Des accusations de harcèlement et de menaces de mort ont été déposées contre Rami et Yazn Aiesh, respectivement âgés de 20 et 18 ans, et leur mère Madjeh Halawleh, âgée de 39 ans.
Ils sont détenus depuis le 25 juin, la poursuite s’étant opposée à leur remise en liberté provisoire de peur que la situation s’envenime.
Elle craint pour la sécurité du principal plaignant qui aurait subi les foudres des accusés — notamment par téléphone — pour avoir eu une relation sexuelle avec un autre membre de la famille Aiesh et avoir ensuite refusé de la marier.
Trois autres personnes de son entourage font partie des présumées victimes. Le principal plaignant fait également l’objet d’une plainte pour agression sexuelle de la part de la jeune fille.
Préservation
« Nous ne voulons pas la marier, mais comme il a eu une relation sexuelle avec elle, il faut préserver son honneur », a déclaré Fuaad Aiesh, père et époux des accusés, lundi, au palais de justice de Granby.
« L’honneur est très important chez nous. »
M. Aiesh a témoigné à la demande de la défense, qui souhaite que ses clients, qui ont plaidé non-coupable, retrouvent leur liberté pour la suite des procédures judiciaires.
Il a nié avoir eu connaissance de harcèlement ou de menaces de mort, se limitant à admettre que des « mots durs » avaient été prononcés.
« Le sang va couler », « Tu ne connais pas la famille Aiesh » et « On peut agir dans la terreur » font toutefois partie des expressions qui auraient été prononcées par les accusés, selon la poursuite.
Dans un enregistrement diffusé en cour, on entend également MmeHalawleh dire : « Nous n’avons pas peur de la police, du Canada ou qu’on nous rapatrie en Syrie. »
Ayant obtenu le statut de réfugiés, les Aiesh sont résidants permanents depuis janvier 2016.
Vulnérabilité
La détention provisoire des accusés est nécessaire afin de protéger autant la jeune femme que l’homme impliqué dans cette affaire, « deux victimes particulièrement vulnérables », a fait valoir Me Valérie Simard-Croteau, de la Couronne.
Elle a fait référence à l’affaire Shafia, où un couple québécois d’origine afghane avait été trouvé coupable, avec leur fils, d’avoir assassiné trois de leurs filles — ainsi que l’ex-conjointe du père — en 2009 parce qu’elles aspiraient à une plus grande liberté de mœurs.
L’homme dans le présent dossier, a dit Me Simard-Croteau, « craint encore pour sa vie » et a d’ailleurs fui la province pendant quelques jours après les faits reprochés.
« Il n’y a que deux options pour la famille Aiesh : le mariage forcé ou la mort. Rien n’est réglé dans cette histoire », a-t-elle dit.
La procureure a qualifié les accusés d’« individus qui obéissent à leurs propres lois et leur propre code d’honneur, sans égard au fonctionnement de la société québécoise qui érige au premier plan la notion de liberté et de droit des femmes ».
Pressions
À la défense, Me Mireille Leblanc a souligné que les accusés sont sans antécédent judiciaire et que les crimes qui leur sont reprochés ne sont pas les plus graves.
Rien n’indique non plus qu’ils bafoueront les conditions émises par la cour s’ils sont libérés, notamment des interdits de communication, et ils offrent des cautions allant de 500 $ à 3000 $.
« Ils n’ont pas aimé leur séjour en prison », a dit Me Leblanc.
L’avocate a également mentionné que ses clients ont eux aussi subi des pressions de leur entourage, qu’elle attribue aux « us et coutumes » de la communauté syrienne.
De plus, le temps de détention préventive qu’ils ont déjà purgé, soit l’équivalent de 21 jours, pourrait correspondre à leur éventuelle sentence, a dit Me Leblanc, qui a rejeté la comparaison avec l’affaire Shafia.
« C’est un cas extrême, a-t-elle dit. Il ne faut pas mettre tous les œufs dans le même panier. »
Le juge Serge Champoux, de la Cour du Québec, doit rendre sa décision mercredi quant à la remise en liberté demandée.