Si le président français n'a pas la majorité parlementaire, quels sont ses pouvoirs?

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Pour mieux comprendre le système politique français

Ce n'est pas tout de remporter l'élection présidentielle. En l'absence d'une majorité parlementaire aux élections législatives de juin, les pouvoirs du successeur de François Hollande seraient sérieusement limités et il pourrait devoir faire de nombreux compromis pour gouverner.


Le vainqueur de la présidentielle arrivera à l’Élysée armé d'un programme électoral. Mais il n'aura les coudées franches que s'il peut s'appuyer sur une majorité de députés.


Lorsqu'il prendra le pouvoir, une dizaine de jours après la tenue du deuxième tour, il devra d'abord composer avec une Assemblée nationale dominée par le Parti socialiste. Mais il est loin d'être assuré que les élections législatives des 11 et 18 juin lui conféreront ensuite la majorité recherchée.


« Lorsqu’il y a coïncidence entre les deux majorités - présidentielle et parlementaire -, c’est un régime fortement présidentiel », explique Nicolas Chibaeff, diplomate en résidence à la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques de l'UQAM.



Lorsque ce n’est pas le cas, ça se transforme en fait en régime parlementaire, dans lequel le premier ministre, chef de la majorité à l’Assemblée nationale, joue un rôle déterminant dans la conduite du gouvernement.



Nicolas Chibaeff, diplomate en résidence à la Chaire Raoul-Dandurand

En principe, le président nomme qui il veut comme chef de gouvernement. « Mais pour gouverner, le premier ministre a besoin du soutien de l’Assemblée nationale, souligne M. Chibaeff. Sinon, il y a le risque qu'une majorité des députés adoptent une motion de censure qui contraint le premier ministre et le gouvernement à démissionner. Le président doit en tenir compte. »


Ce n'est pas le programme du président, mais celui du premier ministre « qui réussit à réunir autour de son programme une majorité » qui est mis en oeuvre, fait valoir Nicolas Chibaeff.


« Essentiellement, tout ce qui relève du domaine de la loi » ne peut être adopté sans le soutien d’une majorité de députés: budget, loi sur la sécurité sociale, Code du travail, régime de retraite, immigration, éducation, etc.


Toutefois, la Constitution permet au président de demander au Parlement de délibérer à nouveau sur une loi. Le chef de l'État, qui veille au respect de la Constitution, peut en outre saisir le Conseil constitutionnel s'il juge qu'une loi ne la respecte pas.


Vers une situation parlementaire inédite?



Le président français Jacques Chirac et le premier ministre Lionel Jospin sont assis, attendant le début d'une session de travail lors d'un Sommet de l'Union européenne qui se tient à Nice, le 8 décembre 2000.

Le président français Jacques Chirac et le premier ministre Lionel Jospin, au Sommet de l'Union européenne, à Nice, en décembre 2000. Photo : Reuters


Depuis le début de la Ve République, en 1958, il est arrivé à trois reprises que le président, privé d'une majorité parlementaire, choisisse le premier ministre dans les rangs de ses adversaires majoritaires. Le président François Miterrand a ainsi dû cohabiter avec le premier ministre Jacques Chirac (1986-1988), puis avec Édouard Balladur (1993-1995), et Jacques Chirac a, à son tour, dû cohabiter avec Lionel Jospin (1997-2002).


« Il y a un cas de figure qui ne s’est pas présenté jusqu’ici », relève toutefois Nicolas Chibaeff : celui où aucun parti n'obtient une majorité à l’Assemblée nationale. Une hypothèse évoquée par des observateurs pour les prochaines législatives.


« Ce serait sans précédent dans l’histoire de la Ve République », souligne le diplomate.


« Dans ce cas, le président de la République disposerait d’une certaine marge d’initiative dans la constitution d’une coalition gouvernementale », fait-il valoir. Son autonomie pour nommer le premier ministre serait alors plus grande que si un parti adverse est majoritaire.


Élection présidentielle française 

D'autres pouvoirs propres au président


« La Constitution désigne le président comme le chef des Armées, ajoute Nicolas Chibaeff. Il préside les conseils de la défense nationale, puis négocie et ratifie les traités internationaux. » Mais ses compétences en matière de politique étrangère ne restent pas exclusives advenant une cohabitation, et la ratification de certains traités doit cependant être votée par le Parlement, précise le diplomate.


Le président dispose aussi de « pouvoirs exceptionnels », notamment lorsque les institutions de la République ou l’indépendance de la Nation sont « menacées d’une manière grave et immédiate », selon les termes de la Constitution. « C’est très réglementé », spécifie Nicolas Chibaeff.


Selon la Constitution, le président promulgue les lois, signe les ordonnances et les décrets adoptés par le Conseil des ministres, il peut aussi dissoudre l'Assemblée nationale, gracier des personnes condamnées, convoquer un référendum sur certains enjeux, mais sur proposition du gouvernement ou des deux assemblées. C'est aussi lui qui « nomme aux emplois civils et militaires de l’État » et accrédite les ambassadeurs.




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