Services à domicile aux aînés :quels sont les vrais chiffres ?

Tribune libre

par Jacques Fournier
organisateur communautaire retraité
Dans Le Devoir du 16 décembre http://www.ledevoir.com/societe/sante/338505/soins-a-domicile-passons-de-la-parole-aux-actes , le Dr Réjean Hébert, de l'Université de Sherbrooke, plaide pour un financement accru des services à domicile destinés aux aînés.
La ministre responsable des Aînés, Marguerite Blais, réplique au Dr Hébert dans Le Devoir du 22 décembre 2011 http://www.ledevoir.com/societe/sante/338904/la-replique-soins-a-domicile-le-quebec-fait-des-efforts-colossaux , car elle n'est pas d'accord avec son analyse des sommes réellement investies dans les services à domicile. Le Dr Hébert dit que le MSSS y investit un peu plus de 400 millions $ annuellement, alors que Mme Blais allègue que c'est la somme de 587 millions $ qui y est consacrée.
Or le chiffre plus élevé de Mme Blais inclut peut-être erronément certains montants. Si on analyse les données précises du budget 2011-2012, c'est plutôt la somme de 463 millions $ qui irait aux aînés au titre des services à domicile.
Comment expliquer cette différence? Peut-être parce que Mme Blais inclut dans son total des montants qui ne devraient normalement pas y être, comme le montant investi dans le PEFSAD (Programme d'exonération financière pour les services d'aide domestique). Ce montant était de 58 millions $ en 2009-2010. Il faut noter que seulement 67 % du PEFSAD va aux 65 ans et plus (au 31 mars 2009).
Qu'est-ce qui peut faire croire que Mme Blais a inclus le PEFSAD dans son total? Elle mentionne «50 millions $» comme somme nouvelle ajoutée aux services à domicile en mars 2011. Or ces 50 millions incluent justement 5 millions $ de plus pour les entreprises d'économie sociale, les EESAD. Elle aurait donc récemment pris l'habitude d'ajouter systématiquement le PEFSAD aux grands totaux, contrairement aux calculs faits par l'Institut canadien d'information sur la santé (ICIS) quand ce dernier compare les provinces canadiennes.
La ministre insiste aussi lourdement sur le crédit d'impôt remboursable pour les services à domicile. Or ce crédit d'impôt ne bénéficie pas aux plus démunis, mais à la classe moyenne (revenu familial de moins de 52 080 $), celle qui a les moyens de payer 70 % des coûts, le crédit d'impôt étant de 30 %.
Il existe aussi une autre source possible de confusion: les services à domicile des aînés ne sont qu'une composante de l'ensemble des services à domicile. Ces derniers, plus larges, comprennent aussi, par exemple, les services des infirmières à domicile pour les soins postopératoires et post-hospitalisation (dont les moins de 65 ans), le soutien à domicile des personnes handicapées, etc. Le grand total des services à domicile était de 982 millions en 2008-2009. Il y a peut-être parfois confusion dans l'affectation précise de certaines sommes.
Autre élément qui rend difficile l'analyse des données: à compter de 2008, le gouvernement Charest avait annoncé 80 millions $ de plus par année pendant cinq ans pour les services à domicile, mais on n'a pas vu le versement concret de cette somme après 2009. De plus, on ne trouve pas dans les données accessibles au public sur Internet les sommes «réellement nouvelles» qui ont été affectées aux services à domicile des aînés pour les années 2009 à 2011.
Que de travail pour comprendre les données réelles! Et on garde le désagréable sentiment d'être parfois un peu manipulé...
Paru dans le Devoir du 30 décembre 2011

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