Très brève réflexion sur l’esprit de résistance des Québécois

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Les Québécois, des résistants à l'uniformisation du monde

Les Québécois ne le savent pas mais ils sont porteurs d’un point de vue sur le monde particulièrement riche, surtout à notre époque qui est hantée par la tentation de l’homogénéisation du monde. Campés aux marches de l’empire américain, qui ne parvient pas à comprendre qu’on ne désire pas lui ressembler et qui se voue consciemment et inconsciemment à la colonisation mentale des peuples et coincés dans la fédération canadienne, qui nie fondamentalement leur existence et s’est transformée en laboratoire politique où se déploie l’utopie diversitaire, ils incarnent, sans toujours s’en rendre compte, une différence fondamentale dans l’univers américain, soit le désir d’une nation de ne pas se laisser folkloriser ou dissoudre dans les paramètres du multiculturalisme. Ils incarnent le désir des peuples de demeurer des peuples.


L’aspiration des Québécois à constituer une nation à part entière, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur de la fédération canadienne, apparait pour nos voisins au mieux comme une forme de nationalisme nostalgique décalé à l’heure des grands ensembles, au pire comme une forme de suprémacisme ethnique ne disant pas son nom et qu’il faudrait par tous les moyens empêcher de se déployer. Il leur est difficile, de plus en plus, d’ailleurs, de ne pas se voir avec les yeux de leurs voisins, mais globalement, ils y parviennent, comme on le voit aujourd’hui avec leur désir d’établir leur propre modèle de la laïcité, qui semble moralement scandaleux ou du moins inconcevable si on l’envisage à partir de l’imaginaire anglo-saxon. Les Québécois voient leur identité comme fondatrice et ils la voient comme une source de légitimité politique.


Cet esprit de résistance leur vient de loin: cela fait plus de 250 ans que leur existence en Amérique est constamment remise en question, comme s’ils devaient se justifier d’exister. Les Québécois sont peut-être, comme le suggérait déjà Alain Finkielkraut il y a près de vingt ans, la petite nation par excellence, c’est-à-dire celle qui sait qu’elle peut disparaître et qui fait de son existence un combat sans cesse renouvelé. Les Québécois se maintiennent, et ils le font en bonne partie contre ceux qui leur expliquent qu’ils devraient se délivrer de leur identité-fardeau pour enfin se moderniser et accéder pleinement à l’expérience nord-américaine. Théoriquement, ils devraient constituer un État indépendant et il n’est pas interdit de penser qu’après les actuelles années de sécheresse politique, ils reprennent leur marche vers cet objectif qui va de soi.


Dans un monde marqué par la mondialisation, qui pousse à la dissolution des nations ou du moins, à leur soumission à un empire idéologique droit-de-l’hommiste qui vide la démocratie de toute substance, l’expérience historico-politique des Québécois devient passionnante, et plus encore si on l’aborde dans la perspective de la philosophie politique, pour peu qu’elle se délivre des spéculations stratosphériques auxquelles la condamnent trop souvent ceux qui la pratiquent dans l’université. L’expérience québécoise, et plus largement celle des petites nations, peut fonder une réflexion sur l’authentique diversité du monde, pour peu qu’on la pense dans ses dimension politique et culturelle. Elle incarne l’esprit de résistance dans un monde qui pousse à la soumission.