Une fois la courbe aplatie, va-t-on surfer plusieurs mois sur des vaguelettes?

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La COVID-19 pourrait durer... deux ans ?!?


Les experts en santé ne prétendent pas avoir une boule de cristal pour dire exactement à quel moment la pandémie de COVID-19 sera maîtrisée, mais plusieurs avertissent qu’il faudra encore respecter pour de nombreux mois diverses mesures de distanciation physique. Y a-t-il une façon de revenir à la normale en attendant la découverte d’un vaccin?




L’administrateur en chef adjoint de la santé publique du Canada, le Dr Howard Njoo, a été clair : la population devra prendre son mal en patience, puisque le pays en a encore « pour de nombreux mois » avant d’être débarrassé de la COVID-19. Et qu’une seconde vague est probable. 


C’est pourquoi des épidémiologistes de l’Université de Toronto ont analysé différents scénarios qui permettraient de gérer les effets de la pandémie sur le système de santé tout en permettant d'alléger certaines restrictions.


Il faut le rappeler, les mesures exceptionnelles de distanciation physique n’ont qu’un seul objectif : éviter un pic incontrôlable du nombre de nouveaux cas qui surchargeraient le système de santé. C’est ce qu’on appelle « aplatir la courbe ».


Graphique de la courbe : le nombre de contaminations sans mesures préventives est plus élevé que le nombre de contaminations avec mesures préventives, qui ne dépasse pas le seuil de saturation du système de santé dans un laps de temps établi dès le premier cas de la pandémie.

Comment évolue une épidémie avec ou sans mesures préventives.


Photo : CDC




Avec des mesures préventives, les cas de contamination augmentent de façon moins abrupte dans le temps, permettant au système de santé de résister à l’afflux de nouveaux cas d'infection.


Mais plusieurs experts craignent que les restrictions soient levées trop rapidement, ce qui pousserait la courbe vers un nouveau sommet.


« Le vrai danger est si on retire les mesures trop rapidement en avril », dit Craig Janes, directeur de l'École de santé publique et de systèmes de santé de l'Université de Waterloo.



Si on ouvre tout trop rapidement, il y aura une nouvelle hausse du nombre de cas transmis dans la communauté.


Craig Janes, Université de Waterloo


Deux ans encore à surfer sur des vaguelettes


À l’école de santé publique Dalla Lana, l’équipe d’Ashleigh Tuite a exploré une version modifiée de la courbe aplatie – un modèle qu’ils décrivent comme « surfer sur la vague ».



Leur modèle s’étend sur une période de deux ans – le temps que pourrait prendre la fabrication d’un vaccin.


Selon ces chercheurs, lorsque la courbe redescendra après avoir atteint son sommet, dans les prochaines semaines, les autorités pourront graduellement lever certaines restrictions.


Les citoyens auront toutefois à affronter plusieurs petites vagues d'éclosion à l'automne (en rose et en mauve sur le graphique).


Donc, la COVID-19 ne disparaîtrait pas de sitôt, mais en surfant sur ces petites vagues, il serait possible de maintenir le nombre d’infections et d'hospitalisations à un faible niveau, explique Ashleigh Tuite, en entrevue à CBC.


Mais si les gouvernements lèvent trop tôt leurs restrictions, le système de santé pourrait être de nouveau surchargé dans six mois, comme le montrent les courbes orange et verte.


Une courbe en vague sur une période de deux ans.

Ce graphique montre qu'en gardant certaines mesures de distanciation sociale, il sera possible de garder le nombre de nouveaux cas bas. Toutefois, le processus sera graduel et des hauts et des bas sont à prévoir pendant encore plusieurs mois.


Photo : Adaptation d'un graphique d'Ashley Tuite, École de santé publique Dalla Lana de l'Université Toronto




Surtout, insiste-t-elle, chaque fois que les restrictions seront assouplies, les taux d'infection devront être surveillés de très près, les tests de dépistage devront continuer et toutes les personnes infectées devront être isolées rapidement.


Les autorités devront également suivre de près la situation dans d’autres pays pour voir quelles tendances se dégagent.



