Pressentant une victoire en 2020, les démocrates et les groupes libéraux ou progressistes salivent déjà. Toutefois, les élections présidentielles de 2020 pourraient leur réserver une surprise de taille : la réélection de Donald Trump. Avec le soutien constant d’au moins 40 % de l’électorat américain, un tel scénario est fort plausible.
Si les démocrates ont pu bénéficier d’une vague bleue aux élections de mi-mandat de novembre 2018, les élections de 2020 risquent fort d’être différentes. Celles-ci seront ni plus ni moins un référendum sur Donald Trump et son administration. Or, les derniers sondages démontrent que 2020 pourrait réserver une mauvaise surprise aux démocrates.
De tous les candidats démocrates en liste ou potentiels, il n’y en a qu’un seul, présentement, qui est en mesure de battre Trump. C’est Joe Biden. Et ici encore, la victoire de Biden n’est pas assurée. Avec tous les scandales entourant Trump et son administration, comment les Américains peuvent-ils encore envisager de reconduire Trump? Tout simplement parce qu’il bénéficie actuellement d’un alignement parfait des étoiles.
L’administration Trump surfe littéralement sur la reprise économique mise en place par l’équipe Obama. Non seulement le taux de chômage se situe constamment en bas de 4 % et la croissance économique dépasse les 3 %, mais les salaires des travailleurs américains, après deux décennies de stagnation, ont commencé à augmenter. De plus, les taux d’intérêt et l’inflation demeurent toujours très bas. Et finalement, non seulement le prix de l’essence demeure abordable, mais les États-Unis sont redevenus le plus grand producteur mondial de pétrole et de gaz naturel. En un mot, les Américains ne ressentent pas de morosité économique.
Cette satisfaction ne se limite pas à la classe moyenne. Depuis deux ans, les taux de chômage des Américains d’origine asiatique, des Latinos et des Afro-Américains n’ont cessé de baisser pour chuter respectivement à 2,2 %, 4,4 % et 5,9 %. C’est la même chose chez les femmes où le taux de chômage a baissé à 3,3 %. Comme ces bas pourcentages battent tous les records depuis 1945, beaucoup d’électeurs féminins ou provenant des minorités ont tendance à accorder le crédit à Trump.
Si beaucoup d’électeurs américains sont rébarbatifs aux discours xénophobes du président, ils sont encore plus réticents à adhérer aux discours néo-socialistes des démocrates qui prônent un New Deal vert, une ouverture tous azimuts à l’avortement, un accroissement jusqu’à 90 % des impôts des plus riches, l’ouverture des frontières à l’immigration, l’assurance maladie pour tous et des réparations aux Afro-Américains pour les séquelles laissées par l’esclavage.
En ce sens, en dépit des propos extrémistes du président, le bilan de l’administration Trump apparaît à la large majorité des Américains comme modéré face à certaines propositions démocrates. Seulement 19 % des Américains adhèrent à l’agenda socialiste prôné par plusieurs candidats démocrates.
L’opposition aux politiques socialistes est bien sûr plus grande parmi les électeurs républicains. 93 % y sont opposés. Toutefois, le soutien d’un agenda socialiste au sein des électeurs démocrates ne dépasse pas les 55 %. Si 70 % des blancs démocrates se montrent favorable à celui-ci, moins de 9 % des Latinos et 15 % des Afro-Américains le sont. Globalement, 75 % des électeurs américains sont opposés à un agenda socialiste. Ici encore, Trump a très bien compris le sentiment électoral américain et a ajusté son discours en conséquence.
Par ailleurs, le discours populiste de Trump peut apparaître à beaucoup comme des plus grossiers, même si en 2016 il s’est montré très habile à susciter la grogne au sein de l’électorat américain et à raviver ses peurs. C’est ainsi qu’il a été capable d’attirer des millions d’électeurs qui votaient traditionnellement démocrate. Les données préliminaires indiquent qu’il est en train de faire de même à l’égard des membres des minorités ethniques.
En dépit de ses exagérations, la rhétorique populiste de Trump plaît à une frange importante de l’électorat. Son opposition à la rectitude politique le fait apparaître comme un politicien dont l’accent est authentique, peu importe à quelle foule il s’adresse.
Plus encore, la majorité des Américains ont le sentiment, en regardant son bilan sur la réduction des impôts, le nettoyage du marais washingtonien ou la révision des accords commerciaux, qu’ils ont un président qui tient ses promesses. Cela est particulièrement vrai avec ses insistances sur la construction d’un mur et le contrôle de l’immigration.
En dépit de certaines déclarations intempestives, Trump s’avère un orateur dont les performances sont magistrales. De manière impromptue, il est capable de tenir des rallyes politiques très divertissants. Sa capacité de gérer les foules s’améliore sans cesse pour rejoindre celle des Barack Obama, John Kennedy ou Ronald Reagan. Ce dernier élément représente un atout certain pour la campagne présidentielle de 2020.
Il reste 18 mois avant les présidentielles de 2020. Beaucoup d’événements peuvent survenir d’ici là. Déjà, les économistes notent un ralentissement économique, sans parler encore de récession. Par ailleurs, il est encore trop tôt pour juger de la réaction à long terme du public aux conclusions du rapport Mueller, des poursuites entamées par le département de la justice ou des différentes enquêtes menées par les comités du Congrès. De plus, le candidat démocrate contre Trump ne sera pas connu avant au moins un an.
Néanmoins, il y a matière à beaucoup de réflexion pour les démocrates. La dernière chose à faire pour eux, c’est de tenir pour acquise une victoire en 2020. Trump représente décidément un adversaire formidable.
Gilles Vandal est professeur émérite à l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke.