Québécité: le retour aux sources
1 décembre 2010
Redécouvrir certaines de nos vieilles traditions ? Les revaloriser ? Renouer avec elles ?
Aucune objection. Bien au contraire.
Là où ça se gâte, et pas à peu près, c’est quand on associe ce respect du passé et ce sens de la continuité historique au… capitalisme, à la droite capitaliste, celle-là même devant laquelle se prosternent des Legault et des Facal.
À quoi ça rime cette manie pour le moins bizarre et saugrenue, pour ne pas dire délirante, d’associer tradition et capitalisme ?
Le capitalisme n’en a rien à cirer des traditions, qu’elles soient culturelles, religieuses ou nationales. Elles ne sont pour lui qu’autant d’irritants et d’entraves. Au nom du profit, il n’hésite pas à les balayer, à les détruire, à les dissoudre. Ou encore à les pervertir et à les travestir en les vidant de leur substance pour mieux les réduire en foires commerciales débilitantes, comme c’est le cas, par exemple, pour la fête de Noël.
C’est le capitalisme, et non la social-démocratie ou le socialisme, qui est au cœur de l’actuel mouvement de mondialisation, c’est lui qui en est le moteur.
Comme aimait à le répéter feu Michel Chartrand, le capitalisme n’a qu’un but : maximiser les profits et au diable tout le reste ! Et c’est pourquoi, ajoutait Chartrand, le capitalisme est amoral et apatride.
Le capitalisme, ce n’est pas la tradition, c’est la modernité, la modernité dans ce qu’elle a de plus clinquant. Le capitalisme, c’est l’anti-terroir. Il faut être aveugle pour ne pas le voir, hyper-naïf ou d’extrême mauvaise foi pour le nier.
Sur les ondes de Radio Ville-Marie, le mardi 30 novembre 2010, à l’heure du midi, le sociologue Stéphane Kelly évoquait une incohérence fréquente de la gauche. Il rappelait qu’à gauche, autant on est hostile à la libéralisation de l’économie, autant on est complaisant face à celle des mœurs et de la culture. Il avait bien raison là-dessus. Sauf qu’il s’est bien gardé de noter que la même sorte d’incohérence existe aussi à droite, mais en sens inverse. En effet, à droite, du moins chez les intellectuels se réclamant de la droite, autant on condamne la libéralisation des mœurs et de la culture, autant on réclame à grands cris celle de l’économie.
Quand donc admettra-t-on que la libéralisation de l’économie et la libéralisation de la culture vont de pair et qu’il y a une limite, une sacrée limite à accepter l’une tout en refusant l’autre ?
Alors, tout cela pour dire que, oui, les indépendantistes, qui sont généralement de gauche, doivent s’ouvrir à une certaine droite. Mais laquelle ? La droite économique, c’est-à-dire la droite capitaliste ? Sûrement pas ! La droite culturelle alors ? Oui, bien sûr. Et d’autant plus que cette droite culturelle, au fond, n’est une droite que quand elle entend réserver la culture à une élite fortunée. Au contraire, quand elle désire et exige que tous les nationaux, sans exception, aient accès à l’héritage culturel de la nation et puissent s’en nourrir librement, alors cette droite culturelle prend l’allure d’une gauche authentique. L’allure, oui, et même plus.
Luc Potvin
Verdun