Aussitôt que les taux d'infection commencent à augmenter trop rapidement, il se peut que nous devions intensifier temporairement les restrictions jusqu'à ce que les niveaux redescendent.


Ashleigh Tuite, Université de Toronto


Malgré tout, il serait donc possible de restaurer un certain niveau d'interactions physiques et d’activités sociales et économiques, sans atteindre des sommets incontrôlables. Au lieu de tous devoir rester à la maison, il serait possible de trouver des moyens créatifs qui nous permettront de revenir un peu plus à la normale, a précisé Ashleigh Tuite.



Deux ans sans grands rassemblements?


Des scientifiques de l’Imperial College of London ont élaboré un scénario de l'évolution de la pandémie aux États-Unis sur une période allant jusqu'en mars 2021, qui vient appuyer les constats de l'équipe d'Ashleigh Tuite.


La ligne rouge montre que sans mesures de distanciation physiques, les États-Unis verraient le sommet de l'épidémie en mai ou juin.


La ligne verte montre un plan d'action qui comprendrait la fermeture des écoles, l'isolement des patients et des recommandations de distanciation sociale (comme l'interdiction de grands rassemblements).


De nouvelles éclosions sont envisageables à l'automne, mais à un niveau beaucoup plus bas qu'en ce moment.


La ligne orange montre une stratégie de confinement plus sévère qui comprend : l'isolement des patients et la quarantaine obligatoire pour tous.


Les chercheurs de l'Imperial College estiment que ce scénario est applicable à d'autres pays, comme le Canada. Donc que si ces derniers gardent une partie de leurs restrictions en place au cours de la prochaine année, ils devraient éviter de nombreuses infections et hospitalisations.


Courbe montrant une prévision du nombre d'hospitalisations jusqu'en 2021.

Une étude de l'Imperial College de Londres estime que les mesures d'isolement et de distanciation sociale sont les seuls moyens d'éviter un nombre trop élevé d'hospitalisations.


Photo : Source : Imperial College COVID-19 Response Team




Pour sa part, l’agence allemande de contrôle et de prévention des maladies infectieuses, l’Institut Robert-Koch, précise que deux ans de restrictions sévères comme en ce moment, c’est très peu probable. Mais deux ans sans grands rassemblements, c’est possible.


Le moment crucial sera quand la courbe va se stabiliser; les gens vont vouloir retourner à la normale. Mais ça va être un retour à la normale graduel, indique Daniel Béland, directeur de l'Institut d'études canadiennes de l'Université McGill.


M. Janes est d’accord; la reprise des grands rassemblements, comme les festivals et les matchs de sport professionnel, risque d’être reportée pendant encore de nombreux mois.



Ce ne sont pas les politiciens qui vont décider de la date de reprise, c’est le virus qui nous le dira.


Craig Janes, Université de Waterloo


Comment réagiront les Canadiens à des mois de restrictions?


Les autorités de santé publique auront un travail colossal pour convaincre les gens de poursuivre leur isolement, dit M. Janes.


Ça ne sera pas facile. Les gens vont se lasser de tout ça, dit-il. On va sûrement voir plus de gens qui ne respecteront pas les règles. Et c’est normal, c’est la nature humaine; les gens veulent retourner travailler et ils veulent voir leur famille et leurs amis.


Le gouvernement canadien devra absolument être le plus transparent possible sur la durée de cette crise, sans quoi les gens risquent de ne pas respecter les mesures imposées, dit Guglielmo Briscese, économiste à l'Université de Chicago qui étudie l'impact social des restrictions imposées pendant cette pandémie. De plus, prolonger trop souvent les mesures après avoir créé un peu d’espoir peut réduire le niveau de conformité de la population.


Dans une société démocratique, on ne peut pas imposer des mesures restrictives de façon indéfinie, dit M. Briscese. Ça crée trop d’anxiété et de problèmes économiques. C’est correct de donner des dates de fin [des mesures de distanciation physique], mais les autorités doivent expliquer clairement pourquoi ces dates peuvent changer.


Les gens commencent à comprendre que le retour à la normale ne se fera pas immédiatement, dit M. Briscese, mais que les gouvernements devront gérer les attentes des gens. C’est un marathon, pas un sprint. 




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