale.
Alain Faujas


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