Pourquoi juste l’église ?
21 mars 2010
Il y a une différence majeure, M. Charbonneau. Quand Polanski se fait arrêter après avoir fui la justice américaine pendant plus de 30 ans pour une banale affaire de sodomisation d'une adolescente de 13 ans qu'il avait préalablement enivrée et droguée, un ministre de la République française laïque s'est porté à sa défense en disant que les USA lui faisaient peur et que toute cette histoire n'avait pas de sens. Quand l'indignation publique a placé ce ministre (Frédéric Mitterand) sur la défensive et qu'on a rappelé que dans son autobiographie publée il rapporte avoir été en Thaïlande pour se payer des "garçons", il a expliqué que c'étaient en fait des quadragénaires boxeurs et son patron Sarkozy a accepté cette réponse loufoque en refusant de le congédier. Quand la controverse n'a pas voulu se calmer un philosophe réputé (Alain Finkielkrault) n'a pas hésité à se déshonorer publiquement à la télévision, par solidarité de classe, en justifiant la défense de Polanski parce que la jeune adolescente n'était plus vierge quand le cinéaste l'a prise (au cas oû vous seriez un peu lent de comprenure, essayez seulement d'utiliser ce type d'argument dans une discussion sur le viol en présence d'une femme, pour voir la réaction). Et quand le secrétaire général du parti socialiste Benoît Hamon a exprimé son dégoût pour Mitterand, il s'est curieusement fait ramasser par plusieurs des vieux bonzes de son propre parti qui adhèrent tout à fait à la culture d'une justice spéciale et particulière pour les grands (au nombre desquels ils se comptent, de toute évidence) et les artistes "établis"; un héros de mai 68 a notamment participé à la charge, Benoît Cohn-Bendit, auteur de mémoires dans lesquels il raconte comment il se laissait chatouiller les parties intimes par des enfants dont il était l'éducateur (c'était les années 70 et la révolution sexuelle, hein). Comparez toute cette complaisance avec la furie déchaînée contre l'Église: c'est rien qu'une question de puissance et de conviction que l'impunité est encore possible pour certains, ce qui explique qu'on se rattrape en tapant sur d'autres pour faire bonne figure. Ç'a n'a rien à voir avec la moralité.
Si on revient au Québec, la semaine dernière le journal annonçait la condamnation d'un père de famille trouvé coupable d'avoir agressé plus de deux cent (200) fois ses deux filles entre l'âge de 10 et 14 ans. La sentence? Trois ans de prison (et libération au sixième de la peine si "bonne conduite") . En conclut-on qu'il faut abolir l'institution familiale? Et comment se fait-il que le public n'en soit pas plus scandalisé? Et d'oû vient que nos médias prennent ce genre d'affaire proprement bouleversante de manière aussi impassible?
Je propose deux hypothèses: mimétisme de l'indignation d'une part et compensation par le phénomène du bouc émissaire d'autre part.