Tout le monde savait*

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Ce n'est pas une raison

Reprise de ma chronique parue ce vendredi dans les pages du Journal de Montréal et du Journal de Québec.
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TOUT LE MONDE SAVAIT
Jusqu’à récemment, le financement illégal des partis était monnaie courante. De plus en plus de joueurs clés du financement politique au Québec le confirment. Des enquêtes journalistiques et le rapport Duchesneau ont aussi sonné l’alarme.
En 2009, l’ex-politicien montréalais Benoît Labonté levait le voile sur ce nid de vipères. L’usage de prête-noms par les entreprises et les partis était aussi illégal que répandu. Autant au provincial qu’au municipal. Son verdict: le système était carrément «mafieux» et généralisé.
Dès 2006, le rapport Moisan avait quant à lui révélé l’usage de prête-noms au Parti québécois. À la commission Charbonneau, l’ex-entrepreneur Lino Zambito livrait pour sa part une autopsie précise et précieuse du «système».
Cette semaine, c’était au tour de Marc-Yvan Côté. Selon l’influent ex-organisateur libéral et ancien vice-président de l’omnipuissante firme de génie-conseil Roche, le financement illégal faisait tout simplement partie des «mœurs». Point.
La pente glissante
Or, quand un parti politique remplit ses coffres en toute illégalité, il pose le pied sur une pente glissante. Celle de la corruption, de la collusion, de l’acceptation de «cadeaux» et du favoritisme dans l’octroi de contrats publics.
Un «problème de société», selon Marc-Yvan Côté. Non, monsieur. C’est un problème de culture politique.
L’intégrité, ou son absence, n’est pas un principe dicté par la «société». Il est dicté par ceux qui dirigent les partis et ceux à qui ils font confiance pour les organiser et les financer.
Qui ferme les yeux devant le financement occulte installe une culture d’illégalité et de détournement de fonds publics au sein même du processus démocratique. Le geste, répété, est grave. Très grave.
Les témoignages débouchent sur un constat ultime: tout le monde, ou presque, savait. Si tout le monde savait, doit-on croire que les élus ne savaient rien?
Et que dire du bureau du Directeur général des élections (DGE)? Où était cette institution «indépendante et impartiale» pendant toutes ces années de magouilles?
Chiens de garde ou tigres de papier ?
Tout le monde politique «savait», mais pas le DGE? Tout le monde savait que les partis faisaient systématiquement du «financement sectoriel» auprès des entreprises, mais pas lui ?
La loi sur le financement politique passe aujourd’hui pour un «mythe» et une «fiction». Où était le bureau du DGE pendant qu’on la violait à répétition? Pourquoi n’a-t-on pas mieux protégé l’intégrité du processus démocratique ?
Était-ce par manque de ressources? Par manque de «dents» dans la loi? Était-ce par manque de volonté, aveuglement ou mollesse?
Du DGE aux commissaires à l’éthique et au lobbyisme, l’impression est surtout que les gouvernants ont préféré sauver les apparences en créant des tigres de papier.
Outiller pleinement de vrais chiens de garde de la démocratie reste à faire.
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