Tuer la vérité

C’est ça la guerre au 21e siècle : une guerre qui prétend ne pas être une guerre.

Géopolitique — Afrique du Nord


Cet article a été rédigé en anglais le soir du 23 août 2011.
Mahdi Darius Nazemroaya et Thierry Meyssan sont actuellement isolés dans le centre de presse de l’hôtel Rixos à Tripoli, autour duquel ont lieu des combats intenses.

Nous demandons à nos lecteurs de réfléchir à ce que Mahdi tentait d’accomplir au centre de presse de l’hôtel Rixos : rapporter des faits de manière honnête, en se souciant de la vie humaine, solidairement avec ces hommes, femmes et enfants libyens ayant perdu la vie dans des raids de bombardements ayant touché des zones résidentielles, des écoles et des hôpitaux.

La vie de Mahdi est en danger parce qu’il dit la vérité, parce qu’il expose les crimes de guerre de l’OTAN.

On nous dit que pour « bâtir la démocratie » en Libye, il faut bombarder intensivement un pays entier, en vertu de la « responsabilité de protéger » (« Responsibility to Protect », R2P).

Toutefois, Mahdi remet ce concept en question. Il conteste le fondement même de la propagande de guerre voulant que l’acte de guerre soit une entreprise vouée à l’établissement de la paix.

Au cours des derniers jours, nous avons consacré tout notre temps et toutes nos énergies à assurer la sécurité de Mahdi, Thierry et de plusieurs autres journalistes indépendants coincés à l’hôtel Rixos.

Il faut comprendre l’atmosphère qui règne au centre de presse de cet hôtel à Tripoli.

Les médias dominants, dont CNN et la BBC, ont des liens directs avec l’OTAN, le Conseil national de transition et les forces rebelles. Ils servent directement les intérêts de l’OTAN par une importante déformation médiatique.

Au même moment, ceux qui s’engagent à dire la vérité au centre de presse du Rixos font l’objet de menaces voilées. Dans le cas de Mahdi, les menaces étaient très explicites.

Ceux qui disent la vérité sont menacés.

La vie de ceux qui mentent et acceptent le consensus de l’OTAN sera protégée. Les forces spéciales de l’OTAN opérant au sein des rebelles assureront leur sécurité.

Dans cet environnement répugnant, les liens personnels ont été rompus. Les journalistes des médias indépendants, ainsi que ceux des pays non-membres de l’OTAN, dont la Chine, l’Iran et les pays d’Amérique latine, sont considérés persona non grata par les groupes des médias dominants dans l’hôtel.

Mahdi dit la vérité. Il conteste directement les liens des médias dominants.

Ses reportages menacent le consensus de l’OTAN.

Il décrit la destruction entière d’un pays, de ses institutions et de ses infrastructures.

On nous dit que ce massacre et cette destruction sont nécessaires à l’établissement de la « démocratie », sous le drapeau colonial du roi Idris.
On nous ment de la manière la plus crapuleuse qui soit. Les victimes de l’agression de l’OTAN sont qualifiées de « criminels de guerre » alors que les responsables de la guerre sont accueillis comme des libérateurs.

Le mensonge est devenu vérité et c’est pourquoi la vie de Mahdi est en danger.

La guerre c’est la paix, selon le consensus de l’OTAN.

La « communauté internationale » a systématiquement approuvé la campagne de bombardement de l’OTAN au motif que Kadhafi est un dictateur.

Puisqu’il est répété ad nauseam, les gens acceptent tôt ou tard le consensus: le massacre est une entreprise destinée à établir la paix.

Comment pourrait-il en être autrement? Tous les médias au pays (Canada), les gens du gouvernement et les intellectuels ont accepté ce consensus.

La réalité est sens dessus dessous. Les gens ne sont plus capables de penser.

Ils acceptent le consensus parce qu’il émane d’une autorité supérieure qu’ils n’osent pas remettre en question.

En réalité, il s’agit du fondement même d’une doctrine inquisitoriale.

Toutefois, les bases « humanitaires » de la « responsabilité de protéger » vont bien au-delà de l’Inquisition espagnole.
Nous faisons face à un dogme que personne ne peut mettre en doute.

Mahdi Nazemroaya a réfuté ce consensus en révélant les mensonges des médias dominants.

Une fois que le consensus de l’OTAN est brisé, la légitimité des bellicistes s’écroule comme un château de carte.

Voilà pourquoi la vie de Mahdi Nazemroaya est menacée.

C’est ça la guerre au 21e siècle : une guerre qui prétend ne pas être une guerre.

Tous les protocoles et toutes les conventions relatives à la guerre ne s’appliquent pas.

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) n’est pas sur le terrain. Il n’a pas de mandat parce qu’officiellement, il ne s’agit pas d’une guerre.

C’est la guerre la plus sordide et immorale de l’histoire, au point où même les activistes antiguerres, les politiciens de gauche et les soi-disant progressistes applaudissent. « Kadhafi est le dictateur, il doit partir. »

C’est une blitzkrieg, une guerre éclair avec des systèmes d’armes sophistiqués. Selon les statistiques de l’OTAN, il y a eu 20 000 sorties depuis le 31 mars et 8 000 missions de frappe.

Chaque mission de frappe implique plusieurs cibles, dont la plupart sont civiles.

Comparez cela aux bombardements de la Seconde Guerre mondiale ou de la Guerre du Vietnam…

Nous sommes déterminés à ramener Mahdi au Canada en toute sécurité.
Dites-le à tout le monde, diffusez le message partout.
***
Michel Chossudovsky, Mondialisation.ca, 24 août 2011. 12.22am EDT
REPORTAGE VIDÉO
Le reportage suivant sur Mahdi Nazemroaya par CBC News a été diffusé mardi le 23 août 2011.
http://www.cbc.ca/video/#/Shows/1221254309/ID=2103783289


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