Qui devient religieuse aujourd’hui?

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L'effondrement national suit l'effondrement de la foi : il y a là matière à réflexion

Rares sont les Québécoises en 2018 qui décident d’entrer dans les ordres pour aimer Dieu jusqu’à la fin de leur vie. Le Journal en a rencontré trois, dont l’une qui n’a que 22 ans. Voici leurs témoignages.


À 42 ANS, ELLE ENTRE AU COUVENT


Karen Duboy a reçu l’appel de Dieu lors d’une retraite fermée.


« Je suis folle amoureuse de Dieu. Je suis très heureuse d’entrer au monastère, je le crierais sur tous les toits ! » Voilà ce qu’explique Karen Duboy, qui se prépare à devenir religieuse à 42 ans.


La femme, qui n’a jamais été mariée, a vendu son condo, sa maison et son chalet de Québec pour rejoindre les Recluses missionnaires de Montréal.


« J’ai payé mes dettes, il y avait des hypothèques là-dessus. Je vais donc entrer au monastère très pauvre. J’ai des assurances de côté auxquelles je ne peux pas toucher. J’ai une voiture récente que je vais vendre aussi », dit la future nonne.


Avec le peu d’argent qu’il va lui rester, elle s’achètera des vêtements et des médicaments en cas de besoin.


Elle avait envie de devenir religieuse depuis son enfance. Elle avait tenté sa chance à 22 ans, mais des sœurs lui avaient répondu qu’elle était trop jeune pour ça.


« On m’avait dit d’aller vivre ma vie. J’ai eu une rencontre à 40 ans avec Dieu, lors d’une retraite fermée que j’avais faite dans un couvent et ça m’a complètement chavirée, le désir est remonté », explique-t-elle.


Adieu le bon salaire


La femme exerce depuis plusieurs années le métier d’éducatrice spécialisée auprès d’adultes et gagne un salaire annuel de 60 000 $.


« J’ai travaillé avec des gens de la rue, des marginaux et j’ai eu une belle vie. Dieu m’a tellement donné et aimée que j’avais envie de me donner entièrement à lui », révèle-t-elle.


Ses proches n’ont pas été surpris en apprenant la nouvelle. Elle explique qu’elle a un cercle d’amis intimes très petit et qu’ils ont tous respecté son choix.


Devenir recluse, c’est-à-dire se retirer du monde et vivre dans la solitude, ne lui fait pas peur. Karen Duboy a parlé avec plusieurs religieuses de différents couvents pour prendre des conseils et voir la vie monastique. Elle a eu un véritable coup de cœur pour les Recluses missionnaires de Montréal, et la responsable du couvent est très heureuse d’accueillir une nouvelle sœur.


Maturité


« À 42 ans, Karen a eu un vécu, c’est sûr! Ça ne me dérange pas du tout et c’est même préférable dans un sens. À cet âge, elles sont plus matures, elles sont conscientes de leur choix. Karen arrivera avec toute son expérience de vie », raconte la sœur Ginette Généreux, la responsable des Recluses Missionnaires.


La religieuse vivait récemment en colocation à Québec en attendant d’effectuer son stage de trois mois au monastère. Elle découvrira dans un premier temps le rythme de vie des sœurs, et ensuite elle officialisera son nouveau titre. Elle semble jusqu’ici très motivée.


« Je veux bien signer à vie ! » affirme la dame.


ELLE ABANDONNE UNE VIE TRÉPIDANTE


À l’âge de 17 ans, Jacinthe Allard affirme avoir reçu l’appel de Dieu.


Jacinthe Allard est devenue religieuse à 19 ans. Elle explique qu’elle a eu un vécu hors du commun avant de rejoindre la Marie-Jeunesse Québec, la communauté catholique dans laquelle elle vit, à Québec.


De 12 à 17 ans, la jeune femme recherchait des sensations fortes, et explique qu’elle était assoiffée de la vie.


« J’ai tout essayé, et je consommais chaque semaine de la marijuana et des drogues dures. Même le sexe, l’alcool, les sorties, les bars, j’ai tout essayé. Ma quête de savoir ce que je voulais faire dans la vie était intense », explique la jeune femme, aujourd’hui âgée de 35 ans.


Elle s’intéressait aussi aux sciences occultes, comme le Tarot, les lignes de la main, le nouvel âge, mais elle était toujours déçue à chaque expérience qu’elle essayait. Il était difficile pour elle de trouver ce qu’elle voulait faire dans la vie.


Paix intérieure


Puis sa vie bascule, un soir où, âgée de 17 ans, son copain de l’époque la demande en mariage. « Je l’aimais, mais je n’arrivais pas à être satisfaite et à trouver mon bonheur ultime », raconte-t-elle.


« En colère, j’ai pris une croix du Christ qu’il y avait chez moi, j’étais découragée et je me suis mise à parler à Dieu. Je me suis dit qu’il allait m’apprendre à aimer. » C’est alors que, pour la première fois de sa vie elle a ressenti une paix intérieure et sa vie a pris un sens.


« J’ai lu ensuite l’Évangile, et j’ai expliqué à mon copain que j’avais reçu l’appel de Dieu et que j’étais super heureuse. Il a accepté, il ne m’avait jamais vue autant heureuse. Je voulais devenir religieuse », précise-t-elle.


