Que disons-nous, que pensons-nous, que ressentons-nous?
23 décembre 2010
C,est un portrait des Musulmans au Québec publié dans la Revue Relations. Je copie seulement la fin.
Si vous pensez qu'on va pouvoir intégrer ces gens à notre peuple au cours de la prochaine décennie, bonne chance. Ni les Français, ni les Anglais, ni les Belges, ni les Hollandais, ni les Allemands, ni les Danois, ni les Suédois, ni les Norvégiens y sont arrivés.
http://www.revuerelations.qc.ca/relations/archives/themes/textes/immigration/immi_dahe_0306.htm
«Quel pacte avec leur nouveau pays
Mais les difficultés viennent aussi des musulmans eux-mêmes. Leur implantation est récente au Québec. Leurs responsables, qui dans leur grande majorité sont nés à l’extérieur du Québec, s’intéressent davantage à ce qui passe dans leurs pays d’origine qu’au Québec et laissent de côté la question identitaire. Ils n’ont pas encore réussi, sauf pour une petite minorité d’entre eux, à trouver un équilibre entre leur appartenance au peuple québécois et leur appartenance à l’islam. Pour beaucoup de musulmans, ces deux appartenances sont antinomiques et non complémentaires. Selon eux, être Québécois signifie s’éloigner de l’islam. Et la formule : " Nous sommes des Québécois de confession islamique " n’est pas très répandue. La majorité des musulmans n’est pas encore arrivée à bien comprendre sa situation par rapport à la question identitaire. Leurs responsables actuels n’ont pas encore réussi à développer un vrai sentiment d’attachement à l’identité québécoise. Le poids de la variable islamique de leur identité est grandement amplifié. Est-ce qu’un musulman doit ou peut s’identifier à l’identité d’un peuple qui n’est pas originellement musulman? Cette question est posée et se discute, mais n’est pas encore résolue.
Les questions de citoyenneté québécoise et de participation citoyenne ne sont pas encore claires, non plus, pour les Québécois de foi musulmane. Plusieurs musulmans optent pour la promotion de la communauté spirituelle musulmane. La communauté géographique les intéresse moins. Ils sont éloignés mentalement du cadre local. Ils ne vivent pas le Québec, ils vivent au Québec. Ils s’intéressent peu aux événements sociaux, culturels et politiques de la société québécoise. Ils apprécient ce que la société québécoise offre à ses citoyens en termes de droit à la liberté, à l’égalité et de pluralisme, mais ils restent critiques par rapport à cette société. Peut-être parce qu’elle est laïque et que la laïcité est pour eux synonyme d’athéisme? Athée est pour eux synonyme d’infidèle, d’impie, de païen ou simplement d’opposé à l’islam. Une vraie et juste compréhension de la conception de la laïcité leur manque. N’importe quel incident montre rapidement la fragilité des musulmans par rapport la société québécoise.
La jurisprudence islamique a largement élaboré la question des droits et des obligations des communautés non musulmanes vivant dans une société à majorité musulmane. Mais une jurisprudence islamique traitant des questions de l’identité, de la citoyenneté et de la participation citoyenne dans une situation où les musulmans sont minoritaires n’existe pas et, si elle existe, elle est encore dans une phase embryonnaire. Ces questions ne se posent pas à n’importe quel jurisconsulte dont l’érudition doit se fonder sur une bonne connaissance du Coran, des hadiths (les dits du prophète de l’islam) et des autres sources islamiques. Elles se posent aux Québécois de foi islamique qui connaissent l’islam et la situation dans laquelle ils vivent. Ils sont mieux équipés pour répondre à ces questions. C’est de leurs réponses que dépendent leur vie, leur bien-être et leur avenir.
Mais, au lieu de développer leur propre vision de leur situation originale au Québec, plusieurs Québécois de foi musulmane empruntent de fausses pistes pour résoudre leurs problèmes : soit en allant chercher les réponses auprès de jurisconsultes musulmans de pays lointains qui n’ont jamais vécu la situation de minorité dans une société occidentale à majorité non musulmane; soit en essayant d’appliquer des recettes juridiques anciennes qui ont été produites dans le passé pour une situation qui est loin d’être comparable à la situation québécoise.
Comment les Québécois de foi islamique doivent-ils se comporter dans la nouvelle société à majorité non islamique dans laquelle ils ont immigré? Doivent-ils revoir leurs comportements, laisser tomber certaines coutumes héritées qui ne sont pas liées aux dogmes et aux éléments de la foi pour faciliter l’intégration et non l’assimilation?
À de telles questions, l’islam est capable de donner des réponses qui découlent de la notion d’alliance ou de pacte. Dans ce domaine, l’islam va très loin. Le pacte est sacré et a la priorité sur les autres liens. Un visa, la permission de s’établir dans un pays, un passeport sont des pactes qui imposent des engagements et demandent le respect des lois et des éléments essentiels sur lesquels la société d’accueil est établie. Une fois que le musulman a accepté le visa et la citoyenneté, il conclut un pacte avec le nouveau pays. Il devient donc de son devoir religieux de respecter son engagement envers les lois de son nouveau pays.
Référence : Daher, Ali, "Les musulmans au Québec", Relations, juin 2003 (685), p. 29-32.