Accommodement à la SAAQ: la question soulève un tollé

SAAQ et accommodements raisonnables


Tommy Chouinard -

L'accommodement consenti aux juifs hassidiques par la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ) a soulevé un tollé hier. Après avoir été accusé de mollesse dans le dossier des accommodements, le chef du Parti québécois, André Boisclair, est passé à l'offensive en proposant la création d'un «code de référence» pour guider les administrateurs publics dans leurs décisions.
Sans condamner directement l'accommodement de la SAAQ, le gouvernement Charest a rappelé que l'égalité entre les hommes et les femmes ne doit être «en aucun cas» remise en question.
De son côté, le Syndicat de la fonction publique du Québec a écrit au PDG de la SAAQ, John Harbour, pour exiger le retrait de cet accommodement «discriminatoire». Il songe à porter plainte auprès de la Commission des droits et libertés de la personne. Or, la société d'État garde le cap.
La Presse a révélé hier qu'en vertu d'une politique de la SAAQ, les évaluatrices cèdent leur place à leurs collègues masculins pour faire passer les examens de conduite aux juifs hassidiques.
À la sortie du caucus des députés de son parti, André Boisclair s'est dit «particulièrement préoccupé» par cet accommodement «prétendument raisonnable».
«Si j'étais premier ministre du Québec, voici ce que je ferais maintenant. Je m'assurerais de convoquer un forum des sous-ministres et des administrateurs publics de haut niveau pour une réunion substantielle, pas d'une heure», a-t-il lancé.
André Boisclair presse le gouvernement de répertorier toutes les pratiques en cours. Il doit également «rappeler les principes fondamentaux contenus dans la Charte québécoise des droits et libertés», comme l'égalité entre les hommes et les femmes.
«C'est un principe incontournable qu'il faut traduire dans la réalité. Que ce principe soit inscrit dans les textes de loi, c'est une chose. Mais le gouvernement a la responsabilité de s'assurer que ce principe soit aussi traduit dans des politiques de gestion de l'administration publique», a-t-il expliqué.
Dans un changement de ton soudain, André Boisclair a proposé de créer des «lignes directrices», «un code de référence qui devrait être mis en oeuvre pour soutenir les administrateurs publics dans les décisions qu'ils ont à prendre».
Le gouvernement Charest n'a voulu ni approuver ni condamner la pratique de la SAAQ. En entrevue à La Presse, la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles, Lise Thériault, a toutefois précisé qu'«on ne doit pas remettre en cause, en aucun cas», l'égalité entre les hommes et les femmes.
Le chef de l'Action démocratique du Québec, Mario Dumont, accuse le premier ministre Jean Charest d'«avoir peur» de ce sujet. Cet accommodement est déraisonnable à ses yeux.
Le président par intérim du SFPQ, Gaétan Girard, a expédié une lettre à John Harbour dans laquelle il lui demande de «mettre fin à cette pratique contraire au caractère laïque de l'État québécois, au nom du droit à l'égalité entre les hommes et les femmes».
«C'est inacceptable qu'on accepte de renier ce principe pour des motifs religieux», a-t-il lancé à La Presse.
«On va laisser la chance à la SAAQ de corriger le tir. Mais si elle ne le fait pas, on va mettre toute la machine en arrière de ça», a-t-il ajouté.
Aucune évaluatrice n'a encore manifesté son intention de porter plainte. «Mais ce n'est pas toujours évident pour une femme de se plaindre. Ce sont souvent des employées occasionnelles», a-t-il expliqué.
La SAAQ juge qu'aucune de ses évaluatrices n'est brimée avec cette «politique axée sur le service à la clientèle». La porte-parole Audrey Chaput réitère que toute personne qui a une raison valable peut choisir le sexe de son évaluateur. «Joe Blo pure laine n'obtient pas ça, a assuré M. Girard. La SAAQ veut acheter la paix avec ce groupe-là. Et je pense maintenant qu'elle tente de justifier l'injustifiable.»
L'avocat spécialisé dans les droits de la personne, Julius Grey, estime que «ce n'est pas un cas clair où il faut accommoder et ce n'est pas non plus un cas d'abus flagrant. C'est exactement sur la frontière, et on peut argumenter dans un sens ou dans l'autre».
Il dit désapprouver, à quelques rares exceptions près, le fait qu'une personne «puisse choisir le sexe de l'individu qui s'occupe d'elle, car ça peut avoir un effet sur l'égalité des sexes. On ne peut pas dire : je veux un juge et non une juge».
Un juif hassidique «vit avec une prohibition de se retrouver seul avec une personne de l'autre sexe dans une pièce où la porte est fermée. Donc pour lui se retrouver seul avec l'évaluatrice, ça constitue un problème. Celui qui subit l'examen est alors dans une situation de stress», a-t-il expliqué.
«Dans ce cas douteux, bien que ça me rend mal à l'aise parce que je pense que l'individu a tort, je serais plutôt enclin à être indulgent» envers le juif hassidique.


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