Depuis 16 ans, elle est religieuse à l’auberge Marie-Jeunesse à Québec, un lieu d’accueil pour les jeunes qui désirent vivre une expérience de foi dans un esprit de famille. La jeune femme vit avec trois religieuses et trois frères et prie quatre heures par jour. Elle apporte sa touche artistique en faisant de la peinture, en écrivant et en jouant du piano dans la journée. Elle peut sortir à l’extérieur, elle n’est pas cloîtrée. « Pas dans les bars, on s’entend ! », lance-t-elle.


La religieuse n’a pas de cellulaire et a choisi de faire vœu de pauvreté, d’obéissance et de chasteté.


« L’amour de Dieu va au-delà de la sexualité. Je suis comblée, j’aime Dieu et je ressens une paix intérieure », dit celle qui semble être très épanouie.


AMOUREUSE DE DIEU


Mirianna Belleau admet qu’elle voue un culte sans borne à Dieu depuis son enfance.


Alors qu’à 20 ans on a envie de découvrir le monde et de tenter de nouvelles expériences, Mirianna Belleau a pris bien des gens par surprise en se tournant vers la religion.


« Aller prendre de l’alcool dans les bars avec mes amis du secondaire, j’aimais pas ça. J’aime pas forcément l’alcool, c’est pas comme ça que j’avais du fun. Mais avec Dieu, j’en ai », dit la jeune fille.


Mirianna est âgée de 22 ans et elle est religieuse à la Marie-Jeunesse Québec, une communauté catholique mixte de Sherbrooke. La jeune fille est entrée au couvent quand elle avait 17 ans. Elle est tombée amoureuse de Dieu et avoue ne pas savoir pourquoi.


Depuis l’enfance


« Je porte Dieu dans mon cœur depuis que je suis enfant. J’avais eu un appel. J’ai pas de souvenirs précis à donner, c’est comme si j’avais grandi avec », se rappelle-t-elle.


« J’aime Dieu et je ne pourrais pas répondre pourquoi, cela ne s’explique pas. C’est comme si je demandais à mes parents pourquoi ils sont tombés amoureux. »


La jeune fille explique qu’elle a eu quelques coups de foudre au primaire pour certains garçons, mais qu’elle n’a jamais été plus loin.


« Je n’ai jamais couché avec un gars ! C’est important pour moi de respecter mon corps. Le fait de coucher avec n’importe quels garçons, c’est comme si je donnais mon corps à n’importe qui. Mon amoureux à moi, c’est Dieu », explique-t-elle.


« Et puis, mes parents ne voulaient pas que j’aie de chum avant la fin du secondaire. J’en ai pas cherché non plus ».


À la fin de son secondaire, elle est entrée dans la communauté religieuse. Dans son choix de vie, les membres de sa famille l’encouragent. Ses amis n’ont pas été étonnés qu’elle aille vivre dans un couvent.


Prière en famille


« On est 11 enfants dans ma famille. On priait tous les jours, et le soir avant le repas. J’ai eu une enfance très catholique. Mes amis savaient que je n’aimais pas les choses de mon âge, donc ils ont souri quand je leur ai annoncé », raconte la jeune fille.


La journée, elle va à la messe le matin et le soir, puis prie 4 heures par jour. Elle reçoit des formations et elle fait la couture des vêtements de l’auberge catholique. Avoir une vie de famille ne l’intéressait pas. Elle se voit religieuse toute sa vie.


« C’est ma place ici, je suis bien. Je m’occupe des jeunes qui viennent au couvent vu qu’on a une auberge d’accueil », ajoute-t-elle.


Elle se lève à 6 heures le matin et le couvre-feu du soir est fixé à 22 h. Le soir, elle n’hésite pas à regarder des films avec les autres sœurs ou seule dans sa chambre avec son ordinateur.


« Récemment, j’ai regardé le film Wonder Woman avec les autres religieuses. Nous avons accès à Netflix. On n’est quand même pas coupé du monde », dit-elle.


UNE VOCATION QUI PERD DU GALON


En seulement cinq ans, le nombre de religieuses a baissé de façon importante au Québec. Plusieurs couvents ont dû fermer leurs portes sur l’île de Montréal, car la relève ne semble pas être assurée.


« Le Québec comptait 9023 religieuses dans les couvents membres de la Conférence religieuse canadienne, en 2012, contre seulement 6480 en 2017 », note Jean-Michel Bigou, coordonnateur aux communications à la Conférence religieuse canadienne.


Le nombre exact de couvents fermés ou détruits est encore inconnu pour la Conférence religieuse canadienne.


Couvents convertis


En juillet 2017, le couvent des Sœurs missionnaires de l’Immaculée-Conception à Outremont a été détruit de moitié pour être transformé en futurs condos de luxe.


« Les religieuses vendent leur couvent pour plusieurs raisons. Déjà, elles vieillissent, la moyenne d’âge dans un couvent est de 70 ans. Elles vendent aussi pour des raisons financières et parce qu’elles ne trouvent pas de nouvelles religieuses. Il n’y a plus de vocation en 2017 ! » dit M.Bigou.


D’après la Conférence religieuse canadienne, on remarque que plusieurs religieuses âgées déménagent pour s’installer dans un lieu de fin de vie. Une sorte d’infirmerie religieuse.


« Les sœurs de la Providence à Montréal se sont regroupées avec d’autres congrégations pour ouvrir un lieu médicalisé comme celui-ci. Elles se regroupent pour mourir entre elles », ajoute Jean-Michel Bigou.


Les couvents connaissent une crise des vocations sans précédent. Du coup, les autorités ecclésiastiques font de plus en plus appel à des sœurs étrangères. Et, en premier lieu, africaines.