Mme Fréchette croit que quoi que pense, personnellement, Andrew Scheer du mariage des conjoints de même sexe ou du droit à l’avortement, il ne changerait rien aux lois canadiennes.
«Je pense qu’il l’a déjà dit qu’il a un certain malaise», a-t-elle souligné, au cours d’une entrevue téléphonique lundi matin, en parlant de la position de M. Scheer sur le mariage.
«Mais est-ce que, à cause de son malaise à lui, il va aller faire un changement pour tout le pays? Absolument pas. Notre chef veut être rassembleur. Il est capable de faire une différence entre ses croyances profondes et le bien de notre pays», a-t-elle ajouté.
Même conviction quant au droit à l’avortement.
«Je sais que c’est ça sa position personnelle», a-t-elle dit à propos du fait que M. Scheer s’affiche dans le camp antiavortement. «Mais au niveau du parti, le droit à l’avortement est légal au Canada et il n’a pas l’intention de revenir en arrière», a assuré celle qui tient à ce «droit acquis» pour les femmes et qui estime «le dossier clos».
Pourquoi?
L’ancienne athlète était en plein marathon d’entrevues avec la presse et les émissions de radio et de télévision, lundi, son saut en politique suscitant beaucoup d’intérêt.
Elle a ainsi raconté, à répétitions, ce qui l’a poussée à dire oui au parti qui lui a fait une offre, il y a deux semaines à peine.
«Moi je me suis dit : “Je vais aller jusqu’où à laisser aller des décisions et des choix dans lesquels je ne m’identifie pas?”» a-t-elle exposé à La Presse canadienne.
Invitée à citer certaines des décisions qu’elle reproche au gouvernement libéral, elle est d’abord restée vague, parlant du respect sur la scène internationale que le Canada aurait perdu. Puis, elle a évoqué l’affaire SNC-Lavalin.
«Ce qui s’est passé avec SNC-Lavalin, tout ce qui s’est passé, c’est comme : “Hey, on peut-tu arrêter?” Qu’on arrête! C’est de la bullshit, tout ça. On n’est pas con, là. Juste ça, je n’en peux plus», a-t-elle lancé.
C’est une rencontre avec le lieutenant québécois de M. Scheer, Alain Rayes, qui a convaincu Mme Fréchette qu’elle avait une place chez les conservateurs.
«Je m’étais préparée à rencontrer un bon vieux politicien, quelqu’un qui allait me bullshitter un peu puis essayer de me convaincre d’un paquet d’affaires. Ce n’est pas le type d’homme que j’ai rencontré», a-t-elle raconté.
«À ma très grande surprise, c’est un homme de cœur, a-t-elle dit à propos de M. Rayes. C’est un homme de vision. C’est un homme qui pense à l’environnement. Il a des enfants. Il est impliqué. [...] J’ai envie de m’associer à ces valeurs-là.»
Mme Fréchette rapporte aussi sa surprise d’avoir pu parler avec M. Scheer dimanche en français — «Ben oui, il parle français!».
Pas gagné d’avance
La nageuse tentera de se faire élire dans Rivière-du-Nord, un comté situé dans les Laurentides et représenté par un député bloquiste.
Ce ne sera pas une circonscription facile à conquérir pour l’ancienne athlète. Ces dernières années, la circonscription a voté pour le Bloc québécois, à part une exception néo-démocrate lorsque la vague orange a déferlé sur le Québec en 2011.
Aux dernières élections en 2015, le candidat du Bloc québécois Rhéal Fortin a recueilli 32 % des voix. Le député néo-démocrate sortant le talonnait avec 30 % du vote. La candidate libérale arrivait en troisième place avec 26 % des voix.
Loin derrière, le candidat conservateur n’avait réussi à convaincre que 8,5 % des électeurs.
Élu pour la première fois en 2015, le député Fortin se présente à nouveau. «Moi, ça fait 15 ans que je suis dans la région et je n’ai jamais eu le privilège de le rencontrer ou même de lui serrer la main», a noté Mme Fréchette.
Manifestement déjà prête à en découdre avec son principal adversaire, elle lui reproche son manque de visibilité dans le comté.
«D’être présent plus souvent plutôt que de tout simplement avoir des photos avec des textes dans les journaux, je pense que ce serait quelque chose qui serait important pour qu’il puisse vraiment être à l’écoute», a-t-elle dit.
Joint à son tour par téléphone alors qu’il était à Saint-Jérôme, une des quatre villes de sa circonscription, M. Fortin s’est défendu.
«C’est comique ça. Les gens qui m’appuient disent tous qu’ils n’ont jamais eu un député aussi présent et ceux qui sont contre moi disent qu’ils ne me voient jamais. C’est correct. C’est de bonne guerre», a-t-il commenté, un sourire dans la voix.
Tout de même, il a relevé le gant.
«J’espère qu’elle a gardé son pince-nez pas trop loin parce que les pipelines au Québec, ça ne passe pas. Puis, la loi sur l’avortement, puis le mariage gai, puis tout ça. Les positions conservatrices vont être difficiles à défendre à mon avis. On verra comment Mme Fréchette va s’en tirer», a-t-il lancé, manifestement peu intimidé par le vedettariat de sa nouvelle rivale.