Viens au pays des Schtroumpfs!

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« Mais que des adultes à peu près normalement constitués sentent le besoin d’accomplir un tel « exploit » en dit beaucoup sur le profond sentiment d’ennui qui ronge le monde occidental. »


Samedi dernier, en Allemagne, a eu lieu une journée qui se voulait historique. Dans une petite commune du sud du pays a eu lieu le plus grand rassemblement jamais vu de Schtroumpfs. Ils étaient 2762. Essentiellement des adultes, peints en bleu et portant le fameux bonnet qui a fait la renommée de cette tribu imaginaire sortie du monde de Peyo, leur créateur.


Le précédent record datait de 2009.


Schtroumpfs


Spontanément, on se moquera de cette bande de bozos qui voient de « l’historique » partout.


Et pourtant, cet événement est révélateur. En fait, il est symptomatique d’une forme de crétinisation culturelle que personne n’ose nommer, de peur d’avoir l’air snob ou de verser dans l’élitisme.


Je n’ai rien contre les Schtroumpfs, et encore moins contre le Schtroumpf gourmand. Je ne suis pas schtroumpfophobe ! Mais que des adultes à peu près normalement constitués sentent le besoin d’accomplir un tel « exploit » en dit beaucoup sur le profond sentiment d’ennui qui ronge le monde occidental.


L’homme se sent seul, mais rêve d’appartenir à un groupe. Il trouve sa vie banale, mais rêve aussi de faire quelque chose d’exceptionnel. Mais il se trouve pris dans une époque où les grandes communautés d’appartenance sont en crise. Chacun est enfermé dans la vie ordinaire dans ce qu’elle a de plus routinier.


Alors cet homme cherche, et pour peu qu’il soit influençable, il bascule dans ces événements artificiels visant à faire croire aux gens qu’ils vivent quelque chose d’unique, alors qu’ils se réfugient dans le divertissement abrutissant. Il voudra participer à un flashmob. Ou encore, au plus grand rassemblement de gens portant un chandail avec une tête de loup. Ou encore il se peindra en bleu, il mettra un bonnet blanc, et pendant une journée, il aura l’impression de vivre dans une bande dessinée.


J’y vois le signe de ce que Philippe Muray appelait le festivisme, c’est-à-dire la transformation de toutes les facettes de l’existence en fête. Mais cet esprit festif est forcé et tourne à vide.








Écoutez Les idées mènent le monde, une série balado qui cherche a éclairer, à travers le travail des intellectuels, les grands enjeux de sociétés.





Surtout, il témoigne de l’infantilisation accélérée du monde adulte, comme s’ils étaient de plus en plus nombreux à refuser de grandir, de vieillir, d’assumer les codes de la maturité. On rêve de revenir à l’époque bénie d’une enfance irresponsable, où l’existence paraissait d’abord ludique.


Mais cette infantilisation est régressive. Et on peut croire qu’elle se répercute dans tous les domaines de la société.


D’ailleurs, même lorsqu’il se veut adulte, l’homme contemporain tend à se perdre dans l’univers parallèle des médias sociaux, où il se laissera hypnotiser par son écran, sans voir que la vie est ailleurs.


Aliénation


Comment ne pas voir dans cela un divertissement illusoire qui devient vite aliénant ? Oui, l’homme occidental s’ennuie. Et il ne parvient pas à se désennuyer.


Et comment avons-nous pu oublier que la vie authentique conjugue des amitiés vraies, des engagements concrets et un certain sens du silence, absolument nécessaire à la vie intérieure ?


Je plains ces tristes Schtroumpfs faussement joyeux. Ils sont si tristes que même Gargamel ne voudrait plus les manger.